Cultiver l’avenir dans l’Orne
Xavier Beulin était à Alençon lundi soir. Le président de la FNSEA a participé à la table ronde organisée par la FDSEA de l’Orne dans le cadre de son assemblée générale. Le leader syndical s’est livré sans tabous et a réagi aux propos des représentants de Lactalis, d’Agrial ou de France Export Céréales. Tous ont tenté de répondre au thème imposé : “Dans un contexte de crise actuelle. Donnons des perspectives à l’agriculture ornaise”.

llll Quatre experts ont échangé à la table ronde initiée par la FDSEA de l’Orne : Xavier Beulin (président de la FNSEA), Jean-Pierre Langlois-Berthelot (président de France Export Céréales), Serge Moly, (directeur des approvisionnements du groupe Lactalis) et Michel Oriac (directeur des productions animales de la coopérative Agrial). Retour sur les sujets abordés.
Conjoncture et sortie du tunnel ?
Jean-Pierre Langlois-Berthelot :
“La demande des produits de grandes cultures est là. Elle est forte. Par contre, le prix s’arbitre au niveau international. Nos coûts de production n’en décident pas. Les marchés existent. Cependant cette année, nous n’avons pas bien su les prendre collectivement”.
Serge Moly :
“Le groupe Lactalis est présent sur une quarantaine de pays en terme de collecte. Mais n’attendez pas de lui une prévision sur l’issue de cette dégradation économique. Les prix du lait retrouveront de l’embellie quand l’offre sera au niveau de la demande mondiale. Il y a aujourd’hui un déséquilibre. Plutôt qu’une date, il faut connaître les leviers pour encadrer cette production laitière. On ne peut pas vivre sans un peu de régulation”.
Michel Oriac :
“Les réponses ne sont pas les mêmes selon les secteurs. Sur les céréales, nous avons des soucis de stockage. Le marché porcin est, lui, plutôt stable en Europe, mais nous avons une production qui a augmenté de 3 % en 2015. Sur le dossier de l’embargo russe, nous ne sommes pas très optimistes. La Russie investit massivement dans sa production et devient de plus en plus autonome. Enfin globalement, nous avons une population mondiale et une demande croissante”.
Xavier Beulin :
“Les parités monétaires jouent énormément sur la compétitivité. Elle est aujourd’hui favorable avec le dollar. Mais quand le Brésil dévalue sa monnaie, nous sommes impactés. Sur l’embargo russe, François Hollande semble assez optimiste pour le premier semestre. On verra s’il a raison ou pas. Mais, ne nous faisons pas d’illusion. Au niveau de leur économie et du rouble, je ne suis pas certain que l’effet soit si important. On sait qu’on ne reviendra pas en arrière. Autre élément dont il faut parler : les cours du pétrole. Nous avons aujourd’hui une corrélation avec le prix des matières premières. Le comportement de nos clients du bassin méditerranéen en est influencé. Leurs rentes pétrolières baissent. Ils se referment sur eux-mêmes. L’Algérie vit notamment du gaz et n’a plus de rentrée d’argent”.
Quels outils pour gagner des marchés ?
Serge Moly :
“La compétition européenne et internationale est extrêmement forte. Nous ne sommes pas dans un monde de bisounours. Il y a 5 ou 6 acteurs qui représentent 50 à 60 % de la collecte et de la transformation laitière en Europe. La compétitivité prix doit s’adosser à la traçabilité. Un litre sur deux est valorisé sur le territoire national. Mais, nous devons aussi convaincre les consommateurs extérieurs de l’excellence de nos produits. C’est la loi de la concurrence”.
Jean-Pierre Langlois-Berthelot :
“Quand j’entends un ministre de l’agriculture nous expliquer que la meilleure stratégie pour demain est de moins investir, je me dis qu’il faut travailler contre les pressions adverses. Il n’y a pas de modèle unique. Les outils de la PAC doivent permettre aux entreprises de mettre en place leur projet. Pour cela, ils doivent avoir une visibilité à terme. Nous sommes l’un des pays avec les plus fortes contraintes. Est-on si certain qu’on veut moins de nitrates et de pesticides ? Les médias ont un discours négatif sur les outils que nous pouvons utiliser. Regardons les pratiques d’autres nations européennes ! Nous avons besoin d’égalité”
Xavier Beulin :
“Les pouvoirs publics reconnaissent que nous avons beaucoup surtransposé les normes européennes. Cela ne signifie pas qu’ils agissent. On ferraille sur le sujet depuis des mois et des mois. On vient donc de mettre en place, sous l’autorité du premier ministre, un comité pour simplifier ces normes. Des propositions concrètes seront faites. L’objectif est de nous remettre dans les normes européennes.
Sur le dossier européen, le commissaire nous autorise à nous parler entre producteurs et laiteries pour diminuer la production laitière. Mais, si cette décision n’est pas partagée par nos voisins, on ne va pas se faire hara-kiri. Si la politique n’est pas dotée de moyens incitatifs, elle n’aura aucun effet.
Au niveau de l’exploitation, nous avons également besoin d’une fiscalité pluriannuelle. L’idée n’est pas de s’affranchir de l’impôt, mais de lisser les hauts et les bas”.