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Marc Deschamps, directeur général du Crédit Agricole Normandie
Crise financière : en attendant le retour de la confiance

Marc Deschamps, directeur général du Crédit Agricole Normandie, pour un point d’actualité sur trois crises qui se sont enchaînées : crise des subprimes entraînant une crise des liquidités et une crise économique, sur fond de perte de confiance entre les établissements bancaires.

Marc Deschamps : “il va falloir s’habituer à la volatilité des prix agricoles dans tous les sens et ce n’est pas simple. 250 e le blé l’an dernier à cette époque, 125 e cette année ! Cependant, l’année 2008 se caractérise par des chiffres d’affaires en hausse dans les exploitations. Conséquences : investissements dans du matériel et dans une moindre mesure dans du foncier. A la fin de l’année, on aura pulvérisé le montant des prêts à l’agriculture.
Marc Deschamps : “il va falloir s’habituer à la volatilité des prix agricoles dans tous les sens et ce n’est pas simple. 250 e le blé l’an dernier à cette époque, 125 e cette année ! Cependant, l’année 2008 se caractérise par des chiffres d’affaires en hausse dans les exploitations. Conséquences : investissements dans du matériel et dans une moindre mesure dans du foncier. A la fin de l’année, on aura pulvérisé le montant des prêts à l’agriculture.
© TG

La crise financière est la conséquence d’une crise de confiance. Confiance qu’il faut retrouver au plus vite. La centrale de refinancement inter-bancaire devrait y contribuer. Marc Deschamps, directeur général de la Caisse régionale du Crédit Agricole Normandie, reste d’un optimisme mesuré et appelle au retour aux fondamentaux. Il exhorte aussi les médias à plus de sérenité et de discernement dans l’analyse. 

Comment se vit, au quotidien, la crise financière au cœur d’une caisse régionale comme celle que vous dirigez ?
Nous sommes impactés sur certaines catégories d'opérations, en termes de volume, comme par exemple sur le marché actions. Mais ce n'est pas matin et soir.

Comment analysez-vous cette crise ?
Il y a 3 crises dans la crise. La première est issue des subprimes, conséquence de prêts au logement réalisés aux Etats-Unis dans des conditions financières trop optimistes : prêt sur 40 ans, pas d'autofinancement. Ces prêts ont été par la suite injectés dans les circuits financiers sous forme de titres. Un système proposé, rappelons-le, avec l'aval des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Cela a donné lieu ensuite à une dépréciation de ces titres tout simplement parce qu'il n'y avait plus de marché. Si le marché avait existé, ces titres auraient une valeur, certes pas nominale, mais une valeur quand même. Dans ce dispositif, le Crédit Agricole, via une de ses filiales, n'a pris qu'une part modeste

S’en est suivi une crise de confiance ?
Une crise de confiance planétaire où tout le monde est plus ou moins acteur. Où tout le monde est plus ou moins responsable. Selon les lois de Darwin, on a assité à une sélection par le plus faible. Les banques qui ne disposaient pas des fonds propres nécessaires ont été sanctionnées par le marché : syndrome Lehman Brothers. Terminé !

Une crise de confiance qui a touché aussi le marché inter-bancaire?
Il y a belle lurette que les banques ne prêtent plus d’argent uniquement quand elles ont la collecte totale sinon, l’économie roulerait à 50 km/h. En d’autres termes, quand le Crédit Agricole Normandie prête 100 e, il dispose de 75 en ressource normale et le delta, 25 %, on va le chercher sur le marché financier. Les banques sont donc amenées à se prêter de l’argent tous les jours tout en rendant des comptes aux autorités monétaires. Vous prêtez 100, vous devez disposer de 100 de ressources, peu importe d’où elles viennent.

Donc le système se grippe si les banques ne se prêtent plus d’argent entre elles ?
C’est ce qui s’est passé au travers de cette crise de confiance. Le marché s’est arrêté. J’utiliserai une métaphore en appelant cela le syndrome de la foire aux bestiaux. Des vaches sont malades et comme on ne sait pas lesquelles, plus aucun maquignon n’en achète à la foire. Nous sommes donc arrivés dans un marché où plus personne ne voulait refinancer l’autre.

Avec quelles conséquences ?
Face à une pénurie, les taux grimpent. La banque est alors obligée de refacturer ce coût supplémentaire. Voilà la seule raison pour laquelle les taux d’intérêt des prêts ont augmenté.

Et de quel ordre est cette augmentation ?
Au 1er janvier 2007, un refinancement classique entre grandes banques, sur une durée de 3 à 5 ans, valait 0,10% de plus que l'emprunt d'état de même durée. Aujourd'hui, cela vaut 1,50% de plus ! Le marché interbancaire planétaire s'est donc virtuellement fermé faute d'acheteurs.

Crise de confiance, crise inter-bancaire pour aboutir à une crise sur le marché “actions” ?
Dégringolade totale et c’est là que les pouvoirs publics se sont dit qu’il fallait faire quelque chose. En premier lieu les USA qui ont établi le plan Paulson consistant à injecter 700 Mrd$ pour stabiliser l’ensemble.

