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Au Gaec du Grand Hazé (61) : l’herbe, on en fait tout un foin

Ce sont des considérations d’ordres économiques et d’organisation du travail qui ont poussé Nicolas et Vincent Féret, associés au sein du Gaec du Grand Hazé à Bellou-en-Houlme (61), à revoir leur système d’élevage. La crise de la vache folle, celle du lait et l’évolution de la PAC ont eu raison de l’atelier « taurillons » et de l’ensilage de maïs. Nos deux éleveurs font désormais de l’herbe tout un foin avec un peu d’enrubannage et d’ensilage. 

© JBF

llll Vincent Féret s’est installé en Gaec avec ses parents en 1988. A leur départ en retraite en 1998, son frère Nicolas l’a rejoint. Une ferme standard du bocage ornais avec un quota laitier de 300 000 litres, 40 taurillons, 50 ha de prairie, 25 ha de blé et 25 ha de maïs. Mais la crise de la vache folle, puis celle du lait, vont venir bousculer l’ordre établi.

J’ai toujours aimé l’herbe
« J’ai toujours aimé l’herbe, insiste Vincent. Dès 1988, j’ai essayé la luzerne. Si je faisais du maïs et du blé, c’était parce que la PAC, version 1992, nous y obligeait.» Un équilibre bien fragile, les cours du lait et de la viande ne sont pas au rendez-vous et la réforme de la PAC introduit la notion de DPU. Le Gaec se trouve confronté a des difficultés économiques structurelles. « Nous avons stoppé l’activité taurillons ce qui nous a permis de passer ce cap difficile », analysent avec le recul les deux associés.
Le Gaec du Grand Hazé n’est d’ailleurs pas un cas isolé. Dans les environs et pour certains, c’est la restructuration par regroupement de fermes qui est privilégiée pour pérenniser les outils. « En 2007, lors d’une corvée d’ensilage, je me suis aperçu qu’en deux ans j’allais perdre la moitié de mon entraide. Cette question d’organisation du travail me chatouillait, avoue désormais Vincent. « Et puis, parallèlement, le prix du tourteau de colza ou de soja s’est envolé, rebondit Nicolas. A 10 000 € le camion, on y réfléchit à deux fois ». 

Réapprendre l’herbe
C’est ainsi que la piste verte va rapidement être explorée pour finalement s’imposer. « En BTS, j’avais appris à faire des rations maïs, pas à exploiter l’herbe. Je ne savais même pas ce qu’était un séchoir », lance Nicolas. Alors les frères Féret vont se former à l’herbe via notamment le Segrafo(1). Les leçons vont vite être apprises comme « remettre des sabots sur la faucheuse. On coupe un peu plus haut, la repousse est plus rapide, on embarque moins de terre, les couteaux font la saison... »
Convaincus que l’option séchage en grange correspond le mieux à leurs attentes, les associés du Grand Hazé décident d’investir. Dans leur parcours, quelques embuches. Ils changent de crèmerie au propre comme au figuré. Au propre avec la Laiterie Gillot qui devient leur transformateur valorisant en produits AOP leur production. Au figuré avec un changement de banque puisque leur partenaire financier historique ne les suit pas. En 2013, le Gaec investit 400 000 € environ. 300 000 € pour le séchoir et 100 000 € en matériels de chaine verte (faucheuse, andaineur, autochargeuse...). Un investissement subventionné par des fonds européens et régionaux.  

Economiquement, ça matche
Après cinq ans de recul, Vincent et Nicolas ne regrettent pas leur choix. Economiquement, ça marche et ça matche grâce notamment à un meilleur prix du lait (420 €/1000 litres à ce jour) mais pas que... Les économies d’échelle sur le poste « mécanisation » sont significatives. « On ne travaille plus en terre mais uniquement en surface, l’usure est donc bien moindre », explique Vincent. La charrue de la ferme, qui a comptalisé jusqu’à 5 socs, n’est d’ailleurs plus de ce monde. Ailleurs, c’est la griffe à foin. Une durée de vie de 20 ans alors qu’une désileuse doit être complètement reconditionnée au bout de 5 ans. « Et puis, en terme de trésorerie pas exemple, pas de semences de maïs à avancer ». Côté phytosanitaire ou engrais, c’est à minima.

