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Economie
Analyse de l’incidence de baisse du prix du lait sur les systèmes laitiers normands

En pleine crise laitière, les éleveurs s’interrogent sur leur capacité de résistance à des marchés fluctuants et volatils comme ils ne l’ont jamais connu.

Après la morosité des marchés de 2005 et 2006 où le moral était alors au plus bas et où l’on sentait poindre une baisse de motivation pour la production laitière chez certains, l’hiver 2007-2008 avec les fameuses “rallonges laitières” est venu relancer les machines et le moral.
L’embellie et la conjoncture exceptionnelle connue entre l’automne 2007 et l’été 2008 aura été de courte durée, aussitôt gâchée par des prévisions très pessimistes sur les prix qui se sont confirmées dès l’automne 2008.
Aujourd’hui la colère gronde dans les campagnes, à la chute des prix et aux négociations difficiles avec des industriels, s’ajoute l’incompréhension des marchés, le sentiment qu’il n’y a plus de gestion collective et que les mécanismes de protections sur le prix n’existent plus. Ce qui n’est pas faux.
Si l’on met par dessus, un bilan de santé de la PAC, bien moins favorable aux éleveurs que l’on a voulu initialement le faire croire, on comprend le désarroi des éleveurs.

Retour sur les marchés
et les origines de la crise

En 2007, la flambée des marchés des ingrédients laitiers avait entrainé, avec un délai variable selon les pays, une forte hausse prix du lait à la production, laquelle avait été répercutée sur les prix des produits de grande consommation. En 2008, les ménages européens ont manifesté une sensibilité variable aux hausses de prix selon les produits. La consommation de laits liquides, peu sensibles aux variations de prix, n’a globalement pas été affectée. En revanche, les consommations de fromages et de laits fermentés ont marqué le pas. D’autre part l’utilisation de poudre maigre dans l’alimentation animale a encore reculé, malgré la chute des cours, au profit du lactosérum désormais bradé. De même, l’incorporation de beurre dans l’industrie agroalimentaire a cédé du terrain au profit des matières grasses végétales. En somme, la consommation européenne de produits
laitiers, mesurée en équivalent lait, n’a pas progressé plus vite que la démographie. Auparavant, notamment entre 2004 et 2007, le rythme de croissance de la consommation était le double, sous l’effet notamment de la forte demande dans les nouveaux États membres.
Sur la scène internationale, l’Union européenne a subi, notamment sur le second semestre 2008, le repli de la demande internationale en produits laitiers, provoqué par les premiers effets de la crise financière et le scandale du lait frelaté à la mélamine en Chine. Dans ce contexte, le retour en force de la Nouvelle-Zélande et l’agressivité des États-Unis sur les marchés du beurre et de la poudre maigre ont précipité les cours des produits industriels qui sont tombés en fin d’année à des niveaux historiquement bas. Les exportations européennes de beurre ont été les plus touchées par ce retournement de conjoncture. Seules les ventes de poudres grasses ont progressé, notamment sur le premier semestre lorsque la Nouvelle-Zélande était peu présente faute de disponibilités.  Face au tassement de la demande, la modération de l’offre laitière a limité les dégâts. Malgré cela, les industriels laitiers ont dû stocker du beurre, des fromages et de la poudre maigre, faute de débouché. Ainsi, les stocks européens de beurre et de poudre maigre ont respectivement progressé de 60 000 tonnes et 100 000 tonnes entre le début et la fin 2008. Sans parler d’une hausse de quelques dizaines de milliers de tonnes des stocks de fromages. En tout, c’est l’équivalent de 1,2 à 1,5 million de tonnes de lait. Ces volumes qui devront sortir en 2009 vont fortement peser sur les cours et l’équilibre des marchés. Pour mémoire, lors de la précédente crise, entre mi-2001 et mi-2003, l’Union européenne avait retiré le double qui avait été stocké à l’intervention en beurre et en poudre maigre.

Quels impacts
pour les systèmes laitiers normands ?

