Aller au contenu principal

Elevage
Bien cibler son époque de vêlage

Les entreprises laitières manquent de lait sur les mois de juillet, août et septembre, alors que la collecte laitière des mois d’avril et mai excède largement la consommation des produits laitiers. Cette situation a des conséquences économiques assez lourdes.

Par l’intermédiaire de la grille interprofessionnelle de paiement du lait, les entreprises laitières incitent aujourd'hui les éleveurs à centrer leurs vêlages sur la fin du printemps et le début de l'été pour obtenir un approvisionnement plus régulier en matière première : l’objectif est de limiter cette inadéquation entre la production et les besoins de la transformation.


Un intérêt commun entreprises laitières et éleveurs

Cette politique n'est pas nouvelle. Elle a d’ailleurs déjà porté ses fruits puisque la répartition de la collecte laitière a évolué dans le bon sens depuis 15 ans. Suite aux compléments de prix pour inciter les éleveurs à livrer plus de lait sur l’automne et l’hiver avec des vêlages de fin d’été-début d’automne, le creux de collecte s’est légèrement estompé à partir des années 90 avec un plateau qui allait de août à janvier. Le pic de collecte de printemps restait élevé et l’amplitude entre les 2 mois extrêmes de collecte restait proche de 3 points.Au début des années 2000, pour réduire le creux de collecte d’automne et le pic de printemps, les entreprises ont incité alors les éleveurs à orienter leurs vêlages sur l’été par l’intermédiaire de la grille interprofessionnelle et des compléments de prix. Cette politique a permis de réduire la durée du creux de collecte à 3 mois (juillet, août, septembre) sans modifier son niveau. Par contre, la collecte reprend dès le mois d’octobre et le pic de collecte de printemps est moins prononcé. L’amplitude entre les 2 mois extrêmes devient alors inférieure à 2 points.


Un creux de collecte laitière sur l’été

Aujourd'hui, cette amplitude reste de même niveau. Normalement, les livraisons moyennes mensuelles doivent se situer autour de 8,33 % de la livraison annuelle. La structure de la collecte est assez proche dans le Calvados et l'Orne avec une amplitude encore importante entre le mois de mai de plus forte livraison (> 9,5 %) et celui d'août de plus faible livraison (< 7,2 %).Dans le département de la Manche cette amplitude est moins prononcée avec un écart de 1,84 % entre les deux mois les plus extrêmes en termes de livraisons contre 2,44 % dans les deux autres départements. L’obtention de la régularité présente des avantages qui devraient permettre une revalorisation du prix du lait payé aux producteurs.Ces derniers doivent se sentir concernés par cette meilleure régularité mais ils demandent à être motivés dans ce sens par l’obtention d’un meilleur revenu.

Une simulation de cinq stratégies de vêlages

Cinq modes saisonniers de distribution des vêlages ont été testés sur un troupeau produisant 350 000 litres de lait : fin de printemps/début d’été, fin d’été/début d’automne, automne, fin d’hiver et étalés. La répartition des vêlages a été faite sur 4 mois seulement afin de bien typer la situation des quatre premières distributions et mesurer les conséquences sur le résultat économique. Une distribution régulière des vêlages sur l’année a également été testée (tableau 1).La production laitière des vaches avec vêlage de fin de printemps-début d'été semble être légèrement inférieure à celle des autres époques de vêlage. Elles ne bénéficient pas de l'effet galactogène bien connu de l'herbe de printemps et les vêlages au moment des plus fortes chaleurs pénalisent peut être le début de lactation. Cette réduction de la production laitière par vache nécessite un nombre de vaches supérieur pour remplir la référence laitière.Les taux moyens sont sensiblement identiques quelles que soient les époques de vêlage. Il faut noter cependant que les vêlages de printemps/été donnent un taux protéique faible sur juillet-août et septembre car ils cumulent les effets négatifs liés au stade de lactation et à l’effet saison. Ceci pourrait poser des problèmes de fabrication fromagère aux entreprises.


