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FDSEA de l'Orne
2009, 2010 et après ?

Avant l’assemblée générale de la FDSEA qui se tient lundi prochain à Argentan (21 h), parole donnée à Eddie, Olivier, Dominique et Rémi, respectivement producteurs de céréales, de viande bovine, de lait et de porcs.

Eddie Yvard, céréalier à Dorceau
Restons unis, homogènes et cohérents  face à un marché mondial

L’année 2009 ? “A titre personnel et parce que j’avais engagé ma récolte à 70 % en juin 2009, ma moyenne à 135 e couvre tout juste les coûts.  Mais globalement, pour la ferme céréalière départementale et avec une hausse des intrants de l’ordre de 80 à 100 e/ha, il ne doit plus rester grand chose du revenu 2009. Nous ne sommes pas au minimum syndical”.

L’année 2010 ? “Les intrants sont revenus à des niveaux un peu plus standard mais le bilan de santé de la PAC nous a fait perdre 80 e/ha. Sur ce dossier, j’estime d’ailleurs que les céréaliers ont été lâchés un peu vite dans l’arène par la FNSEA. Par ailleurs, avec 4 mois minimum de stocks de report en juin, je ne vois pas les cours (109 e rendu Rouen aujourd’hui) remonter. Or, à 100/110 e, on ne couvre pas les charges. Pour un céréalier arrivant à la cinquantaine, il faut au minimum 125/130 e, pour un jeune qui vient d’investir : 135/140 e”.

Les leviers à actionner ? “Je n’en vois guère. J’ai déjà adopté les TCS (Technique Culturale Simplifiée) via un groupe Culture de la Chambre d’Agriculture. Du côté du progrès génétique, les rendements plafonnent, voire régressent, depuis quelques années. Peut-être qu’en privilégiant la semence de ferme (pour des raisons économiques), n’avons-nous pas suffisamment soutenu financièrement la recherche ? Ma seule piste, c’est un projet de stockage à la ferme . C’est aussi de disposer de la bonne information au bon moment pour vendre sur le marché à terme”.

L’environnement ? “Les contraintes environnementales brident d’une part les rendements mais aussi représentent un coût supplémentaire en multipliant les passages quand le mélange de 2 produits est interdit. On peut à ce titre s’interroger sur le bilan écologique de certaines mesures. J’ai l’impression par ailleurs qu’il s’agit souvent d’un débat franco-français. On veut laver plus blanc que blanc. Et enfin, il y a Ecophyto 2018, c’est demain. Comment fait-on ?”

L’engagement syndical ? “J’ai toujours trouvé ma voie au sein de la FNSEA et de la FDSEA même si les frontières départementales font que l’Orne n’a pas l’image d’un bassin céréalier. L’important est que nous restions unis, homogènes et cohérents face à un marché mondial”.

Olivier Chedot, producteur de viande bovine à Lignou
Un marché mondial  mais des contraintes franco-françaises

L’année 2009 ? “Comme toutes les productions, la filière viande bovine a été touchée en 2009 à cause de broutards très chers, un marché de la génisse de viande et de la vache de réforme sans tirage. Le JB (Jeune Bovin) s’en est un peu mieux tiré. Proportionnellement, on a cependant sans doute moins souffert que les laitiers parce que nous sommes depuis longtemps habitués à des années très médiocres. La marche est moins haute”.

L’année 2010 ? “Je suis peut-être d’un naturel pessimiste mais il faut être réaliste. On va continuer à produire de moins en moins de viande bovine en France pour en importer de plus en plus du Brésil, d’Argentine... De la viande sans traçabilité provenant de pays où les contraintes sociales et environnementales ne sont pas les mêmes que chez nous. La faute aux grandes surfaces qui font la pluie et le beau temps mais aussi aux politiques pour qui les agriculteurs ne pèsent plus grand chose. Nous sommes confrontés à un marché mondial avec des contraintes franco-françaises”.

