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Elevage
Améliorer la qualité nutritionnelle du lait

La matière grasse laitière n’a pas très bonne réputation en nutrition humaine en raison de sa richesse en acides gras saturés et les produits laitiers sont parfois incriminés en tant que facteurs de risques à tout un ensemble de troubles de la santé : maladies cardiovasculaires, cancers, obésité…

Pourtant, les acides gras saturés ont des fonctions très importantes et c’est donc seulement l’excès qui pose problème et il ne faut oublier que certains acides gras insaturés présents dans le lait comme les oméga-3, les oméga-6 et les CLA ont des propriétés biologiques bénéfiques en terme de santé. Leur concentration dans le lait peut varier dans de grandes proportions selon la nature des fourrages et des concentrés offerts aux vaches laitières. La palme revient aux régimes à base d’herbe pâturée, et les tourteaux de colza ou de lin présentent de l’intérêt avec les régimes hivernaux.

Oméga-3 et CLA pratiquement doublés avec le pâturage
Une étude réalisée en Bretagne et en Basse-Normandie a permis de mesurer l’incidence du régime alimentaire sur la composition en acides gras des laits. Six régimes ont ainsi été étudiés :
- ensilage de maïs (EM), ensilage d’herbe (EH) ou ration mixte EM-EH en hiver ;
- pâturage seul ou pâturage associé à de l’ensilage de maïs ou de l’ensilage d’herbe en été.
Pour chaque régime, 3 à 5 exploitations ont été choisies. La composition en acides gras a été analysée sur les laits de mélange issus des différents groupes d’exploitations.
Les laits issus des régimes à base d’ensilages se différencient nettement de ceux issus de régimes 100 % herbe pâturée (graphique 1). Les écarts de composition sont significatifs pour toutes les classes d’acides gras, à l’exception des acides gras courts. Les laits issus du pâturage sont nettement moins riches en acides gras moyens et saturés (acides plutôt néfastes pour la santé), et sont en revanche plus riches en acides gras longs, et en acides gras mono (AGMI) et poly-insaturés (AGPI). Les teneurs en oméga-3, et en CLA sont supérieures de 0,5 à 0,8 point. Ces variations, faibles en valeur absolue, correspondent en fait à des augmentations de 130 et 170 %.
Avec les régimes 100 % herbe pâturée, nous n’avons pas observé de différences de profils en acides gras entre les différents types de pâturage, RGA pur, association RGA-Trèfle blanc ou prairie naturelle. Par contre, l’apport de 4-5 kg de MS d’ensilage de maïs ou d’ensilage d’herbe en complément du pâturage tend à réduire la qualité nutritionnelle des laits. Le profil en acides gras est alors intermédiaire entre celui des laits issus de régimes tout herbe pâturée et celui des régimes tout ensilage (graphique 1).

Avec les régimes hivernaux, les concentrés ont aussi leur mot à dire
Dans l’étude précédente sur du lait de mélange de plusieurs exploitations, les différents régimes hivernaux ont donné des laits présentant les mêmes profils en acides gras, quelle que soit la nature de la ration, ensilage d’herbe, ensilage de maïs ou mixte. Cela est du à la grande variabilité des concentrés utilisés d’une exploitation à l’autre qui masque plus ou moins l’effet propre du fourrage. En effet, les études conduites par la Chambre d’agriculture de la Manche à la station de la Blanche Maison, de 1998 à 2003, ont montré que l’ensilage d’herbe donne un lait de meilleure qualité nutritionnelle que l’ensilage de maïs associé à du tourteau de soja (graphique 2). Il est moins riche en acides gras moyens
(-2,4 points) et en acides gras saturés (-2,7 points). Il est en revanche plus riche en acides gras longs, et en acides gras mono et poly-insaturés. Dans cette dernière classe, l’augmentation est due principalement à un accroissement des acides gras de type oméga-3 (+ 80 %).
Par rapport au lait issu d’un régime maïs-soja, la même évolution du profil en AG que celle observée avec l’ensilage d’herbe peut être obtenue en agissant non plus sur la nature du fourrage, mais en jouant sur la nature du complémentaire azoté. Le graphique 2 montre l’effet du remplacement du tourteau de soja par du tourteau de colza (4,5 kg/VL de soja remplacé par 6 kg de colza) : l’effet de la nature du tourteau sur le profil en AG est de même importance, voire plus, que la nature du fourrage ensilé. C’est ainsi que la qualité nutritionnelle des laits issus des rations maïs + colza est aussi bonne voire meilleure que celle des laits issus des rations ensilage d’herbe.
De la même manière, une nette amélioration de la qualité nutritionnelle des laits peut être obtenue en utilisant du tourteau de lin comme complémentaire azoté. Son effet sur les teneurs en acides gras moyens, longs, saturés, mono et poly-insaturés est de l’ordre du double de celui observé avec le tourteau de colza. Cependant son coût est très élevé et ses effets bénéfiques sur la fertilité des vaches laitières n’ont pas été démontrés.