Un prix du lait favorable aux vêlages de fin de printemps/début d’été

Avec la nouvelle grille bas-normande, le prix moyen du lait  est le plus élevé pour les vêlages de fin de printemps-début été qui produisent du lait au moment où son prix est le plus élevé. L’écart avec les vêlages d'automne est de 12 €/1 000 litres de lait et de 14 €/1 000 litres de lait avec les vêlages d'hiver. Cet écart de prix moyen est intermédiaire pour les deux autres politiques de vêlage.Pour les vêlages de fin de printemps-début été le prix maximum du litre de lait est obtenu en automne car le prix du lait d'été est pénalisé par des taux plus faibles du début de lactation. Cette politique de vêlage bénéficie d'un prix du lait assez régulier tout au long de l'année. L'écart entre le prix maximum (novembre) et le prix minimum (avril) sur un mois est de 37 €/ 1 000 litres de lait. Par contre, les amplitudes de prix sont beaucoup plus élevées pour les vêlages d'hiver (+ 79 €/ 1 000 litres de lait), de fin d'été-début automne (+ 81 €/1 000 litres de lait) et surtout d'automne (+ 109 €/1 000 litres de lait). Dans ces systèmes, les vaches sont en fin de lactation avec des taux butyreux et protéique élevé au moment où le prix de base du lait est le plus élevé. Le prix de vente du litre lait maximum se situe alors respectivement sur les mois d'octobre, juillet et septembre. Dans toutes les situations, le prix le plus bas se situe en avril. Cet avantage pour les vêlages de fin de printemps-début été pourra être atténué ou amplifié par l’indice économique calculé trimestriellement et l’effet “tunnel allemand” correspondant à la correction mensuelle entre le prix du lait allemand et le prix du lait français. Les écarts de prix mentionnés ci-dessus sont des écarts maxima car ils correspondent à des situations où les vêlages sont très groupés ce qui est rarement le cas en exploitation.

Des systèmes fourragers adaptés à chaque époque de vêlage

Les hypothèses de rations retenues pour les vaches laitières induisent des systèmes fourragers très différents : 23 % d’ensilage de maïs pour les vêlages d'automne, autour de 40 % pour les vêlages de fin d’été/ début automne et hiver et respectivement 47 et 57 % pour les vêlages  étalés et de fin de printemps-début été. L'incidence sur le chargement reste cependant assez faible.Les besoins en concentrés sont de 1 481 kg pour les vêlages de fin de printemps-début d'été, de 1 397 kg pour les vêlages de fin d’été/ début automne, 1 310 kg pour les vêlages d’automne, 1 310 kg pour les vêlages d’hiver et 1 526 kg pour les vêlages étalés.Les vêlages fin de printemps-début d'été nécessitent une consommation importante de concentré : cette politique de vêlage ne permet pas de valoriser le potentiel énergétique de l’herbe de printemps étant donné que les vaches sont en fin de lactation ou taries. De même pour les vêlages étalés dont une partie du troupeau se trouve en fin de lactation ou tari au printemps.Le prix des vaches de réforme et des veaux de 8 jours sont basés sur des références des années 2007, 2008 et 2009. Les cours sont plus favorables en été aussi bien pour les veaux que pour les vaches de réforme. Le produit viande des vêlages de fin de printemps début d’été sera donc plus élevé.


Des marges directes sensiblement identiques quelque soient les époques de vêlage

Selon nos hypothèses, les différentes politiques de vêlages semblent dégager des marges directes sensiblement identiques. Les vêlages étalés semblent être légèrement pénalisants car ils ont un produit (lait et viande) plutôt faible et des charges élevées (concentrés, fourrages). Par contre, ils permettent d’optimiser l’âge au vêlage (plus précoce)  des génisses ce qui peut avoir un impact économique positif non négligeable.Les vêlages d’automne ont un produit faible mais des charges peu élevées : ils valorisent bien l’herbe pâturée, ont besoin de moins de stocks de fourrages conservés et de concentrés. Ils permettent une marge nette assez proche de celle des vêlages de fin d’été et début automne. Compte tenu des contraintes inhérentes aux vêlages de printemps et d’été (système fourrager, travail, report de stock, …), l’époque idéale de vêlage semble se situer d’août à novembre si on dispose de suffisamment de surface accessible aux vaches laitières pour pâturer sans fourrages conservés. Cependant si les contraintes de surface accessible aux vaches laitières conduisent à avoir une part importante de maïs dans le système fourrager de l'exploitation pour en distribuer au pâturage de printemps, l'éleveur a intérêt à  orienter ses vêlages en fin de printemps pour bénéficier pleinement du prix du lait supérieur sur l'été.

