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Des agriculteurs qui avancent : les avantages des groupes Fermes DEPHY

Guillaume De Bagneux exploitant en plein Pays de Caux à Limésy (76), témoigne de ses motivations et des raisons qui l’ont amené à intégrer le réseau Fermes DEPHY, animé par Vincent Courteaud de la Chambre d’agriculture de Seine-Maritime.

« Je cultive une surface de 250 ha dont 45 ha de prairies non retournables sur lesquelles je fais du foin destiné à l’alimentation de chevaux.Et sur les 200 ha de cultures, il y a environ 90 ha de blé, 40 ha de colza, 40 ha de lin textile, 10/15 ha de betteraves sucrières et environ 10 ha de ray-grass italien (RGI) que je transforme en foin pour les chevaux ».

Quelles sont les caractéristiques de vos sols ?
« Mes sols sont argilo-limoneux en limons profonds. Ce sont des terres plutôt battantes, avec beaucoup de soucis d’érosion dû à des parcelles en pente et des passages d’eau. Comme ailleurs dans le pays de Caux, on a des bétoires, des marnières, et en plus je suis dans la zone protégée du captage d’eau.
Après mon installation en 1998 et pour pallier à ces difficultés d’érosion, j’ai arrêté le labour en 2004. J’ai complètement remédié à ces problèmes d’érosion et de battance.
Je vois plusieurs avantages à l’arrêt du labour : ne plus labourer permet de créer de la matière organique à la surface de mes sols. Et lors des épisodes de pluie, les gouttes d’eau tapent d’abord sur les résidus de récolte. Elles éclatent donc d’abord avant de toucher le sol, ce qui limite le tassement dû à la pluie ».

Quel est votre objectif en tant qu’exploitant ?
« Mon objectif est de garder le patrimoine que j’ai reçu et d’essayer de l’améliorer plutôt que de le dégrader.
Mon père était éleveur. Mais quelques années après la reprise de l’exploitation, j’ai décidé d’arrêter l’expérience. La rentabilité était trop médiocre et on n’avait pas de bâtiments aux normes. Il aurait fallu construire et c’était un investissement trop important.
Par contre, je souhaite trouver des méthodes de conservation des sols durables et essayer petit à petit de diminuer l’utilisation des phytosanitaires pour en réduire l’impact. A terme j’envisage une conversion totale de l’exploitation en agriculture biologique ».

Qu’est ce qui vous a décidé à réduire l’utilisation des produits phytos ?
« Je suis assez sensible aux notions d’environnement et je souhaite donc réduire mon impact.
Et puis aussi pour ma santé et celle des autres. J’ai remarqué qu’après avoir recours aux phytos et plus particulièrement certaines matières actives, j’ai de premiers symptômes d’intoxication, des maux de tête surtout. Et ces choses-là me font réfléchir ! ».

Quelles motivations vous amènent à vouloir passer en agriculture biologique (AB) ?
« En fait, j’ai fait un audit sur l’exploitation pour chiffrer l’impact de la conversion. Au départ, ça sera forcément compliqué parce que les rendements baissent énormément les deux premières années de conversion, donc il faut tenir ces deux année-là.
Ne faisant pas d’élevage, il y aussi le problème du débouché des cultures fourragères, comme la luzerne ou le trèfle, qui sont des cultures intéressantes pour diversifier la rotation et permettent d’apporter de l’azote dans le sol mais dont je dois encore trouver les débouchés. Quand on a l’élevage ça pose moins de problèmes, mais quand on n’en a pas, c’est autre chose ».

Le débouché actuel pour le RGI ne conviendrait pas pour le trèfle ou la luzerne ?
« Pour le trèfle non. Pour la luzerne éventuellement car dans la filière équine elle est utilisée en déshydratée ou en bouchons. Mais ici en Seine-Maritime on n’a pas d’usine de déshydratation de luzerne. On pourrait faire des foins de luzerne, mais ce ne sont pas des marchés récurrents. J’ai pas mal d’éleveurs autour de moi, mais les politiques d’élevage aujourd’hui sont plutôt de travailler en autonomie alimentaire plutôt que d’acheter à l’extérieur…
Alors dans mon audit, on a fait l’étude en intégrant la vente de la luzerne. Mais évidemment si on ne l’intègre plus, elle perdrait en valeur ajoutée ».

Comment pensez-vous engager la conversion sur vos cultures ?
« Je cultive 2 sites : un site principal regroupé près de chez moi et un autre site d’une trentaine d’hectares localisé à 15 km. Je voulais commencer par ce second site et me « faire la main dessus ». Puis, petit à petit, convertir plusieurs hectares : 10, 20 ou 30 ha par an et essayer de commencer comme ça.
Un autre point non négligeable, c’est l’investissement assez considérable pour transformer des bâtiments, investir dans des trieurs, des séchoirs,… Tout ça demande d’avoir bien réfléchi avant de se lancer ! Sur une exploitation comme la mienne, il faut compter entre 100 000 € et 150 000 € d’investissement en matériel un peu spécifique ».

