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Des pratiques en décalage des exigences réglementaires

Les chevaux présentent de multiples utilisations. Entre animal de sport, de course ou de loisir et animal de boucherie, plusieurs filières existent et sont soumises à une réglementation unique en matière de traçabilité. Ayant le statut d’animaux de rente, les chevaux font l’objet d’un suivi rigoureux.

La filière équine est un secteur de production agricole particulier. Le cheval est un animal qui peut être élevé ou gardé pour la production de denrées alimentaires telles que la viande et le lait ou utilisé comme animal de service pour le sport, le loisir et le travail. Il dispose ainsi du statut d’animal de rente, cependant une partie de la filière ne se satisfait pas de ce statut. Plusieurs propositions de lois visant à le modifier en faisant passer le cheval “d’animal de rente” à “animal de compagnie” ont été faites en 2010 et 2013. Un rapport de l’Académie Vétérinaire de France a été demandé par l’Assemblée Nationale pour disposer des meilleurs éléments de réponses vis-à-vis de cette proposition. La conclusion est sans appel : en 2010, l’Académie Vétérinaire de France “recommande qu’il ne soit pas donné suite à la proposition de loi 2361, superflue, sans intérêt significatif pour le bien être des chevaux, susceptible d’induire des risques sanitaires, et finalement pénalisante pour l’économie de l’ensemble de la filière équine ainsi que pour sa contribution au maintien de la biodiversité et au respect de l’environnement(I)”. Un des arguments menant à cette conclusion repose sur le fait que le statut d’animal de compagnie n’oblige pas à un suivi rigoureux des animaux, ce qui conduirait à faire réapparaître des maladies graves, disparues ou transmissibles à l’homme. Il est donc important de conserver le système actuel de suivi sanitaire des équidés.


Un système d’identification spécifique à la filière équine


Un équidé (cheval, poney, âne) est suivi de sa naissance à sa mort, selon les règles d’un système d’identification qui est spécifique à ces espèces. Un document d’identification unique appelé aussi livret, est attribué à chaque cheval avec un numéro : le N° SIRE(1). Celui-ci abonde la base de données des équidés, gérée par l’Institut Français du Cheval et de l’Equitation (IFCE). La France est un des rares pays à n’avoir qu’une seule base de données nationale pour l’identification des équidés. Avant le sevrage(2) du poulain et au plus tard avant le 31 décembre de l’année de naissance, un identificateur effectue son signalement sous la mère et lui pose un transpondeur du côté gauche de l’encolure, pour l’associer de façon certaine à son document d’identification. Sur la carte d’immatriculation de l’animal est également renseigné le ou les propriétaires. Chaque changement doit s’accompagner de la mise à jour, sous 2 mois, de la carte d’immatriculation. Le non-renvoi de cette carte à l’IFCE est passible d’une amende de troisième catégorie (450 €).


Le registre d’élevage, l’outil de référence en traçabilité équine


Dans la filière équine, la notion de détenteur est régulièrement employée car les chevaux ne sont pas souvent stationnés chez leurs propriétaires. Le détenteur se définit comme étant une personne physique ou morale responsable d’un équidé, indépendamment du propriétaire, à titre permanent ou temporaire. Il doit être identifié auprès de l’IFCE grâce à la déclaration de détention. Elle est obligatoire depuis le 27 juillet 2010. Sur chaque lieu de détention, un registre d’élevage doit être présent, sinon le détenteur risque une contravention de 4e catégorie (750 €). Ce registre d’élevage permet le suivi des chevaux. Il comporte différentes parties :- une description synthétique des caractéristiques de l'exploitation et de l’encadrement zootechnique, sanitaire et médical des chevaux. Le vétérinaire sanitaire, référant en cas d’épidémie, doit y être indiqué ;- un suivi chronologique de l'entretien des animaux, des soins apportés et des interventions vétérinaires. Tout traitement sur un équidé doit y être rapporté avec le numéro d’ordonnance correspondant. Le délai avant retour à la compétition ou l’abattage doit être précisé dans le cas où le traitement utilisé contient des éléments dopants ou possédant une limite maximale de résidu (LMR). Toute restriction concernant l’abattage doit être rapportée dans le document d’identification du cheval. L’utilisation de certaines molécules appelées “substances essentielles” peuvent conduire à son exclusion définitive de la filière bouchère. D’autre part, les ordonnances sont à conserver pendant cinq ans sur l’exploitation, et trois ans pour les résultats d’analyses (coprologie, métrite,…) ;- un suivi chronologique des mouvements des équidés. Le détenteur doit y indiquer toutes entrées et sorties ainsi que la destination et/ou la provenance de chaque animal.Le registre d’élevage peut être tenu sur papier ou sur un support informatique mais dans ce cas des impressions trimestrielles sont demandées. Il devra également être conservé pendant cinq ans sur l’exploitation. C’est l’outil de suivi de référence en matière de traçabilité équine. Enfin, pour réaliser un suivi épidémiologique précis, un registre de transport est obligatoire à bord de chaque véhicule transportant des chevaux. Il renseigne les noms, numéros de SIRE, provenance et destination des chevaux.


