Elevage
Coût de renouvellement dans les troupeaux laitiers : un impact économique important
On parle souvent du coût alimentaire pour trouver des pistes d'amélioration au revenu des exploitations laitières. On oublie que le coût du renouvellement du troupeau laitier a un impact également très important...

Le coût du renouvellement d'une vache porte sur la différence entre le prix de vente de la vache de réforme et le coût de production de la génisse pour la remplacer. Ces deux facteurs doivent être optimisés en particulier le coût de production d'une génisse (hors rémunération du travail) qui peut varier de 1 200 € à 1 600 €.Au niveau de l'exploitation le coût du renouvellement global est avant tout lié au taux de réforme.L'impact économique de tous ces facteurs (taux de réforme, prix de vente des vaches réformées, coût de production des génisses) est difficile à appréhender pour l'éleveur.
Une variabilité importante
Une étude des réseaux d'élevage Bretagne et Pays de la Loire, sur les résultats 2010/2011, montre que le coût de renouvellement qui correspond à la différence entre le produit des vaches de réforme et l'ensemble des charges liées au coût de production des génisses est d'environ 22 € pour 1 000 litres de lait, mais la variabilité entre élevages est conséquente. Elle va de 8 € pour les élevages les plus économes à près de 40 € pour les élevages les plus dépensiers, soit un écart de 32 €/1 000 litres de lait. Différents facteurs influent sur le coût de renouvellement et ils ont chacun une forte variabilité. Les marges de progrès sont donc importantes et variables d'un élevage à l'autre.
Maîtriser le taux de réforme
Plus le besoin en génisses de renouvellement est important, plus le coût de renouvellement est élevé. L'incidence va du simple au double. En passant d'un taux de réforme de 13 % à 39 %, le coût de renouvellement passe de 14 €/1 000 litres de lait à près de 30 €/1 000 litres de lait. L'éleveur doit donc limiter le taux de réforme de son troupeau en maîtrisant tous les aspects sanitaires (mammites, boiteries, reproduction,…) et la phase d'élevage de la génisse. Ce taux de réforme peut varier d'une année sur l'autre. Au niveau d'une exploitation, il doit s'analyser sur plusieurs campagnes.
Des coûts d'élevage identiques quelque soit l'âge au vêlage
Le deuxième poste à maîtriser est le coût d'élevage de la génisse. Ce coût est composé du coût alimentaire et des différentes charges liées à l'élevage (frais d'élevage, mécanisation, bâtiment, divers et foncier). Le coût alimentaire d'une génisse est assez proche, quelque soit son âge au vêlage. Il est d'environ 400 €, mais en élevage on observe une très forte variabilité qui peut aller de 200 à 600 €. Si les coûts de concentrés peuvent être un peu plus élevés en vêlage précoce, par contre, la génisse qui vêle plus jeune consomme moins de fourrages, ce qui diminue son coût de production. Par ailleurs tous les autres postes de coûts de production de la génisse (frais d'élevage, mécanisation, bâtiment, foncier, divers) augmentent quand l'âge au vêlage des génisses est retardé.
Le double effet économique du vêlage précoce
L'abaissement de l'âge au vêlage permet de diminuer le coût de renouvellement. En passant d'un âge au vêlage de 34 mois à 25 mois, on peut gagner plus de 10 €/1 000 litres de lait.Mais cette stratégie a un autre impact économique très important au niveau de l'exploitation souvent oublié surtout dans la conjoncture actuelle. Les génisses qui vêlent plus jeunes consomment moins de fourrages, ce qui libère de la surface pour une autre activité sur l'exploitation. Cette nouvelle activité peut être l'élevage d'un nombre plus élevé de génisses pour apporter de la flexi-sécurité au niveau du troupeau laitier (adaptabilité de la taille du troupeau à la demande en lait) ou la culture de céréales destinées à la vente si le contexte de l'exploitation et la réglementation s'y prêtent.
