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À 15 km de Caen
Amayé-sur-Orne, le compromis rural moderne

Aux portes de la Suisse normande, Amayé-sur-Orne est un village de 1 001 habitants situé aux confins du pays de Caen (15 km). Plusieurs périodes d’urbanisation ont engendré une certaine proximité entre agriculteurs et néoruraux sans pour autant que les contacts entre ces nouveaux voisins ne soient fréquents.

MAIRE AMAYE 14
« Amayé est un très beau village que j’ai découvert en 2005 », confie Sylvain Colino.
© DR

Au pont du Coudray

Tout commence au Pont du Coudray, permettant d’enjamber l’Orne, emmitouflée dans son écrin de verdure, et d’arriver directement sur les lieux de rencontre du village : la discothèque du joli pont du Coudray et le restaurant Le Marronnier.

Au joli pont du Coudray
Philippe Lemaître accueille des fêtards dans sa boîte de nuit, Au joli pont du Coudray, depuis maintenant dix ans. Normalement, l’établissement ouvre en restauration à partir de 20 h et en boîte de nuit à partir de 21 h. Le public, majoritairement des 30-60 ans, est varié : « ça va du Parisien en résidence secondaire, au voisin, à l’agriculteur », énumère le gérant. « Il y a deux niveaux et c’est de la vraie discothèque pure de style années 80. Les gens qui viennent recherchent l’ambiance des boîtes de nuit d’il y a 30 ans ». Concernant la sécurité, « c’est balisé », explique Philippe Lemaître. Les rapports avec la mairie sont bons et doivent l’être car le maire est responsable des établissements de la commune.
Seulement, depuis 7-8 mois, tout est bloqué par les restrictions liées à la crise sanitaire : « c’est très compliqué, j’ai 53 ans et je fais ce métier depuis que j’ai 15 ans, je n’ai jamais vu ça, c’est terrible pour le monde de la nuit ce qui se passe ».

 

Gaec Lemonnier

Par le chemin de Vayande et la rue des Godets, on gagne la ferme Lemonnier, au sud du village. On est accueilli par les derniers éleveurs laitiers du village : Brigitte et Olivier Lemonnier. En Gaec sur 228 ha au Sud du village, ils emploient un salarié et un stagiaire pour s’occuper de leurs 80 vaches laitières. Convertie en agriculture biologique depuis 2017, la ferme est presque « encadrée par les habitations. Nous avons subi l’urbanisation dès les années 80 ». Néanmoins, Olivier Lemonnier ajoute : « ça se passe mieux depuis qu’on est en bio, les gens se plaignent même moins des odeurs, qui pourtant n’ont pas changé. Dans tous les cas, le bio, ça ouvre des discussions ». Une partie des terres de l’exploitation ne conviendrait pas à la culture de céréales, d’où le maintien du lait. Ce choix est également motivé par la perspective de la reprise de la structure par la fille, qui souhaite reprendre l’affaire familiale et faire de la transformation laitière.  En agriculture biologique « on transmet quelque chose de viable et de sain », souligne Olivier Lemonnier.

Prêtes à tout pour un peu d’herbe de tonte
Discutant pâturages, la question du voisinage reparaît : « on a toujours le problème des clôtures, mais on essaye de le régler », explique l’éleveur. En effet, sur les prairies accolées aux zones d’habitation, les vaches attirées par l’herbe de tonte forcent parfois les clôtures. Les Lemonnier estiment que la commune est à leur écoute : « elle nous a autorisés à installer un passage canadien sur un chemin communal, c’est un bon geste ». Ce passage permettra aux vététistes d’emprunter le chemin tout en barrant l’accès aux animaux.

Plus beaucoup de collègues
« Avec les autres agriculteurs, on s’entraide pour les chantiers d’ensilage, on se prête des bennes ou des plateaux, cette entraide est nécessaire, on n’est plus vraiment nombreux dans la commune. » Les Lemonnier possèdent également une moissonneuse-batteuse en copropriété avec un voisin. La ferme accueille des stagiaires : « ça fait vingt-quatre ans que je vois défiler des jeunes, on en a tous les ans ». Les Lemonnier préparent aussi l’arrivée de leur fille dans l’exploitation : l’ancienne salle de traite a été démantelée pour préparer un « éventuel atelier de transformation ».


Monsieur le maire

La rue des Godets débouche sur la place de la mairie, faisant face à l’église. L’occasion de rencontrer Sylvain Colino, maire d’Amayé-sur-Orne depuis mars 2008. Venant de la ferme Lemonnier, la question du passage canadien arrive naturellement : « Nous devons travailler sur le lien. Les agriculteurs jouent le jeu. Nous essayons de communiquer à travers une gazette trimestrielle afin d’expliquer certaines choses aux gens, comme par exemple la mise en place du passage canadien sur un chemin communal. Au début les gens ne comprenaient pas, ça semblait dangereux pour les enfants, il faut expliquer ». L’élu a compris le défi que soulevait la proximité d’espaces agricoles et des zones pavillonnaires.
Amayé-sur-Orne, « c’est un village de 1 001 habitants. La population a augmenté tous les six ans via les lotissements, mais ce n’est pas une ville dortoir, il y a un tissu associatif fort. » L’événement VTT de septembre attire plus de 4 000 personnes durant le week-end. L’élu affirme sa volonté de soutenir les commerces de proximité du village, précisant : « c’est notre rôle de les maintenir, l’actualité l’a démontré ».

L’Eglise

Se dirigeant vers la zone commerciale d’Amayé-sur-Orne, on apprend par un écriteau devant l’église que ses combles sont classés site Natura 2000 pour la population de chauves-souris qu’ils accueillent annuellement. Les locataires volants arrivent au printemps pour s’y reproduire et élever leurs petits jusqu’à la fin de l’été.