Le plan européen est d’une autre nature ?
Il consiste à considérer qu’il faut rétablir les liquidités inter-bancaires pour redonner de la confiance. Les Pouvoirs Publics vont créer une centrale de refinancement dont le capital sera détenu par les banques et l’Etat (50 Me environ pour 34 % du capital). Elle pourra émettre des obligations que les institutionels, comme les assurances, pourront acheter sous forme de papier. Tout cela apportera du cash, environ 320 Mrde.

Cependant que l’Etat mette la main à la poche fait débat ?
Mais ça ne va rien coûter aux caisses de l’Etat. Il s’agit d’un prêt qui ne sera aucunement financé par l’impôt.

Mais ce rôle de “refinanceur”, n’est-ce pas à la BCE (Banque Centrale Européenne), de le jouer ?
La BCE ne refinance qu’à moins d’un an. Au delà, il faut trouver une solution. Ainsi, avec cette centrale de refinancement, si les banques ne disposent pas de liquidités parce que la vitesse de prêt est plus rapide que celle de la collecte, elles iront chercher ce qui leur manque sur le marché monétaire. Ce prêt sera garanti par l'État moyennant un coût pour la banque. On pense qu’avec ce système, la confiance va revenir. Les banques vont à nouveau se prêter entre elles et donc financer l’économie.

Quelles sont les chances de succès ?
Bonnes mais il y a un problème de forme. Dès qu’une banque va s’adresser à cette centrale de refinancement, la presse va s’intéresser à son cas en se demandant pourquoi cette banque a besoin d’argent. Les médias risquent de créer un climat de suspicion : “la banque ne cache-t-elle pas des choses pas très propres dans son bilan ?” Le Crédit Agricole a connu pareille mésaventure alors que notre quota à la BCE n’a jamais été utilisé pour faire face à la crise.

Vous ne pouvez pas nier cependant que les caisses régionales du Crédit Agricole ont été sollicitées dans le cadre d’une opération de recapitalisation ?
Ca n’a strictement rien à voir. Nous avons été amenés à passer des dépréciations pour des raisons comptables. Ce ne sont pas des pertes. On a provisionné par volonté de prudence, nous avons toujours les titres en poche. Si la situation s’améliore, ils pourraient n’avoir rien perdu de leur valeur. Et dans ce cas, la presse pourrait s’en prendre encore aux profits réalisés par les banques

Vous semblez en vouloir aux médias ?
La presse a un grand rôle pédagogique à jouer. Mais on peut aussi parallèlement mesurer jour après jour, grâce à notre centrale d’appels téléphoniques, les contrevérités qui sont jetées en pâture. Alors oui, au delà de la crise financière, il nous faut aussi gérer les dérapages médiatiques et toujours répéter que les banques européennes, et plus particulièrement les banques françaises, sont très bien capitalisées.

Vous êtes donc en bonne santé mais que dire à un ménage à qui vous refusez un prêt habitat ?
Le financement de l’habitat, avant, c’était quoi ? Les frais de notaire (6 %), vous les payiez et et vous deviez disposer en plus de 10 % d’autofinancement. La banque vous prêtait le reste sur 20 ans et ça marchait. L’économie virtuelle nous a fait sortir du bon sens. Avant la crise, on allait jusqu’à financer la totalité, frais de notaire inclus, avec en plus la brouette et la clôture pour le jardin, le papier peint et même la voiture sous couvert d’un prêt habitat... Il faut revenir aux fondamentaux.

Quelles conséquences sur le marché global de l’immobilier ?
On assiste à un ralentissement des courants d’affaires. L’acheteur considère que les prix sont à la baisse. Le vendeur reste sur son estimation réalisée 6 mois auparavant. Pour se mettre d’accord, il faut donc laisser le temps à la négociation : 2 mois, 3 mois...

Et quid de celui des “actions”  ?
On a mélangé l’affectif avec les affaires. La valeur des actions ne reflète absolument pas l’état de santé des entreprises. Et ce marché peut continuer à baisser jusqu’au jour où les fonds de pension américains vont se dire : “il y a des affaires à faire”. Jusqu’au jour où ils vont revenir dans le jeu.

Et l’agriculture dans tout cela ?
Il va falloir s’habituer à la volatilité des prix agricoles dans tous les sens et ce n’est pas simple. 250 e le blé l’an dernier à cette époque, 125 e cette année !
Cependant, l’année 2008 se caractérise par des chiffres d’affaires en hausse. Conséquences : investissements dans du matériel et dans une moindre mesure dans du foncier. A la fin de l’année, on aura pulvérisé le montant des prêts à l’agriculture. Cela s’explique aussi pour des raisons fiscales mais les agriculteurs ne font pas n’importe quoi. Ils savent que la volatilité des prix touche également les intrants. Il suffit de regarder le prix des engrais. Les niveaux de prévisions vont donc être de plus en plus difficiles à établir. L’agriculteur est condamné à devenir un très bon gestionnaire car il disposera de moins de visibilité. Cela nous conforte dans notre mission d’accompagnement.

Sommes-nous menacés in fine de récession économique ?
C’est de toute façon la crise économique qui représente la menace la plus grave. L’activité commerciale ralentit avec les conséquences habituelles : tension sur les prix, chômage (...) pouvant entraîner une montée de la violence dans les grandes villes. Je suis pessimiste sur ce point. Globalement, il faut se serrer la ceinture en attendant que la confiance revienne.

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