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Produire du lait demain
Des coûts de production maîtrisés et une qualité de vie préservée

Face aux enjeux techniques, sociologiques, politiques et économiques, quels sont les attentes et les besoins des producteurs de lait bas-normands vis-à-vis de la filière machinisme pour les accompagner au cours de cette prochaine période ? Quinze d’entre-eux en ont débattu lors d’une table ronde organisée par Réussir l’Agriculteur Normand le 4 février dernier.

Défi environnemental, défi énergétique, réforme de la PAC et l’après 2013, nouvelles technologies, diminution du nombre de producteurs, agrandissement des exploitations, nouvelle organisation de travail, réduction des coûts de production, recherche de compétitivité... Produire du lait demain mérite une réflexion approfondie. Pour tenter de comprendre leurs attentes, 15 producteurs de lait du Calvados, de l’Orne et de la Manche se sont prêtés au jeu des questions/réponses. Une enquête nationale dont les conclusions seront rendues publiques en avril (voir encadré). En attendant et en avant-première : les résultats de la contribution bas-normande. Et si vous aussi souhaitez participer au débat, apportez votre commentaire à l’article . 

Globalement, quelles mesures comptez-vous prendre pour adapter votre exploitation dans les années à venir ?
Outre une volonté exprimée de passer en bio, les producteurs laitiers bas-normands se préparent à l’après quota. “Intensification mais pas n’importe laquelle”, précisent-ils globalement. Augmenter la production par vache mais aussi augmenter la taille du cheptel oui, “250 000 à 400 000 litres par UTH”, mais les yeux rivés sur les coûts de production (charges de structures, charges de mécanisation, coût alimentaire...). La rationalisation de l’atelier est incontournable d’autant plus qu’avec la fin de GAEC parents/enfants, la problèmatique main-d’œuvre est soulignée. Les pistes scrutées : trouver un nouvel associé, embaucher un salarié, déléguer en partie ses travaux (via l’ETA ou la CUMA désilage avec chauffeur)... A chacun sa formule.

Le choix du système de l’alimentation impacte le temps de main-d’œuvre ainsi que la consommation de carburant. Entre simplification ou automatisation, quel type d’évolution ? Pour quelle raison ?
La simplification, certains en ont déjà fait un principe en ne nourrissant, par exemple, leurs génisses qu’une fois par semaine. L’automatisation est aussi déja dans le pré ou sous les stabulations comme le podomètre: “25 % de chaleurs détectées en plus”. Globalement, “tout capteur de données et outil d’aide au diagnostic”, suscitent l’intérêt. Un bémol cependant : “l’automatisation doit être efficace et simple d’utilisation pour pouvoir se faire remplacer facilement”. Autre innovation proposée : “la mélangeuse électrique avec son tapis d’alimentation électrique aussi”. Du temps de gagné et un moindre coût énergétique, espère-t-on.

Vers quel type de matériel de distribution de l’aliment souhaitez-vous orienter : robot d’alimentation, mélangeuse automotrice , mélangeuse traînée , désileuse simple, libre-service (...)?
Un constat s’impose d’emblée,  le libre-service n’est plus. “A cause de la mise aux normes des bâtiments d’élevage mais peut-être aussi parce que ce choix technique n’intéressait guère les vendeurs de matériels d’élevage”, s’interroge un éleveur. Au-delà de ce coup de griffe, on retrouve dans les exploitations laitières bas-normandes tout type de matériel de distribution et plus particulièrement la remorque mélangeuse traînée. Quant à l’équipement de demain, “objectif : démarrer le moins possible les moteurs”, insiste un adepte de l’automatisation. Le godet désileur (monté sur chargeur ou téléscopic avec éventuellement un système de pesage) a également le vent en poupe.

Êtes-vous prêt à investir dans du matériel de distribution de l’aliment en Cuma ? Avec salarié ou pas ?
“Oui, c’est en cours de réflexion,” pour un des 15 éleveurs du tour de table très actif au sein du réseau CUMA mais plutôt “non” pour les autres. “Finir de soigner les bêtes à 15 h, c’est pas terrible. Il reste tout le travail préparatoire à faire et celui du nettoyage des tables d’alimentation après. Il y a le problème du chauffeur (...),” entre autres arguments presque rédhibitoires.