Interdire un cheval d’abattage, c’est possible


En 2012, 35 370 chevaux ont été équarris(II) et 18 528 chevaux français ont été abattus(III) sur le territoire national. Contrairement aux autres animaux de rente, une législation est prévue dans le cas où un propriétaire souhaiterait interdire son cheval d’abattage pour la consommation humaine. Pour ce faire, la partie dédiée à cet effet contenue dans le document d’identification doit être remplie par le propriétaire et validée par un vétérinaire. Ce retrait de la filière bouchère est valable à vie. Le dernier propriétaire du cheval aura alors à sa charge le coût de l’équarrissage. Depuis juillet 2009, l’équarrissage n’est plus pris en charge par l’état, ce qui a entraîné une hausse des coûts pour les propriétaires avec des tarifs calculés suivant le lieu de ramassage et le type d’équidé. Les difficultés que génèrent la prise en charge de l’équarrissage par le propriétaire révèlent des inquiétudes. Aux Etats-Unis en 2007, l’interdiction d’abattage a été suivie par une nette augmentation des chevaux abandonnés sur la voie publique. Des pratiques que nous ne souhaiterions pas connaître sur notre territoire. Afin de limiter les hausses de tarifs d’équarrissage en France, de nombreux acteurs de la filière équine se sont regroupés pour former l’ATM Equidé - ANGEE(IV). Ils ont mis au point une centrale de paiement de l’équarrissage sur internet, permettant au détenteur du cheval mort de n’avoir qu’à imprimer une confirmation de paiement à laisser à l’équarrisseur. La procédure entraîne l’enregistrement automatique de la mort du cheval auprès du service des Haras Nationaux de l’IFCE. Cela permet de simplifier et sécuriser la procédure. Lorsqu’un cheval est destiné à la filière bouchère, plusieurs vérifications ont lieu avant son déchargement à l’abattoir : son document d’identification doit être présenté et ne doit pas renseigner des informations excluant le cheval de l’abattage (délai avant abattage d’un traitement non écoulé, interdiction d’abattage par un propriétaire précédent, …), la validité du numéro SIRE est vérifiée sur la base de données SIRE ainsi que l’identité du cheval (puce ou/et signalement). Si un doute survient, le cheval est automatiquement refusé.

Les contrôles


Pour veiller à ce que l’ensemble de ces exigences réglementaires soit respecté, des contrôles sont réalisés par la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP, ex-DSV). La tenue du registre d’élevage et l’identification des chevaux de la structure sont vérifiées (transpondeur et document d’identification présent sur le site de stationnement du cheval). L’enjeu du suivi des chevaux ne se limite pas à la sécurité sanitaire et alimentaire. Il s’étend également dans le domaine des courses, du sport et de l’amélioration génétique des races de chevaux. Ainsi, des contrôles de vérification de l’identité sont réalisés par d’autres entités : les organisateurs de courses et de compétitions, les inséminateurs, …