Adapter l'époque de vêlage au système fourrager en place ET NON adapter le système d'exploitation (époques de vêlage et % de maïs dans la SFP) au prix du lait

La nouvelle grille de paiement du lait en Basse-Normandie renforce l'effet de la saisonnalité sur le prix du litre de lait. Son incidence sur la marge directe de l'exploitation est faible si la politique de vêlage est adaptée au système fourrager en place sur l'exploitation et en particulier au pourcentage de maïs dans la SFP. Les systèmes laitiers avec un fort pourcentage de maïs ont un intérêt économique à faire des vêlages de fin de printemps ou d'été.La politique de vêlage doit être adaptée au système fourrager existant et non l'inverse. Les éleveurs disposant d'une surface en prairies accessible aux vaches laitières suffisante avec une part de maïs d'environ 20 % dans la SFP et des vêlages de fin d'été-début d'automne n'ont pas intérêt à modifier leur système d'exploitation (système fourrager et époque de vêlage) pour aller chercher un prix du lait plus élevé. Ils risquent de le déstructurer avec des conséquences importantes sur les charges de mécanisation et de travail. Par contre, les éleveurs qui disposent d'un système basé sur les intrants (part de maïs importante, charges de mécanisation élevées) avec une distribution d’ensilage de maïs toute l’année ont intérêt à rechercher un prix du lait le plus élevé possible en orientant leurs vêlages sur la fin de printemps et le début d'été. Par ailleurs, l’intérêt économique de tel ou tel système dépendra  du différentiel de rendement valorisé de l’exploitation entre les prairies et la culture de maïs. Un différentiel plus important que celui retenu dans nos hypothèses (≈ 3 tonnes MS/ha) sera à l’avantage des systèmes moins herbagers avec des vêlages de fin de printemps/ début été.
Gérer la collecte laitière avec une approche collectiveSi la stratégie des vêlages de fin de printemps/début été est adoptée par une majorité d'éleveurs, on risque de voir, dans quelques années, le creux de collecte qui s'est déplacé depuis 30 ans progressivement de l'hiver, vers l'automne puis aujourd'hui vers l'été, se mettre en place sur le printemps au moment de la pousse d'herbe.Cette situation avec des vaches taries au printemps serait assez paradoxale dans la mesure où l'herbe “pousse toute seule” en Normandie et permet de couvrir un bon niveau de production laitière sans concentré. Pour éviter cette situation, deux propositions peuvent être faites :- encourager les éleveurs, qui ont un système cohérent basé sur les vêlages de fin d'été-début d'automne avec une fermeture du silo de maïs au printemps et en été, à le conserver en l'état ;- encourager les éleveurs qui ont un fort pourcentage de maïs dans leur système fourrager à orienter leurs vêlages sur 2 périodes précises et relativement courtes (2 mois sur la fin de printemps et l'automne).Cette stratégie permettrait :- de mieux repartir la collecte laitière sur l'année ;-  d'avoir 2 périodes de vêlages groupés facilitant le travail, notamment au niveau de l'élevage des génisses ;- de pouvoir réaliser des vêlages soit précoces (24 mois), soit 30 mois, ce qui permettrait d'optimiser l'élevage des génisses au niveau technique et économique.

Bernard Houssin

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout l'Agriculteur Normand.

Les plus lus

[LES GAGNANTS DU JOUR] Race Blanc bleu : deux éleveurs normands se démarquent
Jeudi 29 février 2024, le concours général agricole de race Blanc bleu s'est déroulé sur le ring de présentation du hall 1 du…
[CÔTÉ JEUNES] TIEA 2024 : Le lycée agricole de Sées repart avec la médaille d'or
Cinq établissements normands ont fait le déplacement à Paris, pour participer au Trophée international de l’enseignement agricole…
Jeunes agriculteurs de la Manche : "Foncez les filles"
À l'assemblée générale des Jeunes agriculteurs du 22 mars 2024, le débat tournera autour de la place des femmes en…
Six installations plutôt qu'un (des) agrandissement(s) en Normandie
Safer et JA Normandie ont réuni, samedi dernier à Petit-Caux près de Dieppe (76), les acteurs d'une opération foncière inédite…
[LA BLONDE D'AQUITAINE] Au SIA 2024, une 8e participation du Gaec Lorin Bossuyt
Pour la huitième année consécutive, le Gaec Lorin-Bossuyt participe au concours général agricole de race Blonde d'Aquitaine du…
La haie en session CAN : plein les bottes d'attendre
La CAN (Chambre d'agriculture Normandie) s'est réunie en session le 15 mars 2024. Le 15 mars, c'est aussi la date…
Publicité