Pourquoi avez-vous choisi d’entrer dans le réseau DEPHY ?
« Pour moi rentrer dans le groupe DEPHY c’est une forme de transition. C’est pour moi l’opportunité de chercher et de tester des méthodes alternatives pour réduire les phytos, de changer les systèmes de culture et de trouver petit à petit d’autres méthodes. Dans l’idée, je souhaite aller jusqu’à la conversion, mais si le groupe DEPHY me fait réduire de beaucoup mes traitements et que ça marche bien, je peux aussi envisager de rester comme ça…
Le partage d’expérience est intéressant et c’est ce que je voulais trouver dans ce groupe : des échanges, des méthodes de travail différentes des miennes, des usages différents, etc. J’ai la volonté de faire évoluer mon système et le groupe DEPHY me permet d’avancer dans mes réflexions et façons de faire. En blé, on a parlé par exemple de purin d’orties utilisé en complément d’un traitement fongicide. Certains agriculteurs du groupe le fabriquent eux-mêmes, et l’utilisent. Je trouve la démarche très intéressante, et ça semble prometteur. Il y en a certainement d’autres choses à découvrir… ».

Au moment de votre installation pensez-vous vous orienter vers l’AB ?
« Oui, c’est quelque chose que je mûrissais déjà avant l’installation. J’y pensais mais c’est vrai que j’avais complètement mis ce projet de côté pendant une dizaine d’années. Il a d’abord fallu que je m’installe, puis je me suis un peu agrandi, j’ai changé de méthodes de travail, … Mais finalement on y revient quand on a acquis un peu de sagesse ! ».

Prenons l’exemple du semis tardif des blés : comment gérez-vous le fait de ne pas aller semer quand vous voyez autour de vousles chantiers de semis commencés ?
« C’est l’âge et l’expérience qui me permettent de ne pas avoir trop d’appréhension. Le métier d’agriculteur m’a appris une chose : relativiser.
Il n’y a pas une méthode miracle, ni de date meilleure qu’une autre. Il faut s’adapter et tous les ans il faut ajuster sa méthode de travail. Il ne faut surtout pas avoir peur de se lancer. Je gère mon stress en allant au bout de mes choix. A partir du moment où j’ai pris la décision de me lancer dans quelque chose, je vais jusqu’au bout… même si j’ai le ventre un petit peu serré parfois en dormant !
C’est vrai que ce n’est pas facile de changer ses habitudes et d’aller vers des méthodes qu’on maîtrise moins. Quand je suis rentré dans ce groupe, c’était dans l’objectif d’apprendre et d’évoluer. J’ai donc pris quelques risques. Il y a 10 ans par exemple, quand je suis passé du labour au non labour, je savais que je prenais des risques.
Il faut aussi accepter de ne pas toujours réussir comme on l’aurait souhaité au départ. Mais les échecs font grandir aussi. Fort heureusement, ce sont ce que j’appelle des « petits échecs » et non pas des grands ! C’est vrai qu’il y a parfois quelques déceptions mais je préfère garder en tête les réussites.
Ce que je retiens, c’est qu’on ne peut pas se lancer dans un changement si on est fragile économiquement ou si on a une exploitation qui bat de l’aile. Selon moi, pour se lancer dans le bio, il faut que tout soit sain : ses parcelles, sa trésorerie et son esprit ! ».

L’exploitation
Contexte
Parcelles en non labour situées dans le périmètre rapproché du Bassin d’Alimentation de Captage (BAC) d’eau.

Principales pratiques mises en œuvre
Succession culturale cohérente, tolérance de présence de bio-agresseurs, ne traiter que si nécessaire, s’appuyer sur la génétique autant que possible, faux semis, utilisation de mélanges variétaux, décalage des dates de semis, épandage de doses réduites, tester des produits alternatifs, tester le semis sous couverts, … et échanger avec d’autres agriculteurs.

Un système économe et performant
Sur les cultures de Guillaume De Bagneux, les consommations de phytosanitaires sont inférieures de - 20 à - 60 % aux références régionales. Quant au bilan rotationnel, il est quasiment de 40 % inférieur aux pratiques régionales en grandes cultures.

Conclusion
Le système est diversifié et bien raisonné avec des cultures à haute rentabilité. Les bons niveaux de rendements et la bonne maîtrise des charges permettent de dégager des marges équivalentes, voire supérieures, à celles d’exploitations similaires du secteur (comparaison données CER).

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