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Grosse colère
Des propriétaires de chasse dans le collimateur

A Orvaux, comme un peu partout dans la vallée de l’Iton, les sangliers sont légions. Et forcément, ils détruisent tout. Armel Marie, un agriculteur du secteur, n’en peut plus de cette situation. Et il prévient : “Je ne vais pas en rester là si rien n’est fait...”

Le maïs promettait d’être beau sur cette parcelle : voilà ce qu’il en reste !
Le maïs promettait d’être beau sur cette parcelle : voilà ce qu’il en reste !
© FC / L'Eure Agricole

Entre la forêt, les bosquets, les herbages et la plaine, l’harmonie de cette vallée de l’Iton semble être idéale. Seulement, le revers de la médaille, aujourd’hui, c’est la prolifération des sangliers. Rares sont, en effet, les communes de la vallée de l’Iton a ne pas être concernées par les dégâts du gros gibier et plus particulièrement du sanglier. Les agriculteurs du secteur sont, naturellement, en première ligne. Ils sont exaspérés. Armel Marie, agriculteur  d’Orvaux, est de ceux-là.

 

Prendre le problème à la racine

“Avoir du gibier dans nos forêts et le chasser, c’est bien. Mais, il faut savoir et vouloir vraiment le réguler pour ne pas qu’il nuise à son environnement. Malheureusement, aujourd’hui, les choses ne s’arrangent pas” explique l’agriculteur. “En fait, vu l’importance et le coût des actions de chasse dans ce secteur, c’est devenu un vrai business !  Pour contenter les actionnaires, on fait n’importe quoi pour avoir suffisamment de gibier à leur offrir. Jusqu’à agrainer sur place même si la pratique est interdite…() Résultat : ce sont toujours les agriculteurs qui en font les frais” dénonce Armel Marie.

La colère de l’agriculteur est d’autant plus forte que ce problème ne date pas d’hier. “Les années se suivent et se ressemblent. Les propriétaires de ces chasses se foutent totalement de leur environnement. D’un côté, ce sont les chasseurs qui paient, de l’autre les agriculteurs qui subissent les dégâts et qui paient. Voilà ! A partir du moment où l’on fera payer les propriétaires de chasse, ils seront obligés de réguler les cochons car cela leur coûtera trop cher de ne pas le faire.” Quant à l’action de la fédération des chasseurs pour limiter ces dégâts, Armel Marie sourit... “Sur ce dossier des dégâts, elle fait ce qu’elle peut avec les moyens qu’elle fait d’ailleurs payer aux chasseurs. La mise à disposition des clôtures est limitée et l’indemnisation des dégâts ressemble à du saupoudrage. On peut le comprendre vu l’importance des dégâts dans l’Eure. Non, le problème, il faut le prendre à la racine...”

 

Entre seigneurs et “saigneurs”

Pour Armel Marie “Des mesures s’imposent maintenant. Les propriétaires de chasse doivent prendre conscience qu’il y a des limites à l’irresponsabilité dans cette affaire. Et j’espère que les autorités compétentes suivront. Que les propriétaires arrêtent d’agir comme des “saigneurs” de la chasse car, au nom de leur amusement bien lucratif, ils saignent sans vergogne les agriculteurs qui n’ont, à leurs yeux, qu’un seul tort : celui de vouloir vivre de leur métier.” Et pan !

L’agriculteur-éleveur d’Orvaux n’est visiblement pas décidé à en rester à ce constat sans concession. “Vous savez, dans cette affaire, nous ne sommes pas les seules victimes de cette surpopulation de sangliers. Ainsi, dans le secteur, les accidents de la route sont de plus en plus nombreux à cause des sangliers. Il suffit de lire les faits divers dans les journaux locaux. Alors, au lieu de fermer les yeux face à la situation, je le répète, il faut que tous les acteurs agissent vite, et la préfecture en particulier. Pour nous, si rien ne se décide, nous mettrons sur pied une association de défense. Et il n’y aura pas que les agriculteurs pour s’y retrouver car nous ne sommes pas les seuls à nous plaindre de ces méfaits.”

 

Des pertes sèches

Il y a peu, une soixantaine de sangliers ont été vus, en plein jour, dans les cultures. C’est peu de dire qu’il y a surpopulation. Et quand des sangliers “entrent” dans une pièce de maïs ou de colza fraichement semée, le résultat est malheureusement “impressionnant”. Avec son troupeau de 700 brebis et ses cultures de vente, Armel Marie en est arrivé à organiser ses implantations en fonction des risques de dégâts. “Sur les 75 ha qui entourent mon corps de ferme, je ne peux plus aujourd’hui faire du maïs que sur une vingtaine d’hectares, et encore !”

Mais pourquoi implanter du maïs alors ? “Dans les années sèches comme celles que nous rencontrons, c’est une façon d’avoir un volume de matières fourragères intéressant.” explique Armel Marie. “Et nous sommes en période de sécheresse grave avec des incidences  dramatiques pour les élevages. Ainsi, depuis le 1er juillet, je nourris le troupeau comme en hiver car nous n’avons plus d’herbe. D’ailleurs, j’ai dû faire trois à quatre hectares de maïs supplémentaires en raison des conditions climatiques. Seulement, ce sont les sangliers qui ont tout mis par terre ! C’est une perte sèche de 3 à 4 000 €.”

Au-delà même des pertes qu’il enregistre sur son exploitation, Armel Marie ne supporte pas qu’un loisir comme la chasse se fasse au détriment de son métier. “En s’interrogeant sur le fait d’implanter telle ou telle culture dans ce contexte, on laisse supposer que c’est aux agriculteurs d’adapter leur production à la problématique du gibier. Vous trouvez cela normal que les agriculteurs (dont c’est le métier de produire) ne puissent plus le faire à cause d’une gestion pitoyable de la chasse ? Je vis de ce métier d’agriculteur et je compte encore en vivre longtemps...”


Le coût des dégâts...

Quand il y a dégâts du gibier, la facture pèse lourd au final pour l’agriculteur. “C’est encore pire dans les années de sécheresse que nous rencontrons. Car, la production dédiée à l’alimentation animale que nous n’avons plus, il faut la racheter afin de pouvoir passer l’hiver. Et là, en période de pénurie, c’est une vraie galère...” explique Armel Marie. “Les charges opérationnelles d’implantation d’un maïs tournent autour de 350€/ha (cela comprend le désherbage, l’apport d’engrais, le labour et le travail du sol, les semences, l’azote...). Quand l’indemnité pour dégâts est décidée, certains pensent que le problème financier est réglé. Seulement, c’est faire abstraction de bien d’autres contraintes liées à ces dégâts” C’est notamment le problème de l’après dégât, celui du maïs en particulier. “Quand les sangliers passent dans le maïs comme ils l’ont fait chez moi, il n’est   même plus possible de broyer ce qui reste car c’est totalement roulé. Et il est aussi impossible d’enfouir le reste de maïs car vous pouvez être sûr que les sangliers reviendront relever ce qui reste. Du coup, pour pouvoir réutiliser la parcelle, il me faut enlever le maïs détruit. Je passe donc la herse, je mets en tas, je charge dans une benne pour l’enlever. Toutes ces opérations ont un coût et il ne fait l’objet d’aucune indemnisation. Entre les 30€/ha de passage de herse, de 45€/ha de coût du chauffeur ou encore des 20€/heure du coût du chargeur, c’est l’agriculteur qui paie.”

FC

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