La contractualisation ? “Même si je reconnais un manque d’organisation de la filière, je veux rester maître de mes décisions. Je travaille en confiance avec un marchand de bestiaux privé et ce n’est pas pénalisant.
Alors aujourd’hui, je ne suis pas prêt à contractualiser même si je pense qu’il faudra bien y passer un jour”.
Le bilan de santé de la PAC ? “Dans mon système qui se décompose moitié/moitié entre la viande bovine et les céréales, je vais perdre 10 000 e de compensations. Alors moins de compensation, ça ne me pose pas de problème à partir du moment où nos produits sont vendus à leur juste valeur. Oui, à un système où l’on pourrait vivre de notre métier sans percevoir d’argent extérieur”.


L’engagement syndical ? “La FDSEA est le syndicat dans lequel je me reconnais. C’est un lieu de discussions où nous ne sommes pas toujours d’accord. C’est tant mieux. Le débat doit avoir lieu car c’est comme cela que l’on avance. Je respecte les avis de chacun même si je ne les partage pas tous. C’est ma ligne de conduite”.

Rémi Bunel, producteur de porcs à Croisilles
Une viande populaire  mais un dialogue de sourds

L’année 2009 ? “Après une année 2008 très dure à cause de la flambée des cours des matières premières, 2009 a également été difficile. Les protéines restent chères alors que le cours du porc reste bloqué aux alentours de l’euro, l’euro dix. La GMS (Grande et Moyenne Surface) continue à se tailler des marges de plus en plus confortables pendant que les trésoreries des éleveurs sont de plus en plus tendues”.

L’année 2010 ? “Il y a toujours des gourous pour nous annoncer des cours mirobolants mais je pense  qu’il existe un consensus en aval pour nous fixer à un prix très bas, au niveau de la grande distribution mais aussi à celui de certains abatteurs”.

L’échéance 2013 ? “Avec la mise en place des normes bien être animal, on peut s’interroger sur l’avenir d’un grand nombre d’élevages. Déjà aujourd’hui, la production s’appauvrit par l’absence totale d’installation et le statu quo dans l’évolution des volumes, dans l’évolution technique...”

Et après ? “Le prix du porc est au même niveau aujourd’hui qu’en 1983 lors de mon installation. Parallèlement, les niveaux de charges ont explosé. Ce qui prouve le professionnalisme et le dynamisme des éleveurs. C’est une première raison d’espérer. Après, on peut penser que la France ne va pas complètement abandonner son autoapprovisionnement. Avec le rabotage du à la pyramide des âges, il y a donc encore un peu de place pour le renouvellement des générations avec des jeunes très motivés. Le troisième point, c’est l’espoir qu’on aboutisse un jour à un partage plus équitable de la valeur ajoutée à l’instar de ce qui se passe dans les pays nordiques”.

Politique et écologie ? “Alors que la viande porcine est populaire par excellence, elle est dans le collimateur de la société. Je pense qu’il existe une alliance objective entre les politiques et les mouvements écologiques pour taper sur notre production. Alliance qui conduit à un dialogue de sourds. Pendant ce temps, l’Allemagne où les Verts présentent un gros poids politique a doublé sa production passant en quelques années de 25 à 50 millions de porcs abattus par an...
Quand je regarde les listes aux régionales, je me demande combien de candidats savent ce qu’est un compte d’exploitation. Ce que signifient des problèmes de trésorerie. Nous sommes dans une société où les entrepreneurs sont sous-représentés”.


L’engagement syndical ? “Il y a 3 solutions : ne pas se syndiquer, se syndiquer ou alors faire confiance à de nouvelles formes d’activisme. Concernant la première, on fait confiance aux politiques avec les résultats que l’on connaît. A propos de la troisème, toute situation de crise a vu émerger des groupes, avec des hommes providence et des solutions miracles. Je m’en méfie. Souvenons-nous du bilan “Tapie”. Reste “se syndiquer”. Pour moi, il y a deux options. La Confédération paysanne qui est structurée, qui a ses statuts mais c’est un courant de pensée où l’agriculteur est souvent coupable : trop gros, trop pollueur... Je n’adhère pas. C’est pourquoi j’ai fait le choix de la FDSEA/FNSEA, la bête à abattre mais c’est normal. Les élus de la FDSEA sont des gens dans lesquels je me reconnais :  “transparence et vérité”. Je leur fais confiance. Je prends un exemple. Quid de la production porcine dans l’Orne si la FDSEA ne se battait pas au conseil d’hygiène départemental ? Autre exemple : qui se bat contre la grande distribution si ce n’est la FDSEA/FNSEA?”.