122 établissements équestres normands enquêtés sur leurs pratiques


En réaction aux trafics de viande chevaline de 2013(3), la Chambre régionale d’agriculture de Normandie a mené une étude sur les pratiques des professionnels du cheval en matière de traçabilité équine en Normandie.122 exploitants comprenant des éleveurs (de plus de 3 poulinières), entraîneurs, marchands et centres équestres normands ont ainsi été enquêtés. Les résultats montrent que l’ensemble des chevaux est correctement identifié. Le suivi par les enquêtés est bien réalisé mais pas toujours dans le respect de la réglementation. Chacun est en mesure de retracer les principaux flux de chevaux sur la structure et les traitements réalisés. Cependant, tout cela n’est pas renseigné dans le registre d’élevage comme le demande la réglementation. Il est présent chez moins de 2/3 des enquêtés. A noter que les entraîneurs le tiennent de façon systématique en enregistrant leurs activités au niveau du site internet des sociétés de course. Ceux qui n’ont pas de registre d’élevage, ne connaissaient pas son existence. Pour ceux qui en ont un, il est rarement complet car non renseigné au fur et à mesure. De multiples supports sont utilisés par les enquêtés pour suivre les chevaux (factures, logiciel de gestion, agenda). Toutes les informations ne sont pas rassemblées sur un seul et même support comme le préconise la réglementation. La grande majorité des enquêtés trouve que la traçabilité des chevaux est importante. Pour 41 % des sondés, la traçabilité permet de retracer l’historique d’un cheval (provenance, performances) et 34 % trouvent le suivi important d’un point de vue sanitaire. Enfin, les exploitants demandent  une simplification des procédures de suivi des chevaux, passant par la mise en relation des différents organismes de la filière (Fédération française d’équitation, Société d’encouragement du cheval français, France Galop).


Conclusion : des enjeux mal perçus par les professionnels du cheval


L’enjeu de la traçabilité équine est triple. D’une part, elle permet de suivre et de maîtriser l’état sanitaire de la population d’équidés sur un territoire, de contrôler les risques pour la santé humaine (maladies transmissibles du cheval à l’homme par contact ou intoxication alimentaire) et de connaître la lignée et les performances d’un cheval afin de réaliser une sélection destinée à l’amélioration d’une race. C’est surtout ce dernier point qui intéresse les professionnels du cheval interrogés lors de l’enquête. En effet, exerçant une activité de production et de services dans le loisir, le sport ou les courses (hors éleveurs de chevaux de trait) ils ne se sentent pas concernés par les risques pour la santé humaine liés à la consommation de viande chevaline. Leur activité n’est pas en relation directe avec la filière bouchère. Cependant, comme les chevaux sont des animaux de rente ils peuvent potentiellement  être abattus pour être consommés, impliquant de fait toutes les personnes qui travaillent à leur contact. L’enjeu vis-à-vis des risques sanitaires est mal perçu car, contrairement aux autres productions animales, la filière équine n’a jamais été touchée par une maladie contagieuse de niveau national engendrant un impact économique significatif. Ainsi, la réglementation sur la traçabilité des chevaux est conçue pour répondre à plusieurs enjeux qui ne concernent pas toujours l’activité des professionnels enquêtés. Le suivi sanitaire qui est demandé est alors perçu comme des démarches administratives qui prennent du temps et qui n’apportent pas de valeur ajoutée. Cette situation est liée au statut particulier du cheval, entre “animal de rente” et “animal de service”.



(1) SIRE : Service d’information relatif aux équidés.

(2) Séparation du poulain et de sa mère.

(3) Spanghero, trafic de vieux chevaux dans l’Est de la France et falsification des documents d’identification de chevaux du laboratoire Sanofi Pasteur.



(I) Avis de l’Académie vétérinaire de France sur la proposition de loi n°2361 du 24 janvier 2010 visant à modifier le statut juridique du cheval en le faisant passer d'animal de rente à animal de compagnie, adopté à l’unanimité par l'Assemblée Académique lors de sa séance du 17 mars 2011.

(II) Données SSP.

(III) Données FranceAgriMer.

(IV) Animaux Trouvé mort Équidés - Association Nationale pour la Gestion de l'Equarrissage des Equidés

En savoir plus sur l’étude

Consulter la restitution de l’étude “Identification et traçabilité des chevaux en Normandie et en France : correcte mais perfectible” sur le site de la Chambre régionale d’agriculture de Normandie rubrique (production filière/production animal/cheval)En savoir plus sur les procédures d’identification et de suivi des chevaux : consulter le site des Haras nationaux www.haras-nationaux.fr rubrique Démarches SIRE

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