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Rémi Bailhache : une tête et des casquettes

CDJA, CRJA, FDSEA, Chambres d'agriculture départementale et régionale, APCA, CESE (...). Depuis son installation en 1978 sur 10 ha, le Manchois Rémi Bailhache a enchainé les responsabilités. Cumulard ou au service d'une cause ? Entretien.

Octobre 1978, juché sur un capot de tracteur, le jeune syndicaliste Rémi Bailhache harangue ses troupes. "Nous étions plus nombreux, plus forts à l'époque", se souvient-il.
Octobre 1978, juché sur un capot de tracteur, le jeune syndicaliste Rémi Bailhache harangue ses troupes. "Nous étions plus nombreux, plus forts à l'époque", se souvient-il.
© Photo d'archives

Après avoir reçu les insignes de Chevalier puis d'Officier du Mérite Agricole, ce sont ceux de la Légion d'Honneur qu'a reçus des mains de Jean-François Le Grand (ancien président du Conseil général de la Manche) Rémi Bailhache. Lors de la cérémonie qui s'est tenue sur sa
commune de Périers (50), le 4 septembre dernier, l'ancien président de la Chambre d'agriculture de la Manche est revenu sur sa carrière en précisant qu'il avait évité ce qu'il considérait comme le pire : "que la tête grossisse plus vite que la casquette".

Le petit Rémi Bailhache voulait déjà être agriculteur ?
Dès 4 ans, je suivais mon père dans les travaux de la ferme et des champs. Après, avec ma formation (Ndrl : un BTS), j'aurais pu emprunter un autre chemin mais j'ai fait le choix de devenir agriculteur. Je voulais travailler avec mes mains, travailler avec du vivant, assurer la continuité de la ferme familiale dans laquelle mes parents avaient oeuvré toute leur vie...

A quand remontent vos premières prises de responsabilités ?
En 1976, année de la sècheresse, alors que les jeunes agriculteurs avaient été mis en sommeil depuis plusieurs années. J'ai commencé mes premières armes avec quelques amis en devenant le porte-parole local de la situation que nous vivions auprès de JA national, du ministère... Je garde un souvenir enthousiasmant de ces débuts dans la défense professionnelle.

Avec qui formiez-vous alors équipe ?
J'étais secrétaire général du CDJA de la Manche sous la présidence de Paul-Emile Begin. En fin de campagne, j'ai été élu président du CRJA de Basse-Normandie, puis de la grande région, et administrateur du CNJA avec un Calvadosien, Bernard Pacary (Ndrl : en 1976, le béarnais Louis Lauga cède son fauteuil de président du CNJA à l'Alsacien Eugène Schaeffer).

Quel était le climat ambiant à l'époque ?
On était plus nombreux, on était plus fort, on disposait de plus d'écoute. En 1976, l'administration et les collectivités locales s'intéressaient à ce que l'on faisait dans notre métier de producteur. Cependant, la prise en compte de nos revendications n'était pas la même qu'aujourd'hui. Nous disposons désormais, que ce soit au niveau du syndicalisme, des Chambres d'agriculture, des OPA (...), de plus de moyens pour monter des dossiers, argumenter nos points de vue, défendre nos positions. Pour aller de l'avant en d'autres termes.

Et votre état d'esprit à l'époque ?
La parole était libre pour l'homme syndical que j'étais. Mais on n'a pas à 23 ans, jeune agriculteur, la même vision des choses qu'à plus de 60 ans après mon parcours.

En 40 ans, les revendications syndicales ont-elles évolué ?
Oui et non. Non si on reprend les discours d'époque, les miens et ceux de mes prédécesseurs, on s'aperçoit que l'on est toujours dans la même construction globale de la revendication.
Par contre, il y a aujourd'hui tout le côté normatif que l'on ne soupçonnait pas encore en 1976. On parlait bien sûr un peu d'identification pérenne, de contrôles sanitaires, de quelques éléments d'environnement... Mais désormais, nous sommes submergés par les normes. Aux revendications sociales et économiques est donc venu se greffer le combat règlementaire.

La vie d'élu n'est pas un long fleuve tranquille. Vous avez traversé des moments
de doute ?
Le début et la fin de mon mandat à la présidence de la Chambre d'agriculture de la Manche ont été compliqués. Au début, en 1995, parce que je n'étais pas attendu comme élu départemental. J'ai mal vécu ce moment. La fin aussi a été compliquée mais pour d'autres raisons.

