Aller au contenu principal

Interview
Crise laitière : pas de grève européenne, mais renégocier !

Nicolas Robillard est producteur de lait à Janville, dans le Pays d’Auge, en EARL. Samuel Enguehard est installé à Sainte-Marie-Outre-l’Eau, dans le Bocage virois, en Gaec. Réactions croisées des deux éleveurs sur la crise laitière.

A.N. Que pensez-vous de l’accord signé par la FNPL ?

Nicolas Robillard : Je pense qu’il a été signé trop vite, et qu’on ne nous a pas assez consulté. Selon moi, ils ont carrément fait des c... Ce n’était vraiment pas la peine de signer à ce prix-là. Et nous maintenant, on en subit les conséquences. On ne peut même pas dégager de revenu, et puis j’ai fait une mise aux normes et je me demande comment je vais la payer. 

Samuel Enguehard : A 280 €, on va droit dans le mur ! Ce n’est donc pas un bon accord. Personnellement, je pense qu’il faut renégocier au plus vite à 340/350 €  pour au moins couvrir les coûts de production. Je n’assume pas du tout cet accord. Y a-t-il eu pression sur la FNPL pour que celle-ci le signe ? La question mérite d’être posée. Mais ça va être dur de faire machine arrière maintenant.


A.N. Le prix de revient varie d’une exploitation à l’autre. Quel est le vôtre ?

Nicolas Robillard : Je n’ai pas encore fait le calcul, mais je sais que par rapport à l’année dernière, il manque gros. Il nous manque 3 à 4 000 €  par mois !

Samuel Enguehard : Je ne connais pas mon prix de revient, mais c’est clair, à 280 € , on perd de l’argent. Il faut prendre en considération les mises aux normes à rembourser, l’augmentation du prix des aliments et du fuel, ajoutée à la diminution du prix du litre de lait, des céréales etc. Ça fait beaucoup !

A.N. Et la grève du lait, pour ou contre ?

Nicolas Robillard : Moi, personnellement, je sais que je ne la ferai pas. Je suis jeune agriculteur, il n’y a pas longtemps que je me suis installé et j’ai mon bâtiment à rembourser. Dire que c’est la bonne solution peut-être mais on ne sait pas combien de temps elle va durer, et si cela portera ses fruits. Moi, pour l’instant, je doute. Sur deux ou trois jours à la rigueur, sinon...

Samuel Enguehard : Complètement contre. Imaginez, si à la fin du mois, je me rends chez mon banquier et que je lui dis de se passer de mes annuités, il ne va pas être d’accord. Et puis, par principe, si je me lève le matin pour traire mes vaches, ce n’est pas pour mettre le lait dans le caniveau. Chacun pense ce qu’il veut, mais le lait, tout le monde en a besoin.

A.N. Voyez-vous une solution alternative ?  

Nicolas Robillard : Bonne question, renégocier en France me paraît difficile. Mais il faudrait revenir au système des quotas, sinon ce sera la fin pour nous ! Avec une gestion exploitation par exploitation.

Samuel Enguehard : On évoque la contractualisation mais on sait très bien ce qui va se passer. Les contrats passés ne seront pas les mêmes d’un producteur à l’autre, et cela risque d’engendrer des tensions entre voisins. On doit cultiver l’entente entre les agriculteurs. 

A.N. Comment vous sentez-vous face à cette crise : résigné ou révolté ? 

Nicolas Robillard : Révolté. Mais de toute façon, on a plutôt intérêt à faire attention aux achats, parce que depuis quatre mois, on survit presque.

Samuel Enguehard : Révolté également. C’est vrai que le moral est en berne. On se lève le matin, on traie pour gagner quoi, rien du tout. On fait beaucoup d’heures dans une journée, et de l’autre côté, rien ne rentre. Ça va aller un moment, mais après...



 

 

A.N. Et la diversification ?
Nicolas Robillard : C’est à voir, après. Soit d’ici à la fin de l’année, ça s’arrange, ou alors... La diversification, on en parle, mais il faut considérer aussi la charge de travail supplémentaire. J’attends de voir comment cela va évoluer. 
Samuel Enguehard : Diversifier, diversifier... Ce n’est pas évident ! Oui, on peut dire que je me diversifie un peu dans la vente directe de la viande. Pour éviter les intermédiaires. Mais c’est du travail en plus. C’est toujours un atout, mais ça reste un tout petit créneau. Et dans le Bocage, terrain très valonné, pas question de se diversifier dans les céréales !

 

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout l'Agriculteur Normand.

Les plus lus

Les organisateurs ont présenté l'affiche officielle et le programme, lundi 25 mars 2024 à Lisieux.
La foire de Lisieux de retour ce week-end du 6 et 7 avril 2024
Habituellement organisée début mai, la Foire de Lisieux revient dès le 6 et 7 avril 2024 pour cette nouvelle édition. Au…
GAGNEZ 2 PLACES POUR LE MATCH SM CAEN - VALENCIENNES FC
Jeu concours pour aller encourager votre club normand au stade d'Ornano !
Un accord a été signé pour 425 €/1 000 litres en moyenne nationale sur les quatre premiers mois de l'année. Les discussions continuent sur la formule de prix.
Accord avec Lactalis : le combat de l'Unell continue
Après plusieurs semaines de tensions et d'incertitudes, depuis décembre 2023, l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis (…
Le nouveau bureau de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait) a été élu. Il est présidé par Yohann Barbe, producteur dans les Vosges.
Ludovic Blin et Benoit Gavelle, deux Normands dans le bureau de la FNPL
Depuis le 9 avril 2024, en succédant à Thierry Roquefeuil, Yohann Barbe devient le nouveau président de la FNPL (Fédération…
Hervé Morin, président de la Région Normandie et Clotilde Eudier, vice-présidente de la Région en charge de l'agriculture, ont été accueillis chez Romain Madeleine, éleveur à Le Molay-Littry pour présenter le plan "reconquête de l'élevage allaitant", en présence de Nicolas Dumesnil (tout à gauche), président d'Interbev Normandie, et en présence du maire, Guillaume Bertier (au micro).
La Normandie à la reconquête de l'élevage bovin
C'est sur l'exploitation de Romain Madeleine, éleveur installé à Le Molay-Littry (Calvados) que la Région Normandie a lancé son…
Deux jours après avoir exposé son projet de loi d'orientation agricole, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, est venu dans la Manche à la rencontre des éleveurs, des jeunes et des responsables agricoles.
[EN IMAGES] Marc Fesneau à l'écoute des jeunes et des éleveurs
Le 5 avril 2024, le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, s'est déplacé pour la première…
Publicité