Matériel de traite : vers quel type d’équipement ? Robot de traite, salle de traite rotative, autres types (traite par l’arrière, en épis ou autres) ?
Du 2x4 au 2x9 en passant par le robot et le roto, on trouve de tout dans les salles de traite bas-normandes. Après un tour de table, il ressort clairement qu’elles vont toutes évoluer et augmenter leur capacité surtout en adaptant l’existant. Pour le reste, le robot séduit pour des questions de “qualité de vie” mais aussi pour des raisons sociales “un robot, ça ne conteste pas”. Une technologie freinée cependant par son “prix, ses contraintes en terme de nombre de vaches pouvant être traites et ses limites vis-à-vis de certains modes fourragers comme le pâturage quand on ne dispose pas d’un parcellaire groupé autour de la salle de traite”. Le roto reçoit un écho favorable dans un cas mais est remis en cause par le seul éleveur qui en est équipé pensant désormais “plus robot pour des questions de main-d’œuvre”. 

Système maïs ou gestion de l’herbe, votre choix et pourquoi ?
Au pays de l’herbe, le maïs tient la dragée haute. Même pour ce producteur bio qui est passé de 25 ha de maïs à 5 ha mais qui “a du mal à s’en passer” de son propre aveu. Un autre producteur conventionnel, qui envisage une reconversion en AB, pourrait être amené à faire moins, voirs plus du tout, de maïs. 
Pour les autres, le maïs c’est un peu l’assurance tous risques : “régularité de la production laitière toute l’année. Le pâturage, c’est pas facile à gérer en plus il faut déplacer les clôtures. Même l’été, on a besoin de maïs. C’est pas toujours facile de faire du foin de bonne qualité en Normandie...” La tendance serait donc plutôt au statu quo entre les surfaces herbe et les surfaces maïs. 

Pensez-vous externaliser la culture du maïs (délégation de travaux : ETA, Cuma avec salariés...) ?
“Non,” affirment ceux qui sont bien équipés et qui ne sont pas confrontés à des problèmes de main-d’œuvre. “Pourquoi pas ,” répondent les autres en écho avec cependant un bémol sur les interventions phytosanitaires.

Si herbe, pensez-vous faire appel davantage à l’entreprise, Cuma ou investir dans du matériel spécifique récolte foin et ensilage de l’herbe ?
Les avis sont beaucoup plus tranchés sur le dossier herbe. Quasiment pas d’intentions exprimées de déléguer ses travaux. Les chantiers de récolte sont trop conditionnés aux conditions météo. Par contre, des investissements dans la chaîne verte avec des matériels de très grande largeur pour gagner du temps “et gagner en qualité de fourrage” sont programmés à court et moyen terme.

La formule “ensilage clé en main” (entrepreneur avec auto-chargeuses ou avec ensileuse et bennes) vous apparaît-elle une solution moins contraignante en termes de main-d’œuvre et de logistique ?
Bien sûr que c’est moins contraignant, ce n’est pas pour autant qu’on l’adopte. “On se posera la question dans quelques années”. Evoqué quand même le problème des remorques avec des ensileuses à débit de chantier de plus en plus impressionnant. En filigrane, des interrogations sur la qualité du tassage. Dans cette approche de l’organisation de chantier, l’entraide reste une valeur sûre mais aussi ambiguë : “c’est un moment de convivialité où l’on peut se rencontrer entre agriculteurs mais c’est aussi autant de corvées qu’il faut rendre”. Une demande précise enfin : “à quand l’invention d’une machine à couvrir les silos ?”

