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Simplifier son travail en élevage bovin

Ce n’est plus un secret pour personne : depuis plusieurs décennies, les exploitations agricoles françaises ne cessent de s’agrandir, et les élevages bovins, lait comme viande, ne font pas exception.

En ex-Basse-Normandie, entre 2000 et 2013, la taille moyenne des troupeaux laitiers a augmenté de 35 à 45 % selon les zones, la proportion de « grandes exploitations» a progressé de 20 % tandis que les emplois agricoles ont diminué de 26 à 37 % selon le type d’élevage bovin (lait ou viande). L’impact sur le travail a ainsi été notable et accentué ces dernières années par une crise agricole sans précédent.
Les questions sociales sont devenues fondamentales et de plus en plus prégnantes, une majorité d’exploitants exprimant aujourd’hui une forte préoccupation sur la vivabilité de leur métier. En effet, certains éleveurs sont arrivés à un point de rupture qui peut avoir des effets néfastes sur leur santé ou la performance des troupeaux (gestion de la reproduction, santé des animaux, qualité des produits…). Par ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux à aspirer à des conditions de travail plus proches des autres catégories socio-professionnelles. 

Une étude sur la simplification du travail
C’est pour répondre à ces attentes que la Chambre régionale d’agriculture de Normandie, en collaboration avec les Chambres départementales d’agriculture du Calvados, de l’Orne et de la Manche, l’Institut de l’élevage, Littoral Normand et Arvalis Institut du végétal, et avec le soutien financier de la Région Normandie, a lancé un projet en mars 2016 intitulé « Exploration, évaluation et diffusion des voies de simplification des systèmes d’élevage bovin ».
Le but de cette étude est d’apporter aux éleveurs bovins, lait comme viande, et aux conseillers qui les accompagnent des pistes concrètes de simplification du travail : allègement global de la charge de travail, meilleure répartition dans le temps, gain de sérénité au travail, temps libres (congés de fin de semaine, vacances…), amélioration de la qualité de vie pour l’éleveur.
Pour cela, trois voies de simplification ont été étudiées : les itinéraires techniques (pâturage maximal / zéro pâturage, mode et fréquence de distribution de l’aliment, gestion de la reproduction et des vêlages, …), les équipements (mécanisation, robotisation, bâtiment…) et la délégation ou l’externalisation de certaines tâches (élevage des génisses, CUMA de dessilage avec chauffeur, salariat…).

Des enquêtes auprès d’agriculteurs normands
L’apport de solutions concrètes et éprouvées en situation réelle ne pouvait se faire sans l’expérience d’agriculteurs. Ainsi, neuf éleveurs bovins lait et six bovins viande ont été enquêtés sur les trois départements de l’ex-Basse-Normandie. Ils ont été choisis d’après leur organisation du travail et la mise en place de solutions sur leur exploitation ayant réduit leur temps de travail et/ou leur pénibilité (tableaux). 
Ces agriculteurs ont permis de mettre en lumière plus d’une quarantaine de solutions, réparties sur les trois voies de simplification étudiées. Elles vont d’une tâche particulière à l’adaptation du système dans son ensemble.

Des solutions bibliographiques et des références
Afin de compléter la liste de solutions présentes dans les 15 exploitations normandes, une recherche bibliographie a été effectuée en France et dans le monde. En tout, 108 solutions concrètes et éprouvées ont été recensées, dont 43 avec un gain de temps défini. 
8 référentiels sur les temps de travail en élevage bovins ont également été répertoriés : 4 pour les élevages bovins lait, 3 pour les élevages allaitants et 1 pour les élevages d’engraissement de taurillons.

Suite et fin du projet
Les résultats de cette étude sont valorisés sous forme de fiches solutions travail, de vidéos et d’une synthèse bibliographique. Ils sont progressivement publiés sur les sites des Chambres d’agriculture de Normandie* et envoyés aux conseillers afin d’être accessible à tous.
Trois journées portes ouvertes sont également prévues : aujourd’hui, 16 février**, à Picauville dans la Manche, demain, 17 février**, à Lucé (61) et en juin à Beauchêne (50).