Et au niveau de votre exploitation ?
Quand j'ai voulu développer mon outil à travers la poule pondeuse, ça n'a pas été une mince affaire. Libre mais seul face au marché! Je me suis accroché pour bâtir une stratégie, pour trouver les bons partenaires, pour signer les bons contrats et dans la durée... Cela pour que les banques me suivent et que l'activité économique que je souhaitais développer sur ma ferme voit le jour.

Et du côté des bons souvenirs ?
Un moment d'émotion après mon élection à la présidence de la Chambre d'agriculture. A la fin de la session, j'ai mesuré le poids des responsabilités qui m'avaient été confiées quand Pierre Aguiton, alors président du Conseil général de la Manche, est venu me voir en me disant : "on aura à discuter ensemble". Ce Monsieur me paraissait inaccessible auparavant.

Vos responsabilités vous ont également conduit de New York à Johannesburg en passant par Bali ?
J'ai été effectivement mandaté par la FIPA (Fédération Internationale des Producteurs Agricoles) auprès de la conférence pour le développement durable pour être le porte-parole d'agriculteurs de tous pays. Là aussi, j'ai senti le poids des responsabilités mêlé, je dois l'avouer, à un peu de fierté.

Dans la famille Bailhache, être agriculteur et syndicaliste, c'est quasiment filial ?
Mes parents ont assumé des responsabilités syndicales (section des structures et section féminine). Ce n'est pas étranger à mon parcours.
Ensuite et c'est une autre satisfaction, mon fils m'a rejoint dans le Gaec il y a 6 ans et ma belle-fille il y a 2 ans. A aucun moment, je n'ai tenté de les influencer. Tous les deux titulaires d'un diplôme d'ingénieur, ils auraient pu "s'éclater ailleurs" mais ils ont fait le choix de devenir agriculteurs comme je l'avais fait à l'époque. A "papa et maman" de les accompagner dans les moments difficiles.

A la lecture de votre CV, on comptabilise plus d'une vingtaine de lignes. Vous avez ou aviez une botte secrète pour tout assumer ?
Tout d'abord, je n'ai pas assumé toutes ces responsabilités en même temps mais, souvent, l'une en amène une autre.
Au-delà, il faut savoir s'entourer pour en déléguer une partie auprès d'élus qui partagent vos orientations. Dans ma stratégie, ça a toujours été très clair. Je pourrais entre autres exemples citer Marc Lecoustey ou bien encore Eric Lecler au niveau de l'élevage.

Et sur le plan familial ?
Il faut partager tout en préservant le cocon familial. Je n'ai jamais pris une responsabilité sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de mon épouse. Mes parents ont également joué un rôle fondamental. Mes responsabilités m'ont amené, pendant plusieurs années, à être absent de la ferme au moins 3 jours par semaine. Il faut donc être en symbiose avec ses proches, leur faire confiance. Faire confiance aussi aux salariés et j'en ai toujours eu sur mon exploitation. Faire confiance à l'entrepreneur de travaux agricoles...
Mais mes fonctions ne m'ont jamais freiné dans le développement économique de mon outil. Quand nous avons investi, avec mon épouse, dans un poulailler de 80 000 poules pondeuses (1,5 Me environ) j'ai consulté les autres responsables professionnels. Si on m'avait dit "ton projet est aberrant", je serai rentré chez moi. Quand vous assumez des responsabilités, vos propres orientations doivent être partagées.

Après une carrière comme celle-là, on peut tout raccrocher du jour au lendemain ?
Lorsqu'on est encore en capacité d'apporter quelques éléments de réponses, d'apporter une contribution constructive au débat, pourquoi pas ? C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, même si je ne suis plus président de Chambre, j'ai encore quelques casquettes. Après, je raccrocherai avant même d'être complètement à la retraite. J'ai d'autres enfants et petits-enfants à m'occuper.

Si vous aviez un message à faire passer aux jeunes, quel serait-il ?
J'en ferai un en trois points. Un : se lancer dans le métier avec un bon bagage de formation qui permette de comprendre les enjeux sociétaux, nationaux et internationaux. Deux : ne pas se lancer dans une entreprise qui mette à mal les relations humaines. Trois : ne pas prendre de responsabilité pour être quelqu'un mais devenir d'abord quelqu'un sur son exploitation et son entourage avant de prendre des responsabilités.

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