Du fait de l’augmentation des coûts de l’aliment, avez-vous l’intention de revoir votre assolement dans l’optique de produire vous-même les aliments complémentaires ?
Dans ce groupe de laitiers, plusieurs ont essayé le méteil mais ont rebroussé chemin au point de refroidir ceux qui étaient tentés par l’expérience. Mais d’autres pistes sont empruntées ou empruntables : le RGI (Ray-Grass d’Italie) en dérobé, la luzerne, le trèfle, la betterave, le tourteau de colza, le pois... Si de façon générale, “plus d’autosuffisance alimentaire” plaît à une majorité, tout dépend en fait du prix des céréales. Autre paramètre: “fabriquer son aliment fermier, c’est aussi une astreinte supplémentaire”. 

Le regroupement d’exploitations laitières peut engendrer une spécialisation des compétences : un Monsieur plus lait, un Monsieur plus culture, un Monsieur plus machinisme ? Que pensez-vous d’un tel schéma ?
Trois fois “oui” pour des questions d’optimisation des performances techniques et commerciales mais à une condition : que chacun sache aussi faire le travail de l’autre. Mais pour que ça marche, il faut communiquer et “il nous faut parfois un simple local ou un bureau pour échanger entre associés”, fait remarquer l’un d’eux.

Êtes-vous intéressé par les techniques culturales simplifiées (non labour) ?
Une réponse à la Annie Cordy : “je voudrais bien mais j’peux point”. Avec le plan Ecophyto, le non labour fait peur du côté de la maîtrise des adventices.

Certains éleveurs conservent un panel de tracteurs sur l’exploitation. Dans le cadre d’une optimisation du parc, êtes-vous prêt à aller vers une utilisation des tracteurs de tête à travers une Cuma, en co-propriété, achat d’occasion ou location saisonnière ?
“La location, ce n’est pas dans la stratégie des concessionnaires”. Pan sur le bec des distributeurs. Le tracteur de tête en CUMA ? “Oui si le matériel qui va derrière est aussi en CUMA”. Mais, au fait, c’est quoi un tracteur de tête ? Certains considèrent que c’est celui qui sert tous les jours. Ce n’est donc pas forcément le plus puissant : “pour moi, c’est mon téléscopic”. “Et pourquoi pas un seul et unique tracteur ?”, suggère son collègue. A noter enfin que les questions fiscales se mêlent au débat.

Qu’est-ce qu’un tracteur polyvalent en production laitière selon vous ?
Le téléscopic revient dans la conversation. “Quand mon associé le prend, je suis perdu !”. On lui reproche cependant ses manques. “Il lui faudrait un relevage et une prise de force”. Quelque chose qui se rapproche du tracteur avec chargeur frontal in fine.

Lors des contrôles des pulvérisateurs, beaucoup de matériels s’avèrent obsolètes. Quelle stratégie d’investissement ou d’organisation : matériel économique, occasion, Cuma, ETA, co-propriété ?
“Faux, rétorquent les laitiers bas-normands. Nos pulvérisateurs ne sont pas obsolètes”. Dont acte mais s’il fallait en changer ? “En dessous de 200 ha, on peut avoir ce genre d’équipement en CUMA ou en co-propriété”. Quant à la délégation à l’entreprise, une majorité n’est pas prête mais une  minorité indique que certaines entreprises “pourraient se spécialiser dans ce domaine avec du matériel très performant et faire mieux que moi”.

Depuis plus de dix ans, les constructeurs vous ont apporté des éléments de confort et d’ergonomie sur l’ensemble des matériels automoteurs (tracteurs et machines de récolte). Êtes-vous dans l’attente de progrès supplémentaires et donc prêt à payer un coût supplémentaire pour cela ?
“Un pont avant suspendu, une bonne boîte y compris en petite puissance, un inverseur, un bon siège et une bonne visibilité”. Voilà les qualités attendues du tracteur de demain duquel on monte et on descend facilement sans “heurter le rétroviseur au passage”. Pas obligatoirement plus de sophistication mais une technologie utile et facile d’utilisation. “Un tracteur à la carte”, réclament aussi certains.

Souhaiteriez-vous intégrer les services accompagnant la vente de matériels ? Quels sont ceux qui vous semblent primordiaux : extension de garantie, contrat d’entretien, financement (système de crédit, facilité de paiement) ?
Le sujet qui fâcherait presque. “Il y a toujours des bricoles sur les tracteurs neufs”. Quant à l’extension de garantie, “qui en fait est de l’assurance” ou le contrat d’entretien, “ça manque singulièrement de transparence”. Reste le financement : “c’est pas leur métier !”