Techniquement, quelques taules
« Techniquement, on s’est pris quelques taules, reconnaissent en toute modestie les frères Féret. On a des semis de prairies qui n’ont pas fonctionné. Côté luzerne, ça sèche bien mais ça fait du volume dans la boite et il faut gérer les rumex ». 
Au-delà et avec 300 T de MS de capacité de stockage, le Gaec évoque un « souci », tout juste dimensionné pour les 60 vaches. Pour les élèves, c’est donc ensilage d’herbe ou enrubannage. En ration hivernale et pour les laitières, c’est foin à volonté (15 kg de MS par jour environ) distribué le matin et repoussé dans la journée « à la fourche, pas au quad » complété avec 6 kg de maïs concassé (en 2 distributions à la main) et des minéraux. Dès que le terrain est portant, place au pâturage dans des parcelles de 2 à 4 ha. « On les change dès qu’elles gueulent, ce sont elles qui commandent, sauf si on a décidé de les bloquer », s’amuse Nicolas.

La chasse au gaspi et la quête de qualité
Il ne faut pas s’y tromper, ce système herbe est loin d’être extensif, bien au contraire. S’il privilégie le pâturage avec passage systématique et immédiat de l’ébouseuse pour lutter notamment contre la prolifération des chardons, l’objectif parallèle est de récolter un maximum d’herbe en quantité et en qualité. « Faucher plus pour gagner plus » pourrait-on s’amuser. De début mai jusqu’à fin septembre, voire début octobre, les couteaux du Gaec sont toujours bien aiguisés pour réaliser jusqu’à 4 coupes par parcelle pour une herbe jeune et donc de qualité. Cependant, la météo normande qui favorise la pousse de l’herbe en constitue aussi le facteur limitant. « La première coupe n’est pas toujours facile à réussir, reconnaissent Vincent et Nicolas. Plus tard dans la saison, il faut savoir profiter des fenêtres de tirs. On peut avoir jusqu’à 30 ha par terre, c’est une prise de risque ». Mais quand il faut y aller, ils y vont quitte à emprunter du matériel pour doubler le chantier. Au plus fort de la saison, c’est 10 à 15 autochargeuses engrangées dans une même journée. « Il faut remplir la cellule. On fait 250 t de foin par an sachant qu’en Normandie on ne peut pas commencer avant 14 h à cause de la rosée ».

Franchir le Rubicon bio ?
Avec ce changement d’alimentation, le niveau d’étable a légèrement reculé (200 kg) « mais on a plus perdu en MG ». Une perte compensée par des frais vétérinaires en voie de raréfaction. Alors pourquoi ne pas aller plus loin et se lancer dans le bio ? « Passer en bio, c’est descendre à 4 500 kg», soulignent Vincent et Nicolas. En d’autres termes, plus d’animaux et plus de surfaces pour produire son droit. Et puis, en cas de déficit fourrager, c’est compenser en achetant plus de céréales. Des céréales bio pas facile à trouver en de telles circonstances et dont les prix vont forcément grimper. Enfin, au Gaec du Grand Hazé, si un animal est malade, on ne veut pas s’interdire l’utilisation d’un antibiotique ce qui n’empêche pas les deux frères de participer à de nombreuses formations « bio. C’est dans l’échange et le respect de chacun que l’on progresse ».
Et de progrès environnemental, les frères Féret mettent en avant la replantation de haies. L’exploitation comptabilise 15 km de linéaire. Un linéaire entretenu et valorisé (100 m3 de bois plaquette autoconsommés) ou vendu en circuit court pour un chiffre d’affaires de 7 000 € l’an dernier.
Et le mot de la fin pour Vincent. Il n’est plus de corvée de maïs chez les voisins, ce n’est pas son trip et il n’est pas assez opérationnel. Il dit encore  « oui » cependant aux corvées d’andainage ou d’épandage de fumier...
(1) : le SEGRAFO est une association dont le but est de promouvoir et de développer la technique du séchage en grange des fourrages.

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