Aller au contenu principal

Quand la Normandie se tartine

Le marché du beurre a connu bon nombre de rebondissements dans ses productions. Tout d’abord méprisé, c’est à la fin du Moyen-âge que l’aliment devient un des piliers de la cuisine dîtes « à la française ». Ce samedi 28 janvier, au Musée de Normandie, se tenait une conférence « Le sacre des beurres normands ». En pleine période de tension pour cette production, zoom sur une denrée grasse qui a fait la grandeur de la Normandie.

© MM

« Plus de beurre que de pain ? La spécialisation agricole dans le Plain et le Bessin ». C’est le nom de la thèse sur laquelle Fabrice Poncet (maître de conférences et professeur agrégé d’histoire) a travaillé. « Le beurre est aujourd’hui un produit phare. La France est le 1er pays consommateur avec 7,9 kg/habitant/an », commence le professeur. Entre la Normandie, la Bretagne, le Poitou-Charentes et d’autres, le beurre possède ses propres origines et caractéristiques bien distinctes. Mais alors, pourquoi la Normandie a-t-elle joué un rôle majeur dans sa fabrication et son exportation ?

Du rejet à l’engouement
« La Normandie est une région de pluie, une zone très herbagère. Ceci facilite la production laitière, une production riche en matière grasse favorable à la qualité », explique Fabrice Poncet.
Et pourtant, au début du Moyen-Age, le beurre est totalement méprisé par les élites et notamment l’Église (interdiction d’en consommer en période de carême). La cuisine est alors souvent mijotée et très épicée. Les consommateurs sont friands du mélange sucré/salé et le beurre n’a pas encore sa place dans la « cuisine à la française », hormis dans les fermes. À cette époque, le beurre est une denrée « paysanne » et possède une réputation moindre que les herbes aromatiques ou les épices.
Entre le XVe et XVIe siècle, il faut donc trouver des produits substituables tels que l’huile d’olive (pour le sud) ou les graisses végétales (nord). Toutefois, certaines concessions sont accordées à des personnes souffrantes de problèmes de santé, pendant les périodes de guerre ou de famine...
« À la même époque, l’Église donne ces « accordances » en échange d’une contrepartie (monnaie). La tour droite de la cathédrale de Rouen sera notamment restaurée grâce à ces contreparties », souligne Fabrice Poncet.
Petit à petit, le beurre commence à prendre une place importante dans notre façon de consommer. Les manières de préparer vont changer peu à peu et, désormais, on cuisine les poissons et les légumes à l’aide de cette noble matière grasse.« C’est à partir de ce moment-là que l’on voit le beurre sous un autre jour ».

Un réel enjeu économique
Au XVIIe siècle, on nomme ce changement la « révolution culinaire ». La cuisine française influence tout le reste de l’Europe. Le beurre devient un ingrédient, voire l’ingrédient, le plus important dans notre façon d’accommoder les plats. « Si la Normandie est autant associée au beurre, c’est qu’elle a  répondu la première à la demande du consommateur d’hier ». Isigny, Carentan, Montebourg (...), toutes ces bourgades participent activement à la production et à l’expédition du beurre vers Paris.
Au XVIIIe siècle, les négociants d’Isigny s’accaparent des volumes qu’ils expédient par route pour la capitale ou par bateau pour les Amériques notamment. En 1789, on produisait 3 100 000 livres (1,5 million de kg environ) de beurre sur le sol français. Les producteurs normands, et particulièrement le Bessin, sont des leaders-dealers de bon beurre.
Dès lors surgit un réel rapport de force entre vendeurs et producteurs. C’est la période de pleine expansion des marchés. Des critères de qualité sont définis. Certains vendeurs proposaient des beurres avec une belle et bonne surface, mais un beurre de piètre qualité à l’intérieur. 
S’en suit le développement de centres potiers , des activités de vanneries, des fabricants de sel... Isigny devient le principal centre d’expédition, avec comme premier concurrent : Gournay-en-Bray (76). Une vraie régularité dans les approvisionnements se met en place. Cependant, les périodes de livraison sont limitées. D’octobre à mai, le beurre voyage très bien. Mais, pendant les périodes plus chaudes , Isigny stoppe les expéditions. Trop de temps de transport sous le soleil pour atteindre Paris. Gournay-en-Bray plus proche en profite

De plus en plus d’élevages
La Normandie devient donc une des régions référence. Son beurre est de grande qualité.
Le nombre d’élevages connaît une augmentation exponentielle.
« J’ai retrouvé beaucoup de documents qui faisaient référence à des élevages comptabilisant parfois jusqu’à 50-60 bêtes », conclut Fabrice Poncet.

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout l'Agriculteur Normand.

Les plus lus

[LES GAGNANTS DU JOUR] Race Blanc bleu : deux éleveurs normands se démarquent
Jeudi 29 février 2024, le concours général agricole de race Blanc bleu s'est déroulé sur le ring de présentation du hall 1 du…
[CÔTÉ JEUNES] TIEA 2024 : Le lycée agricole de Sées repart avec la médaille d'or
Cinq établissements normands ont fait le déplacement à Paris, pour participer au Trophée international de l’enseignement agricole…
Lucie Lesieur, heureuse éleveuse de Salers
À Rônai, dans l'Orne en Normandie, Lucie Lesieur s'épanouit enfin à la ferme. Après une formation en commerce, elle décide, alors…
[NEWS DU SALON] Grande championne, Hamada renouvelle l'exploit
Et un, et deux victoires à Paris pour Hamada, une Normande, jugée exceptionnelle par le juge, Charles Delalande le jour du…
[EN VIDEO] La Normande devient la star du Salon international de l'agriculture 2024
Sur les billets d'entrée, ou encore sur les affiches, dans le métro, la Normande sera à l'honneur pour la 60e édition du Salon…
Jeunes agriculteurs de la Manche : "Foncez les filles"
À l'assemblée générale des Jeunes agriculteurs du 22 mars 2024, le débat tournera autour de la place des femmes en…
Publicité