Pour mieux planifier vos charges de mécanisation, seriez-vous intéressé par des modalités de location, comme cela tend à se développer dans l’automobile ?
Déja répondu : “la location, les concessionnaires n’en veulent pas.” Ce qui ne semble pas gêner nos producteurs de lait. Par contre, “je veux savoir combien mon concessionnaire va me reprendre mon tracteur dans 5 ans”. On n’est pas à quelques centaines d’euros près. Il s’agit en fait d’optimiser la fiscalité. Gérer, c’est prévoir!

Le diagnostic de performance énergétique comporte un état des lieux de la consommation d’énergie directe et indirecte. Il permet d’identifier les marges de progrès et les actions que vous pouvez réaliser pour améliorer la performance énergétique de votre exploitation, de votre production, de votre matériel ou de vos bâtiments.
Êtes-vous prêt à vous impliquer dans ce dispositif pour améliorer vos charges de mécanisation et de carburant
?
Un dossier à la mode “que j’ai eu sur mon bureau mais que je n’ai jamais rouvert”, avoue l’un des participants. Alors certes, les économies d’énergie, on y pense comme avec le pré refoidisseur de lait. On demande également sur les tracteurs un indicateur de consommation instantanée comme sur les voitures. Autre remarque : c’est surtout avec une restructration parcellaire (échanges entre voisins) qu’il y a beaucoup d’économies à faire.

Pour un investissement en machinisme, quelles sont vos sources d’informations pour vous aider à choisir le matériel (marque, type...) ?
Ne boudons pas notre plaisir, la presse agricole départementale et ses suppléments techniques ont été bien évidemment cités. Du côté des salons, c’est partagé et souvent radical. “Tous les constructeurs sont concentrés en un même endroit, c’est la meilleure façon de comparer” d’un côté. “Les constructeurs sont là uniquement pour rincer leurs clients,” de l’autre. Le SIMA ne semble pas incontournable à contrario du SPACE qui s’impose. Normal chez des producteurs de lait avec Rennes accessible facilement par l’A 84. 
Au-delà de la marque ou du constructeur, il y a le distributeur. On sent bien qu’il constitue le maillon fort de la chaîne d’équipement. “J’achète plus un ! (ndlr : nom d’un concessionnaire) qu’un ! (ndrl : une marque),” en guise de clap de fin.

La presse agricole Réussir participe à la 7ème convention de la filière des agroéquipements
• La filière des agroéquipements représente les constructeurs, importateurs et distributeurs de matériels pour l’agriculture et les espaces verts, soit plus de 14000 entreprises, 45000 emplois et un chiffre d’affaires en 2008 d’environ 15 milliards d’euros. Depuis 1996, elle organise tous les deux ans une convention nationale où elle regroupe ses membres les plus actifs (membres des syndicats professionnels*).
Pour 2010, elle a choisi de tenir sa 7ème convention à Marseille, les 8 et 9 avril, en retenant comme thème : “Franchir les caps”. Pour les responsables d’AXEMA et du SEDIMA, cette convention, à laquelle participent près de 500 personnes, doit permettre “de rendre compte des défis et des enjeux que représente l’avenir de l’agriculture”. “ Elle sera orientée métiers et des responsables de tout premier plan donneront leur vision de l’agriculture sous des angles politique, économique, stratégique et syndical”. Le groupe de presse Réussir y participera en animant deux ateliers : les évolutions du secteur des grandes cultures ; le devenir du secteur élevage. Dans ce cadre, Réussir exposera les attentes et les besoins des agriculteurs, vis-à-vis du machinisme agricole, exprimés et recueillis lors des dix tables rondes organisées par les titres de la presse agricole départementale ou régionale, dans toute la France.
H. Garnier
*AXEMA : Union des industriels de l'agroéquipement ; SEDIMA : Syndicat national des entreprises de services et de distribution du machinisme agricole.

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