portrait
De comptes en contes ou histoire d’un banquier devenu écrivain
Il n’a pas eu la patience d’attendre le gong libérateur de la retraite professionnelle pour épancher sa soif d’écriture. Ancien cadre dans une banque agricole et mutualiste, Michel Delaunay revendique et assume son nouveau métier. Il vient de sortir son premier roman “Le mystère de la Roche d’Oëtre” aux Editions de l’Ornal. Rencontre.



C’est Jules Verne qui l’a ouvert à la lecture. “A la fin de la 6e, j’avais bouffé toute sa bibliographie”, se souvient Michel Delaunay. Une lecture presque en catimini “la nuit, à la lampe électrique au fond de mon lit.” Non pas que l’œuvre fut à l’époque jugée pernicieuse par un père “patriarche” mais parce qu’en ces temps où la télévision couleur s’invitait timidement à la campagne, il fallait se coucher tôt pour se lever tôt. C’est donc en “off” qu’il va lire. En “off” qu’il va écrire aussi. “De la poésie dès la 7e !” Drôle de passe temps pour un fils de paysans de Pointel, près de Briouze, dans l’Orne. Une façon peut-être de se déshiniber. “On est timide quand on est fils de paysan. A 14/15 ans, j’étais plutôt un ours”. Mais l’ours va se sociabiliser.
Bac littéraire puis 25 ans de banque
Rebelle, il a toujours su qu’il ne serait pas agriculteur. Son bac littéraire ne constitue d’ailleurs pas le chemin le plus direct pour chausser les bottes, monter sur le tracteur ou traire les vaches. Pas le temps de rêver pour autant. Après le bac, il lui faut travailler pour gagner sa vie. Il met le pied dans une banque verte, le Crédit Mutuel, où il va emprunter l’ascenseur social au gré des changements d’affectations (Moulins-la-Marche, Ste-Gauburge, Villers-Bocage, Falaise, Douvres-la-Délivrande, Caen...). “Un métier fabuleux, un métier de rencontres !” Michel Delaunay ne renie en rien ses 25 années en costume cravate.
Mais “fatigué”, dit-il du chemin que prennent les banques, frustré de la plume même si elle est plus “souris” que “Sergent Major”, il va franchir le Rubicon. Il se sépare en bons termes de son employeur pour s’inscrire à la Société des Auteurs de l’Orne.
Il se retranche dans son havre de paix verdoyant du Mesnil-Gondouin, à portée de voix de la ferme d’antan. Une petite maison, perdue au fond d’un cul de sac, mais fière de ses pierres graniteuses et sans doute de son passé. C’est là que Michel, charentaises bien vissées aux pieds, affine sa plume, chien et chat pour l’accompagner dans ses voyages imaginaires.
Une rencontre puis 7 mois de plaisir
Mais écrire quoi ? De la poésie, en sonnets et alexandrins, comme il s’y exerce depuis longtemps ? “Ça ne paye pas !” Réflexe de banquier pas totalement repenti. C’est une visite au Mémorial de Mont-Ormel (61) et la rencontre avec son guide “passionné et passionnant” qui va servir de détonateur. Il va se souvenir aussi d’un vague film vu à la télé. Il y était question d’un fils de “collabo”. Il va mélanger le tout avec un zeste de Roche d’Oëtre. Sept mois de travail pour accoucher d’un roman et d’une histoire qui puise sa source dans le fracas de la fin de la poche de Chambois, en 1944, épisode quasi dantesque de la fin de la bataille de Normandie. “Un plaisir phénoménal. Une bagarre aussi avec une histoire dont on a parfois le sentiment de ne plus être le patron. Les personnages et les noms arrivent parfois par enchantement. C’est le cerveau gauche qui travaille”, confesse Michel Delaunay. Reste à ne pas tricher avec l’histoire avec un grand H. “C’est un gros travail de recherche. Tout ce qu’il y a dans mon roman est vrai,”assure-t-il. Beaucoup de témoins de cet épisode douloureux sont encore en vie. Ils pourront confirmer.
L’auteur et son éditeur
Michel Delaunay a envoyé son manuscrit à 5 ou 6 maisons d’éditions parisiennes. “Elles ne te répondent même pas”. Pierre-Marie Gautier, libraire alençonnais pendant 30 ans et fondateur il y a 3 ans des Editions de l’Ornal, a par contre été très sensible à cette histoire de la poche de Chambois. “Dans son livre solidement construit, instant après instant du 14 au 21 août 1944, Michel nous entraîne dans le sillage d’Etienne, contraint de servir de chauffeur au général Eberbach. Etienne rapporte ces faits avec une grande précision dans son journal, témoignage essentiel retrouvé quelques décennies plus tard par son fils Antoine. Heurts, bonheurs et drôleries surgissent aux détours des chemins nous plongeant dans le tohu-bohu de cette si meurtrière bataille entre les routes du bocage normand et du Houlme”. Antoine saura-t-il enfin s’il descend d’un traître ou d’un héros ?
En savoir plus
“Le mystère de la Roche d’Oëtre. Un drame au cœur de la bataille de Falaise Chambois“ (224 pages, 12,50 e) Editions de l’Ornal 35 rue St-Blaise 61 000 Alençon Tél. 02 33 26 95 52 ou 06 75 70 46 75 mail : delornal@neuf.fr
Site : delornal.com