Le vêlage précoce : un impact plutôt positif sur la carrière des génisses
Deux travaux récents en race Prim'Holstein (Les Trinottières-49) et en race Normande (La Blanche Maison - 50) démontrent l'intérêt du vêlage précoce. En Prim'Holstein, en vêlage tardif (33 mois), les génisses en première lactation produisent seulement 300 kg de lait de plus que les vêlages précoces, car elles sont plus lourdes. Par contre, en deuxième et troisième lactation, la production laitière est identique. Le poids adulte est atteint au troisième vêlage en vêlage 24 mois, alors qu'il est atteint au deuxième vêlage en vêlage 33 mois. Les génisses “vêlage 24 mois” produisent 2 500 kg de lait de plus sur leur carrière, soit 2.0 kg de lait de plus par jour de vie productive. Elles font plus de lactations et leur pourcentage de vie productive est amélioré d'environ 10 %. La même étude a été réalisée sur les génisses normandes. Les génisses “vêlage précoce” ont une longévité au moins aussi bonne que les génisses qui vêlent à 3 ans. Elles produisent moins de lait sur les 3 premières lactations que les génisses qui vêlent à 3 ans, mais elles font en moyenne un peu plus de lactations, ce qui leur permet de produire autant de lait sur leur carrière que les génisses qui vêlent à 3 ans. Elles ont un nombre de jours improductifs inférieurs aux génisses qui vêlent environ 12 mois plus tard, ce qui leur permet de produire plus de lait par jour de vie (environ 1 kg). Le vêlage précoce présente des atouts aussi bien au niveau technique que économique alors que l'âge moyen au vêlage des génisses est voisin de 33 mois chez les adhérents au Contrôle Laitier en Normandie. Une femelle est donc plus longtemps présente à l’état de génisse qu’en lactation puisqu’elle produit en moyenne durant 2,5 lactations.
Viser 200 kg à 6 mois d'âge
Différents travaux de recherche ont montré que quelque soit l'âge au vêlage, l'objectif de croissance jusqu'à 6 mois reste le même. A cet âge, il faut atteindre un poids d'environ 200 kg. Tout retard de croissance à 6 mois ne se rattrape jamais et a des conséquences négatives sur la carrière laitière de la génisse. Cette phase est délicate à gérer. Elle nécessite entre autres :
- une alimentation équilibrée de la vache tarie (énergie, azote, minéraux, vitamines) ;
- des règles sanitaires à la naissance (buvée du colostrum, désinfection du cordon ombilical) et un logement géré avec hygiène (nettoyage, désinfection, vide sanitaire) pour assurer le confort du jeune veau et éviter les diarrhées et les problèmes respiratoires.Les différents plans d'alimentation proposés pendant la phase lactée et après le sevrage sont bien connus et permettent d'obtenir sans difficultés des croissances supérieures à 800 g/j. Il faut seulement rappeler que la technique d'une buvée de lait par jour ou l'utilisation du lait yoghourt donnent des résultats au moins aussi bons que la technique consistant à distribuer deux buvées par jour.
Après 6 mois, ajuster la complémentation à la qualité des fourrages
Si le poids de 200 kg est atteint à 6 mois, le vêlage précoce est alors réalisable dans la plupart des élevages, avec un poids minimum après vêlage de 80 % du poids adulte.L'objectif de croissance jusqu'au vêlage est d'environ 700 à 750 g/jour. En Prim’Holstein, il est même possible de viser 800 g à 900 g pour faire du vêlage précoce. Avec tous les fourrages (pâturage, herbe ensilée, foin, ensilage de maïs), il est possible d'atteindre cet objectif sous réserve d'ajuster la complémentation en concentrés à la qualité du fourrage. Le suivi de la croissance par pesée ou barymétrie (estimation du poids avec mesure du tour de poitrine) est nécessaire pour suivre de près la croissance d'un lot de génisses et rattraper tout retard de croissance.Après un niveau de croissance insuffisant sur une ration hivernale, la croissance compensatrice pourra permettre de rattraper le retard au printemps suivant avec un pâturage d'excellente qualité. Le suivi de la croissance des génisses est donc essentiel pour corriger des erreurs d'alimentation et inséminer des génisses à un poids correct.L'élevage des génisses est souvent le parent pauvre dans la conduite d'une exploitation laitière. Cet élevage représente un coût pour l'atelier, mais le renouvellement du troupeau est nécessaire pour assurer la pérennité du troupeau. Il doit être performant et de la meilleure qualité possible tout en abaissant l'âge au vêlage pour améliorer l'efficacité technico-économique de l'atelier laitier.
Simulation
Une simulation réalisée sur une exploitation laitière produisant 320 000 litres montre que le passage d'un âge au vêlage à 36 mois à 24 mois permet d'améliorer la marge nette de l'exploitation d'environ 15 000 €, si les surfaces libérées sont cultivées en blé destiné à la vente, soit 47 €/1 000 litres de lait. Cette simulation est forcément optimiste car elle raisonne sur deux situations extrêmes d’âge au vêlage, mais elle démontre clairement que les producteurs de lait ont intérêt à abaisser l'âge au vêlage des génisses.