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« Trente ans ferme en AB » pour Jean-Pierre Picquenot

Mercredi 23 octobre, Jean-Pierre Picquenot, ancien directeur du Grab, se livre à bras ouverts. Après avoir consacré sa vie à militer pour défendre et valoriser l’agriculture biologique, il continue sa route en gérant sa micro ferme biologique.

© JP

llll À 64 ans, Jean-Pierre Picquenot, ancien directeur du Grab (Groupement régional des agriculteurs biologiques, NDLR) de Basse-Normandie, ferme la boucle d’une longue carrière avec sa micro ferme. Il possède 1,5 ha de verger et de légumes à Sainte-Honorine-du-Fay (14). « Les animaux remettent en place un écosystème où tout le monde s’entraide. Je voulais montrer que ce type de création est à la portée de tous », plaide celui qui a milité pour l’agriculture biologique pendant près de trente ans. 

Militant sans le sou
Ému, Jean-Pierre Picquenot retrace sa vie : né en 1955, fils d’agriculteurs du nord Manche, étudiant en mathématiques puis en sociologie à Paris. « J’ai commencé, en 1983, en stage à la Chambre d’agriculture de l’Eure pour Agir 27. L’association avait pour but de définir des projets innovants comme la production de foie gras en Normandie. Nous aidions les agriculteurs à s’émanciper. » En parallèle, l’étudiant fréquente les milieux bio entre Paris et Caen, participe à la création de coopératives de consommateurs. Le jeune militant, sans le sou, s’engage comme bénévole à la Biocoop Jonathan, à Hérouville-Saint-Clair. Dans les années 1960, la loi Pisani encourage les paysans à se moderniser : salles de traite, engrais chimiques, mécanisation. « Mes parents sont passés de 3 à 30 vaches. Certains agriculteurs rejetaient le système, mais de manière trop individuelle. On se moquait un peu des bio : ils sont gentils, mais miséreux », s’amuse avec du recul Jean-Pierre Picquenot. « Des agriculteurs bio en place sont venus me chercher pour s’organiser autour de la production biologique. » L’employé d’Agir 27 jouit d’un important réseau de relations à la Chambre. « Les gens m’aimaient bien, il y avait une confiance réciproque avec les élus. » Alors, quand il participe à la création du Grab, le directeur de la Chambre régionale d’agriculture de Normandie, François Solignac Lecomte, lui promet « de ne pas me mettre de bâtons dans les roues ».

Première victoire
Les années 1990-1995 ont été le « détonateur pour l’AB. L’Europe nous a reconnus : nous sommes le premier cahier des charges européen. Je ne me suis jamais privé de m’en servir comme argument politique ». La Région subventionne le Grab. La Cran met à disposition de Jean-Pierre Picquenot un bureau, un portable et du temps de secrétariat, « logistique non négligeable. L’intendance était réglée, après il n’y avait plus qu’à bosser ». Avec une quinzaine d’agriculteurs, techniques et motivés, ils lancent le premier chantier du Grab : obtenir des références. « Un réseau de fermes est mis en œuvre. Six techniciens Chambre ont suivi six exploitations. Au bout d’un an, on a démontré l’efficacité et la rentabilité de l’agriculture biologique », s’enthousiasme Jean-Pierre Picquenot. « J’ai un caractère tenace. Je savais communiquer, rédiger et convaincre grâce à mes études de sociologie. » Le Grab remporte alors sa première victoire : « Jean Mouchel, président de la Cran, a signé notre démonstration. Elle a été tirée en 500 exemplaires et envoyée aux élus, avec une lettre rédigée par le président de la Cran. On a ainsi prouvé notre sérieux. C’est le coup de comm’ qu’il fallait faire ».

900 convertis
Le Grab se veut apolitique et mise sur l’agronomie. Jean-Pierre Picquenot avance « en bonne intelligence avec les institutions » et les personnes qui l’entourent. Si certains y voient le combat de David contre Goliath, Jean-Pierre Picquenot n’oppose pas les modèles et travaille avec l’agriculture conventionnelle. Son meilleur souvenir : la signature d’une convention entre la Cran et le Grab, en 1998. « On m’a dit : « tu as réussi Jean-Pierre ». La reconnaissance politique est là. » Ensuite, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 1991, la Basse-Normandie recense 2 000 ha en AB. Contre 50 000 ha en 2015, quand Jean-Pierre Picquenot prend sa retraite. 900 paysans sont convertis. « Au début, vous parlez dans le désert. Mais j’y ai mis beaucoup de ma tête. J’ai bossé dans l’ombre, j’avais cette intuition que ça allait marcher », retrace-t-il les larmes aux yeux. Et il s’amuse : « j’étais un militant payé pour défendre mes idées. Je savais qu’avec le bio, j’en prenais pour trente ans ferme. » Et même plus : « si j’avais 20 ans aujourd’hui, je me battrais pour nouer des liens entre le bio et les AOP ».

Une carrière bouclée
Désormais retraité, mêmes lunettes rectangulaires sur le nez, Jean-Pierre Picquenot n’a pas décroché. Il a mis en place une micro ferme avec canards, poules, lapins et brebis, ainsi que 500 m2 de jardin avec toutes sortes de variétés de légumes et un verger. Pour son plaisir, mais aussi pour le challenge : il ferme ainsi la boucle d’une longue carrière, en agriculture biologique. Jean-Pierre Picquenot est constamment dans la réflexion, à chercher des solutions. Son « système d’irrigation est fait main ». Il montre que ce type de création est à la portée de tous et vise l’autonomie alimentaire. « Je partage ma production avec ma famille, pour ne pas concurrencer les producteurs alentour.  » Ici, tous les systèmes se rendent service les uns aux autres. « Il faut que ça tourne rond. Tout le monde bosse, même les poules. Je fais pousser les haricots et les tomates ensemble. Les haricots apportent de l’azote à la tomate qui en est très consommatrice. » Un groupe scolaire de l’école de Célestin-Freinet est venu visiter la ferme. Jean-Pierre Picquenot cherche à former et éduquer les jeunes. Peut-être avec l’espoir, qu’un jour, ils soient comme lui : déterminés, militants, tenaces.

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