Pour approcher l’ampleur de cette crise et en mesurer les impacts, les Réseaux d’Elevage lait de Normandie ont simulé plusieurs hypothèses de prix sur une gamme de systèmes régionaux.
Le choix des systèmes s’est porté sur les systèmes suivants :
- Spécialisé herbager : un couple, 55 ha, 200 000 litres de lait, 100 % herbe ;

- Mixte lait + bœufs : un Gaec, 85 ha, 300 000 litres de lait, 12 bœufs, blé 6 ha, maïs 8 ha ;
- Mixte lait + Jeunes bovins : un couple, 60 ha, 280 000 litres de lait, 60 JB, blé 15 ha, maïs 22 ha ;
- Spécialisé semi intensif : un couple, 85 ha, 300 000 litres de lait, blé 6 ha, maïs 12 ha ;
- Polyculture - élevage : Gaec 2,5 UMO, 150 ha, 450 000 litres de lait, 100 ha de cultures ;
- Spécialisé quota important : EARL à 2,5 UMO, 85 ha, 600 000 litres de lait, blé 16 ha, maïs 27 ha.
Sur ces 6 systèmes, initialement décrits en conjoncture fin 2008 dans le dossier Cas types des réseaux d’élevage (disponible sur les sites des Chambres d'agriculture), le prix de base était de 328,41 €/1 000 litres de lait.
Les hypothèses de prix de base appliquées sont : 300 €, 280 €, 260 €. A ces valeurs, ont ajoute les primes qualités et la rémunération des taux comme
dans la conjoncture initiale. Enfin, dans l’expression du revenu/UMO, l’impact sur les cotisations sociales est intégré. 
En résumé, seul le prix de base est réduit.
Le graphique 1 (ci-dessous) amène à plusieurs observations.
En premier lieu on constate une forte variabilité de la rémunération du travail selon les systèmes avec des extrêmes qui fluctuent de 1 à 4 (histogramme en vert).
Ces écarts sont en grande partie expliqués par des différences de tailles d’exploitations, de niveaux de diversification (présence de céréales dans une conjoncture favorable) et de productivité de la main d’œuvre avec des volume laitiers qui varient de 133 000 à 240 000 litres par UMO.
L’impact de la baisse du prix de base a évidemment un effet très net sur les revenus de toutes les exploitations et sur la rémunération du travail.
Globalement, sur cet échantillon de systèmes, la perte de revenu, par rapport à 2008 se situe entre 10 et 25 % pour un prix de base de 300 €, entre 18 et 40 % pour un prix de 280 € et entre 26 et 56 % pour un prix de 260 €/1 000 litres.
Le système le moins affecté est le polyculteur-lait, qui dilue l’impact grâce à une conjoncture céréale encore soutenue (céréales vendues à 17€/qal). En revanche, les systèmes spécialisés sont particulièrement touchés avec
les impacts les plus forts (graphique 2).
Dans ces conditions, on comprend aisément le malaise des éleveurs face au prix annoncés dans les campagnes. D’ores et déjà, ils voient leur chiffre d’affaire baisser brutalement, dans un contexte de prix des intrants qui se maintient à un niveau haut, supportable dans la conjoncture de l’hiver 2007/2008, mais qui ne l’est plus aujourd’
hui.
Cette conjoncture constitue un ciseau des prix très défavorable pour l’économie des élevages et met à mal les trésoreries.

Quelle résistance des système laitiers ?
Il est bien difficile de répondre à cette question. Tout dépend en fait de la durée de cette conjoncture et de l’accord final qui sera obtenu par les producteurs, de la trésorerie et des réserves financières réalisées les années précédentes.
Il est difficile d’envisager une telle situation sur le long terme, car la pérennité de la plupart des structures sera remise en cause. Et avec elle, celle des entreprises d’aval et leur place sur le marché. Un nouvel équilibre se dégagera nécessairement car dans ce jeu, les intérêts des différents acteurs sont étroitement liés.
A chaque fois que l’efficacité technico économique des structures baisse, la capacité d’installation diminue. Sans parler du moral et de la motivation des éleveurs dont on sait qu’ils sont fortement liés au prix du lait.
Pour autant, la mécanique connue qui garantissait la sécurité des prix au sein de l’Union européenne ne sera jamais plus comme avant. Les marchés et les prix seront à l’avenir probablement plus volatils et instables et les producteurs devront intégrer dans la gestion de leurs structures une fluctuation des conjonctures qu’ils ne connaissaient pas.
Plus que jamais, les éleveurs laitiers devront raisonner au plus juste leur système d’exploitation en veillant à leurs coûts et aux meilleurs choix des facteurs de production. Les systèmes de demain seront plus techniques encore mais aussi plus souples et réactifs pour supporter ces aléas de conjoncture et peut être ceux du climat. Plus que jamais, il convient de donner la priorité à l’efficacité économique des structures avec des choix techniques répondant en priorité à cet objectif. Et en ce domaine, les marges de progrès existent pour un certain nombre de structures.
Enfin, il ne faut pas oublier que la crise actuelle fait suite à une période très positive sur les prix que personne n’avait réellement anticipé. Il n’est pas dit que l’histoire ne se répète pas aussi sur ces bons épisodes.

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