Drainage : un tuyau administratif à déboucher
Le drainage est victime de la loi sur l’eau de 2009. Dans l’Orne, les règles se durcissent. Drainer en zone humide n’est pas interdit, mais impose la rédaction d’une étude par un cabinet spécialisé. Ce surcoût, qui ne garantit pas l’autorisation, décourage les agriculteurs sur le terrain.

Dans l’Orne, la majorité des projets de drainage est bloquée par l’administration. Sur le terrain, cette situation est incomprise. D’autant plus que l’activité n’est pas nouvelle. Des drains sont présents depuis le 19e siècle. À Ecorcei (61), la CUMA de drainage de la Risle et l’Iton existe depuis les années 70. Les anciens avaient trouvé leur solution pour s’adapter aux terres humides du pays d’Ouche. Avec ce limon battant sur une argile à silex, l’eau stagne. L’activité drainage s’est donc développée. Elle a même été encouragée par le passé. “Dans les années 80, les agriculteurs bénéficiaient de subventions”, rappelle Laurent Cousin, président de la CUMA. La structure travaille aujourd’hui sur la moitié Est de l’Orne. Elle draine 250 à 300 hectares par an. Cependant, ce chiffre risque de sérieusement s’éroder. “Nous traitons actuellement les dossiers déposés avant le durcissement des autorisations”. En cause : la loi sur l’eau de 2009. Cette dernière insistait sur la préservation des zones humides. “Jusqu’en 2012, 70 % des déclarations d’intention de drainage étaient acceptés. Avec les hivers humides, une augmentation des demandes a été enregistrée. Alors depuis 2014, des agents sont systématiquement envoyés sur le terrain pour sonder les sols. L’application de la loi a été brutale. En 2014 sur 800 hectares demandés, 38 % ont été accordés”, explique Laurent Cousin. Sur le secteur de la CUMA, le ratio s’avère même inférieur. Sur 300 hectares, 50 ont été validés. Désormais pour chaque cas, un agent de l’ONEMA et un second de la DDT se déplacent. “Il y a eu un progrès dans le sens où les agriculteurs sont prévenus avant...”
Un dossier supplémentaire au prix du drainage
Subtilité, aucun dossier n’est refusé. Cependant, des études sur la faune et la flore sont exigées. Ces éléments ont un coût : l’équivalent du prix du drainage sans garantie de résultat. Et les études peuvent déboucher sur des mesures compensatoires à l’instar des constructions d’autoroutes. “Les agriculteurs ne prennent donc pas le risque de constituer un dossier”, indique Marc Gégu, membre de la CUMA.
En zone humide, les règles sont plus strictes. De 1000 m2 à un hectare, le drainage est soumis à déclaration, puis à autorisation au-dessus de un hectare. Hors zone humide, ces seuils sont nettement plus élevés. Drainer 20 ha n’y nécessite qu’une information. La déclaration est obligatoire de 20 à 100 ha. Enfin le drainage n’est soumis à autorisation qu’à partir de 100 hectares.
La définition des zones humides ne satisfait pas
les agriculteurs
Avec des règles extrêmement hétérogènes, le classement de certaines parcelles en zone humide interroge certains agriculteurs. “On ne comprend pas toujours le classement. Dans les fonds de vallées, bien sûr, il s’agit de zones humides. Mais sur les plateaux ou à mi-pente, le classement semble parfois excessif. À Ecorcei, des parcelles situées à 150 m d’un château d’eau placé sur un point culminant sont considérées comme zone humide. La définition se base sur l’intensité des traces de rouilles. Mais, nous avons un sol naturellement riche en fer”, détaille Laurent Cousin. Les négociations semblent néanmoins ouvertes. La Direction départementale de l’Agriculture a mis en place un groupe de travail. Reste à la profession de convaincre. La procédure sera longue (lire l’interview de Sylvain Delye).