Faire les bonnes associations fourrages-concentrés
Le profil en acides gras des laits dépend principalement de la composition en acides gras de la ration consommée par les vaches laitières. Les acides gras saturés à chaîne moyenne se retrouvent presque intégralement dans le lait, alors que les acides gras insaturés ne s’y retrouvent qu’en partie. Plus la ration sera riche en acides gras longs et insaturés, et plus particulièrement en acides gras poly-insaturés, plus le lait aura de chances d’avoir des caractéristiques bénéfiques à notre santé.
A ce titre l’herbe pâturée, et surtout l’herbe jeune de printemps et d’automne constituent le fourrage de référence (tableau 1). De façon plus générale, les fourrages verts se caractérisent par une teneur élevée
en acides gras poly-insaturés, principalement en oméga-3, et dans une moindre mesure en oméga-6. Après fauche, la teneur en oméga-3 tend à diminuer au profit des acides gras saturés et mono-insaturés, et ce d’autant plus que le temps de séjour au sol est long. Ainsi les ensilages d’herbe directs ou récoltés après un bref temps de séjour au sol et les foins ventilés auront une composition proche du fourrage vert correspondant.
L’ensilage de maïs est à la fois beaucoup moins riche en oméga-3, et moins riche en acides gras que l’herbe (autour de 3 % vs 4-5 %).
Le blé, l’orge, le pois et la féverole ont des taux de matière grasse trop faibles (de 1 à 1,8 %) pour que leurs apports d’acides gras puissent modifier la qualité des laits.
Quant aux tourteaux de coprah et de palmiste, très riches en acides gras moyens saturés, ils doivent être évités sous peine de dégrader fortement la qualité des laits. Les autres tourteaux présentent des caractéristiques intéressantes, en particulier le tourteau de lin qui a une composition en acides gras semblable à celle d’une herbe jeune (tableau 1). Vient ensuite le tourteau de colza, avec une bonne teneur (près de 10 %) en omé-
ga-3. Par contre le tourteau de soja, à la fois moins riche en matière grasse que le tourteau de colza (1,9 % vs 2,3 %) et moins riche en oméga-3 et en acides gras ne permet pas d’améliorer la qualité nutritionnelle des laits. L’emploi de la graine (même profil en AG que le tourteau) peut toutefois présenter un certain intérêt.
En pratique, pour produire du lait de bonne qualité nutritionnelle, il faut apporter tout à la fois :
- suffisamment de matières grasses dans la ration, mais sans excès préjudiciable à un bon fonctionnement du rumen (entre 3-3,5 et 5 %) ;
- des matières grasses composées avant tout d’acides gras insaturés à chaîne longue.
Ainsi, l’herbe pâturée se suffit à elle même, tant en quantité de matière grasse qu’en qualité. Avec de l’ensilage de maïs, il faut au contraire chercher à augmenter la quantité de matière grasse de la ration, en privilégiant les acides gras poly-insaturés. Cela peut se faire soit par l’introduction d’herbe pâturée ou ensilée dans la ration, soit (et) par l’apport de concentrés riches en matière grasse insaturée comme les tourteaux de lin ou de colza, le lupin...
En conclusion, on peut dire que l’alimentation constitue un moyen efficace pour moduler la qualité nutritionnelle de la matière grasse du lait et celle des produits qui en sont issus. Cela signifie que si l’on désire améliorer cette valeur nutritionnelle, il convient d’intégrer la nutrition en lipides dans le rationnement des vaches laitières. L’herbe pâturée est le fourrage le plus intéressant. En hiver, le bon compromis avec les rations à base d’ensilage de maïs est d’ajouter jusqu’à un tiers de la ration sous forme d’ensilage d’herbe de bonne qualité et d’utiliser le tourteau de colza simple et tanné comme complémentaire azoté de la ration.

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