* Retrouvez tout d’abord les fiches solutions sur les sites départementaux des chambres d’agricultures dans la rubrique Emploi - Formation > Mieux vivre son métier
**Retrouvez toutes les informations complémentaires sur ces portes ouvertes sur les sites départementaux des Chambres d’agriculture dans la rubrique Agenda

Zoom sur quelques résultats bibliographiques

Des solutions pour simplifier la traite
La traite est le premier poste en temps de travail en élevage laitier avec 55 % du temps d’astreinte, soit une moyenne de 4 h 10 par jour(1). Avec l’augmentation de la taille des troupeaux, de nombreux agriculteurs se posent la question des robots de traite ou des roto afin de soulager l’astreinte de cette tâche(2). Il existe cependant des solutions à investissement faible, voire nul, pour gagner un peu de temps.
En voici quelques exemples….


1- Décrocher précocement les faisceaux trayeurs
Sur la durée d’une traite, 50 % du temps est consacré à la collecte de 25 % du lait, majoritairement en fin de traite. La ferme expérimentale de Derval (44) s’est intéressée aux conséquences d’une augmentation du seuil de dépose des faisceaux trayeurs, souvent réglés entre 200 et 300 g/min. Leur étude, menée sur des vaches Prim’Holstein, a démontré que le passage d’un seuil de 200 à 800 g/min permettait un gain de temps de 46 sec/traite/vache soit une dizaine de minute/traite en extrapolant au niveau d’un troupeau moyen et d’une installation de traite moyenne.
Un autre avantage non négligeable est une meilleure homogénéisation des temps de traite entre animaux. Quid de la production et des concentrations cellulaires ? Aucune influence n’a été observée à partir d’un troupeau sain, ce qui en fait une solution aux multiples avantages. Cependant, attention aux conditions de mise en œuvre ! Les expérimentateurs rappellent que cette technique n’est applicable que sur un troupeau sain. A noter qu’une étude similaire a été menée sur des Montbéliardes et que les conclusions sont identiques voire meilleures.

2 - Utiliser de la laine de bois
Produit naturel, la laine de bois est constituée de fibres d'épicéa et/ou de pin. Elle permet d'essuyer le trayon sans eau ni produits tout en stimulant la mamelle.
Une étude réalisée en Bourgogne en 2009 a mis en évidence une réduction de 27 sec/vache/traite entre un prétrempage et l’utilisation de laine de bois pour des Montbéliardes (soit un gain potentiel maximum de 30 min/traite pour 80 vaches). Par ailleurs, d’après l’étude « la laine de bois semble avoir un effet stimulant supérieur à la méthode de prétrempage. De la même façon, une vache préparée avec de la laine de bois atteint plus rapidement son débit de traite maximum. Cette stimulation est particulièrement efficace sur les animaux longs à traire, ce qui explique la meilleure efficience en race Montbéliarde ».
Et c’est sans compter le travail hors traite qu’il n’est plus nécessaire d’effectuer : lavage des lavettes, manutention des produits… Que du positif ! D’autant plus qu’aucune incidence sur la qualité du lait n’a été observée.
Niveau coût, un ballot de 14 kg à 52 € HT correspond à un peu moins de 3 000 traites (sur la base d’une poignée de 5g par vache), rendant cette solution tout à fait abordable financièrement. Quant à l’après-utilisation, la laine de bois est un produit biodégradable qui peut sans soucis être mélangé au fumier.

