Système pâturant
Chez Félix, la luzerne est au service de la prairie
Chez Félix et Josselin Peschet, installés en Gaec aux Isles-Bardel, il a fallu trouver des solutions techniques pour préserver les pâturages et renouveler les prairies. Des adaptations décrites lors d'une porte ouverte orchestrée par les Chambres d'agriculture et Littoral Normand, jeudi 21 août.





Aux Isles-Bardel, au creux des vallons de la Suisse Normande, dans le Pays de Falaise, l'herbe a parfois du mal à pousser tout au long de l'année. Balayées par les vents et harassées par le soleil estival normand, les prairies du Gaec de la Courbe ont parfois été mises à mal. "C'est un milieu très séchant avec seulement 20 à 30 centimètres de profondeur", atteste Thierry Métivier, conseiller en agriculture biologique pour les Chambres d'agriculture de Normandie, à l'attention de l'auditoire du jour. Quelques agriculteurs du secteur (sud du Calvados ou Orne principalement) ont fait le déplacement ce jeudi 21 août pour parler semis de prairies sous couverts. Une journée "bout de champs", réalisée dans le cadre du programme Reine Mathilde, qui a suscité pas mal de questions.
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Contexte
Félix Peschet s'est installé sur l'exploitation familiale dès 2013. Il a été rejoint par son frère Josselin en 2016, avant de se convertir à l'agriculture biologique en 2017 : "Je n'avais plus envie de monter sur le pulvérisateur et c'est un système qui me convient, avec des valeurs auxquelles j'adhère. Nous avons un pâturage accessible et assez extensif donc ça collait." La ferme compte 80 vaches laitières - croisées Prim'Holstein, Montbéliarde et Normande - avec des vêlages groupés en février et mars. L'exploitation produit 250 000 litres de lait (monotraite à partir de fin septembre, sinon double traite), collectés par Agrial et envoyés à Condé-en-Normandie, tandis que les céréales sont valorisées dans leur propre atelier meunerie/boulangerie - blé ancien, épeautre, sarrasin et seigle. Environ 500 kg de pains sont produits par semaine.
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Semis d'automne
Sur les 130 ha de SAU, il y a 60 ha de prairies permanentes et 30 ha de prairies temporaires - dont une dizaine d'hectares resemée. Il y a environ sept années, Félix Peschet fait le choix de semer ses prairies sous couverts, notamment de luzerne - non fauchée - avec un objectif : "Avoir de l'herbe à pâturer en saison estivale". Avec son "sol très superficiel et très séchant", constate Thierry Métivier, le semis d'automne s'est vite imposé. Ici, les travaux de semis s'exécutent la première quinzaine d'octobre, pas avant, pas après. "Une observation similaire a été faite au Gaec Guilbert à Villers-Bocage en novembre 2024 et les semis de septembre sont contre-productifs. La prairie se fait manger par les céréales, il y a trop de concurrence", confirme Maddalena Moretti, conseillère AB chez Littoral Normand.
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"C'est une nouvelle possibilité pour éviter les printemps secs", constate Thierry Métivier.
En moyenne, Félix Peschet sème 32 kg/ha : 12 kg/ha de luzerne, 8 kg/ha de fétuque élevée, 5 kg/ha de trèfle blanc, 5 kg/ha de ray-grass anglais et 2 kg/ha de trèfles annuels. Le tout dans un méteil (seigle-fèverole-pois) semé à raison de 90 kg/ha. Il déconseille le dactyle. "C'est impâturable. Mes vaches ont refusé, même fauché", lance-t-il. Résultat, l'herbe est préservée pour l'été et il y a moins de rumex. "Le multi-espèces permet d'éviter la casse", ajoute Thierry Métivier.
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Itinéraire technique
Après plusieurs années de cultures (4-5), pour reconduire le principe de rotation, une prairie multi-espèces avec de la luzerne est implantée. "À l'automne, la prairie est semée sous couvert du méteil. Au printemps suivant, une fauche est réalisée vers le 15 mai pour être récoltée en ensilage, ce qui permet une production de biomasse importante pour une première coupe, soit environ 7 TMS/ha", commente l'exploitant. La prairie retrouvant la lumière est pâturée le reste de la saison. "Côté fertilisation, un apport de chaux est réalisé afin de maintenir le PH du sol au-dessus de 6,5, ainsi qu'un apport de 10 t de fumier/ha/an. Depuis 2021, on bat notre luzerne, complète Félix Peschet. La parcelle est nettoyée par une fauche (ensilage) fin avril, elle repousse et fleurit avant d'être de nouveau fauchée fin août. La luzerne fauchée est laissée 8 à 10 jours au sol, puis moissonnée. Afin d'enlever toute impureté, le dernier tri se fait au tamis de maçon". En 2024, le Gaec a fabriqué 600 kg de semence, pour deux ans, avec une économie de 150 €/ha par rapport à l'achat de semence dans le commerce.
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