Dominique Guillemine, producteur de lait à St-Mars d’Egrenne
Vérité, démocratie, engagement  et efficacité.

L’année 2009 ? “Très concrètement et avec un exercice comptable qui s’achève au 31 mars, nous sommes passés de 360 e/1 000 l à 290 e/1 000 l avec des volumes en moins. Pour le GAEC (110 ha et 454 000 l de quota), l’année s’est soldée par  une baisse du chiffre d’affaires de 36 000 e dont 4 000 pour les céréales malgré des rendements corrects. On a réussi à faire 20 000 e d’économies mais ça ne va pas compenser le manque à gagner.”

L’accord de juin 2009 ? “C’est un mauvais accord qu’il fallait signer car on a quand même été payé 38 e/t de plus que les Allemands. Soit au niveau de notre exploitation, un différentiel de 18 000 e. Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Le pendant de l’ADL (Aide Directe Laitière), c’était le libéralisme qui laisse faire le marché. Il est monté très haut pour redescendre très bas. Beaucoup n’avaient pas mesuré cet aspect, ce qui explique la gravité de certaines situations. Il faut rappeler à ce titre que l’on ne bâtit pas un projet sur un prix du lait à un moment T”.

L’année 2010 ? “On assiste à une légère reprise mais ça ne va pas être suffisant pour refaire les trésoreries des exploitations”.

Contractualisation ? “Je n’envisage pas de produire du lait demain sans savoir combien et à quel prix. Je n’envisage pas non plus d’en négocier le prix tout seul. Le syndicalisme et l’interprofession ont donc encore un grand rôle à jouer.”

S’adapter ? “Nous devons avoir un  objectif de résultat. Un des leviers importants de compétitivité, c’est le coût alimentaire qui représente 2/3 des charges opérationnelles. Dans notre système économe qui privilégie l’herbe, nous n’avons pas donné à nos vaches un kg de concentré du 16 avril au 31 décembre et notre coût alimentaire qui était de 45 e /1 000 l devrait encore baisser. Dans notre région, l’herbe est donc un atout qu’il faut optimiser pour passer les caps difficiles même s’il ne sera jamais possible de tout compenser. Du côté des céréales, c’est sur des rotations un peu plus affinées que nous allons travailler pour dégager quelques marges de manœuvre.

L’engagement syndical ? “J’ai été salarié pendant 15 ans, jamais carté. Dès que je me suis installé en 1999, je me suis syndiqué. Syndiqué à la FDSEA même s’il est plus facile de faire de la démagogie que de dire la vérité. Quatre mots forts me viennent à l’esprit : vérité, démocratie, engagement et efficacité. Vérité : en octobre 2008 comme au printemps 2009, si la FNPL n’avait pas signé d’accord, les industriels auraient appliqué un prix européen. C’est ça la vérité. Démocratie parce qu’en tant que simple militant, je participe à des réunions départementales et régionales où j’ai pu mesurer ô combien nos représentants sont à l’écoute de la base. Il ne s’agit pas d’une organisation pyramidale dans laquelle tout se décide au sommet. Engagement, parce que c’est un endroit de dialogue d’où l’on dégage des compromis. On y fait preuve de responsabilité. Engagement aussi dans le combat syndical. Jean-Michel Lemétayer a refusé un poste de député européen qui aurait sans doute été plus confortable que celui de président de la FNSEA. Efficacité enfin avec cet accord de juin 2009 qui, même s’il n’était pas satisfaisant, a été mieux disant qu’un non accord.

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