Des solutions pour simplifier l’alimentation
L’alimentation représente 42 % du temps d’astreinte chez les éleveurs allaitants et 19 % pour les laitiers, soit respectivement 1 h 20 et 1 h 40 par jour de moyenne(1). Cette tâche d’astreinte est composée d’une succession d’actions, plus ou moins nombreuses selon les systèmes : la fabrication des concentrés, le chargement dans la distributrice, la distribution, la repousse de la ration,…  C’est donc autant de possibilités pour diminuer le temps à y consacrer ! En voici quelques exemples adaptés aux deux filières.

1 - Réduire le nombre de distributions par semaine
Cette technique est un bon compromis entre le libre-service, parfois difficile à mettre en place, et la distribution quotidienne. Elle s’adapte également selon l’envie de chacun, les distributions pouvant s’échelonner de 1 à 3 par semaine.
Pour les bovins viande, une étude complète(3) a été réalisée sur des génisses, des vaches et des jeunes bovins charolais, alimentés 3 fois par semaine. Entre 30 et 40 % du temps est économisé avec les femelles, sans aucune dégradation des résultats techniques. Pour les jeunes bovins, le temps de travail est plus fortement réduit, de l’ordre de 50 %, mais s’accompagne d’une diminution du poids carcasse de 10 à 19 kg.
La Chambre d’agriculture de Bretagne a étudié les impacts(4) d’une distribution hebdomadaire de cubes d’ensilages de maïs sur des Prim’Holstein en lactation. Des essais ont ainsi été conduits à la station expérimentale de Trévarez (29), complétés par des enquêtes auprès d’éleveurs bretons.
Les résultats sont sans appel avec une économie de temps de 30 à 50 % et aucune dégradation des résultats techniques, sanitaires ou comportementaux. Cette technique suppose néanmoins des investissements matériels spécifiques (désileuse cube et auge), s’échelonnant de 125 à 500 € par vache (pour un effectif de 64 VL).
Cette simplification permet ainsi une organisation plus souple des semaines, une astreinte plus courte le week-end et une diminution de la pénibilité. Plus besoin d’allumer le tracteur ou de débâcher le silo tous les jours !

2 - S’équiper d’un tapis d’alimentation
La Chambre d’agriculture du Finistère s’est penchée sur la question du tapis d’alimentation. Elle a comparé ce matériel avec une remorque distributrice et une mélangeuse : tableau.
Ainsi, « le tapis permet dans cette situation de gagner au minimum 80 heures/an soit plus de 20 minutes par jour en hiver » pour un coût de revient de 7,6 €/1 000 litres (durées
d'amortissement technique de 15 ans). Un gain de temps important et de la pénibilité en moins avec l’absence de repousses de la ration et de retrait des refus. Autres avantages, ce matériel optimise la surface totale disponible du bâtiment et permet d’économiser du fuel. Le seul point de vigilance est de penser à conserver un espace pour distribuer en cas de panne sévère.


(1) D’après une étude réalisée sur 125 exploitations des régions Hauts-de-France et Normandie en 2008-2009, Beguin, E. et al, 2009. Le travail en élevage bovin lait, bovin viande et ovin viande - des références pour le conseil. Paris : Institut de l'Elevage, 2009. 978-2-84148-954-1
(2) Une étude comparative des différentes installations de traite en fonction de la taille des troupeaux a été réalisée par la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine : www.agriculteurs35.com rubrique « élevage », « bovin lait », « traite et qualité du lait », « choisir une installation de traite », « choisir son installation de traite - brochure »
(3) Réduction du temps de travail d’alimentation en bâtiment des bovins viande: distribution des rations trois fois par semaine, Bastien D., Chaigneau F., Molle J., 2009
(4) Affourager une fois par semaine, Portier B., et al, 2008. A retrouver sur http://www.bretagne.synagri.com/ dans la rubrique Accueil > Elevage > Bovins lait > Publications et évènements bovins lait > Brochures et Fiches Techniques > Alléger le travail d'astreinte

Répartition des 108 solutions
- Itinéraires techniques : 45 solutions.
- Equipement : 44 solutions.
- Délégation/externalisation : 19 solutions.

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