Grande rue

« Ça fait un an que j’ai repris. Avec la crise, ça m’a fait de la pub, l’épicerie est restée ouverte », résume Virginie Foubert. L’épicière travaille avec plusieurs producteurs locaux : la ferme Busnel, à Grimbault (14), fournit beurre, crème et fromage blanc. Les fraises proviennent de Villers-Canivet, les bières de Saint-Rémy-sur-Orne. L’épicerie est une affaire de famille, le mari de Virginie tient aussi un magasin à Saint-Laurent-de-Condel, et le couple en possède également un à Boulon. La tenancière entretient une relation positive avec la mairie : « quand j’ai un besoin, les élus sont présents ».  
Deux pas et on est directement chez Séverinne Lenoble-Setille, habitante de Falaise et tenant depuis six ans le salon de coiffure d’Amayé-sur-Orne. « Je suis là pour travailler et faire vivre le village. » Elle coiffe principalement des habitants de la commune.

Etienne Duval

La balade continue en remontant la Grande Rue qui, au carrefour de la route de Vieux, nous emmène chez Etienne Duval, agriculteur aux trois casquettes.
« Il y a trois activités : la ferme, le commerce et le gîte de l’Oseraie. » Les Duval sont présents sur la commune depuis quatre générations. Etienne Duval est né ici et Charles Duval, son fils, ayant récemment terminé un BTS agricole, apprend le métier avec peut-être un jour
le souhait de reprendre l’affaire familiale.

Conversion et épicerie locale
Comme chez les Lemonnier, l’exploitation de 220 ha est en conversion à l’agriculture biologique depuis un an. « On suit le processus classique de conversion d’une ferme bio. » Méteils en tous genres, luzernes et trèfles se sont invités dans la rotation. Passionné d’agronomie, Etienne Duval est autonome concernant l’alimentation de ses 60 Limousines. Viande, crème, beurre, légumes frais, alcools, escargots, cornichons, miel, glaces… Il y a peu de produits d’épicerie qui manquent à la boutique des Duval. Le commerce, situé dans la cour de la ferme, regorge de denrées locales. Les prix sont fixés par les producteurs et Etienne Duval dit rechercher « une éthique dans les produits exposés ».

Joël Dieudonné

Il est temps de rentrer et de reprendre la direction de Caen. Cap sur le nord. Au bout d’un champ, on croise Joël Dieudonné, qui semait en ce mardi 22 juillet de la cameline. A 55 ans, le semeur a toujours vécu ici, comme sa famille. Cultivateur sur une ferme de 220 ha et ancien du conseil municipal, il déclare : « avec les autres agriculteurs, ça se passe bien, on s’échange parfois du matériel. »

Aux petits soins du gibier
« Amayé-sur-Orne est probablement dans les meilleures communes du département concernant la quantité d’animaux chassables. » Chasseur passionné, Joël Dieudonné a pris le parti de favoriser le maintien des animaux sauvages sur ses terres grâce à des bandes de ruptures d’assolement. Il s’agit d’implanter une bande de maïs sur une parcelle de céréales afin que le gibier puisse s’y réfugier après la moisson.

Le Marronnier
Charly Gagneux et Natacha Rezonville ont investi l’ancienne auberge du Pont-du-Coudray en février 2019. Ce couple de chefs a posé ses valises à Amayé-sur-Orne après une jolie carrière dans des restaurants gastro, en tant que chef de partie à Bagnoles-de-l’Orne pour lui, et second au café Marcel pour elle. « A la naissance de notre fille, on a voulu s’installer ensemble pour gérer notre emploi du temps et notre affaire », révèle Charly Gagneux. Le restaurant est devenu Le Marronnier à l’été 2019 pour rendre hommage à l’arbre « qui s’impose sur la terrasse. C’était plutôt guinguette, on voulait avoir notre identité ».
Une identité qui se lit dans l’assiette : des plats fins dont les saveurs s’harmonisent par le truchement de mélanges étonnants. On entre par la cuisine de grand-mère en hiver et on ressort dans un jardin en plein été. Le cadre est celui d’une auberge du XIXe siècle, simple et raffiné. A l’image de la cuisine. « On voulait mettre un côté bistro, décrit Charly Gagneux, derrière le plan de travail. On se dirige aujourd’hui vraiment vers une cuisine semi-gastro avec un lien aux produits locaux de plus en plus fort. Ce qu’on veut c’est apporter du travail dans l’assiette avec des associations osées que les gens ne connaissent pas. »
Les fruits et légumes viennent de chez Christophe Lemonnier à Maizet ; une partie des viandes, de la ferme Duval à Amayé ; la cannette, de la ferme Bouillon, à Amayé aussi ; les autres viandes proviennent d’un élevage manchois à Saint-Georges-de-Rouelley. « C’est important d’avoir cette traçabilité de la viande, de savoir quel éleveur a élevé ce bœuf, ce veau ». Par souci éthique, Le Marronnier ne propose plus de saumon, « car c’est un poisson d’élevage intensif ». De la même façon, le soda normand la Meuh cola a remplacé la boisson américaine très prisée, notamment par les enfants. « C’est un gros cap, admet le chef, parce que c’est une grosse vente, on avait peur que les gens ne soient pas contents ». Mais la clientèle s’y fait. Et revient. Le restaurant a pu apprécier son soutien durant le confinement. Par sa réputation, le Marronnier commence aussi à attirer les caennais, à vingt minutes en voiture.

 

 

 

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