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Biocarburants
Crise alimentaire, à qui la faute ?

En avril dernier, les biocarburants étaient mis au banc des accusés, jugés responsables de la crise alimentaire observée dans 36 pays dans le monde dont 21 en Afrique.

L’ONU annonce 1,2 milliard d’affamés en 2025 si rien n’est fait. (DR)
L’ONU annonce 1,2 milliard d’affamés en 2025 si rien n’est fait. (DR)
© DR

La faim dans le monde frappe déjà 850 millions de personnes et si rien n’est fait, 100 millions de personnes supplémentaires en seront victimes. De nombreuses études ont cherché à évaluer la part de responsabilité des biocarburants dans le boom des prix agricoles et alimentaires. Mais, les résultats publiés sont si divergents qu’il est difficile de se faire une idée.

Prix mondial des denrées agricoles : + 23 % en un an
Les prix des denrées agricoles ont augmenté de 23 % en 2007 par rapport à 2006 selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture). Sur l’année 2007, les cours internationaux des céréales et des produits laitiers ont progressé respectivement de 39 % et 79 %. Une telle situation est vite devenue intenable pour les populations des pays en voie de développement où plus de 60 % du revenu est consacré à l’alimentation contre moins de 20 % pour les pays riches. A titre d’exemple, au Sénégal, le prix du sac de riz a augmenté de 34 % en un mois, passant de 13 000 francs CFA (19,32 euros) à 17 000 francs CFA (25,92 euros). Les sénégalais ont du faire face à cette hausse avec un salaire moyen variant de 30 000 à 100 000 francs CFA (45,73 à 152,44 euros).

100 millions de pauvres en plus
On dénombre déjà aujourd’hui 850 millions de personnes victimes de la faim dans le monde. Selon M. Robert B. Zoellick, Président de la Banque Mondiale, “un doublement des prix alimentaires au cours des trois prochaines années pourrait enfoncer 100 millions d’habitants des pays à faible revenu encore plus profondément dans la pauvreté” soit “sept années de perdues” dans la lutte contre la pauvreté. L’ONU (Organisation des Nations Unies) annonce même 1,2 milliard d’affamés d’ici 2025, si rien n’est fait.

Les biocarburants au banc des accusés
Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation a même qualifié les biocarburants de “crime contre l’humanité”. Le Directeur du FMI (Fonds Monétaire International), Dominique Strauss-Kahnn a préféré considérer que les biocarburants posaient un “problème moral”.

Qu’en est-il vraiment ? Depuis 3 mois, les “anti” et les “pro” biocarburants s’affrontent avec de nombreux arguments. Outre-atlantique, on ne compte même plus les études qui évaluent l’impact des biocarburants sur les prix alimentaires.
Ce que l’on peut retenir d’une part, c’est la difficulté d’isoler le rôle des biocarburants dans la hausse des prix des denrées alimentaires, les chiffres oscillent de 7 % à 35 % selon les études. Un tel éventail des résultats semblerait s’expliquer par la méthode employée, les produits et la période de temps considérés.
D’autre part, les biocarburants sont un des facteurs parmi d’autres responsables de la hausse des prix des céréales.
Ainsi, la liste des facteurs responsables de la hausse des prix est importante :
- la baisse des stocks mondiaux de céréales, résultante d’une production inférieure à la consommation
- les pertes de récolte en Australie suite aux sécheresses
- le boom économique de l’Inde et de la Chine favorisant les importations
- la hausse du prix de l’énergie
- la spéculation des marchés financiers
- le retard dans le développement de l’agriculture mondiale.
Mais face à cette série de facteurs, quelle pondération donner à chacun ?
La Banque Mondiale considère que les biocarburants jouent un rôle de plus en plus important sur les marchés des matières premières agricoles. Selon elle, en 2006, entre 5 et 10 % de la production mondiale des produits primaires auraient été utilisés dans la fabrication de biocarburants.

Les producteurs de biocarburants dans le monde
Dans le monde, les plus gros producteurs de biocarburants sont les Etats-Unis et le Brésil. Sur 40 milliards de litre d’éthanol produit dans le monde, les Etats-Unis et le Brésil en assurent 88 % contre 4 % pour l’Union Européenne. Or, les Etats-Unis consacrent 20 % de leur récolte de maïs à la production d’éthanol, pèsent 11 % de la production mondiale de maïs et assurent 60 % des exportations mondiales de maïs.
Sur le marché du biodiesel, dont le volume mondial est évalué à 6,5 milliards de litres, l’UE assure 75 % de la production et les USA 12 %.
Force est de constater, que les modèles de développement des biocarburants aux USA et en Europe ne sont pas de même dimension, ce qui fait dire aux représentants de la filière française qu’il faut éviter les amalgames. Mais, il est clair qu’on ne pourra jamais substituer le pétrole par les biocarburants. Il faudrait en effet consacrer les 2/3 du territoire français pour couvrir les besoins en transport en France.
Raynald LE NECHET
Chargé d’Etudes Economique Chambre d’Agriculture  du Calvados

Deux conceptions de l’agriculture
-L’échec des négociations de l’OMC a mis en lumière deux conceptions de l’agriculture. La première défendue par des pays comme les USA ou le Brésil, considère les produits agricoles comme des marchandises stratégiques de commerce international où chaque pays cherche à bénéficier de ses avantages concurrentiels. L’autre conception, plus proche de la France et des pays pauvres considère l’agriculture comme une activité devant assurer des revenus suffisants aux agriculteurs en nourrissant avant tout les populations locales.
La hausse du prix du pétrole, l’envolée du coût du fret pourront-ils remettre en cause les échanges commerciaux en favorisant la relocalisation et le développement des activités pour des bassins de production et de consommation de proximité ?

En 2050 : 9 milliards d’habitants

Nourrir les hommes, la fonction de l’agriculture

Cette flambée des prix agricoles a modifié le regard que l’on portait sur l’agriculture en redécouvrant sa fonction première : nourrir les hommes.
En 2050, il faudra nourrir 9 milliards d’habitants. Pourra-t-on nourrir la population mondiale et développer les biocarburants ? Pour la FAO, cela ne pose pas de réelles difficultés si on ne consacre que 20 % au maximum des surfaces actuelles des terres arables mondiales au biocarburant, soit 280 millions d’hectares. De plus, il existe des surfaces agricoles encore non exploitées dans la forêt amazonienne.
Mais d’autres, comme Michel Griffon ou Bruno Parmentier, ne partagent pas cet optimisme. En effet, ils insistent tous les deux sur la rareté des ressources, notamment en eau douce, en surface… Ils posent également la question des conséquences écologiques de la déforestation amazonienne.
Pour Bruno Parmentier, on doit se préparer à la rareté en cherchant des alternatives au pétrole (utilisation de l’hydrogène…) et en modifiant nos comportements liés à la consommation énergétique par le développement des transports en commun par exemple. Même notre mode de consommation alimentaire est mis à contribution en réduisant notre consommation de viande car pour produire 1 kg de bœuf il faut 12 kg de céréales et 13 tonnes d’eau.
L’autre question qui se pose et se posera d’autant plus dans l’avenir pour les pays en voie de développement, c’est leur solvabilité pour nourrir leur population.

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