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Ecophyto : savoir plus, risquer moins

Si Ecophyto II succède à Ecophyto I, la philosophie reste inchangée mais selon un calendrier revisité. L'objectif de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires est fixé à - 25 % en 2020 et - 50 % en 2025. A l'échelon national (APCA) et à l'échelon régional (CRAN), ce programme suscite des débats. «L'objectif initial n'a pas été atteint à ce jour à cause d'une inertie naturelle mais il faut enfoncer le clou de ce qui existe déjà», a rappelé il y a quelques jours Daniel

llll 120 personnes se sont déplacées au lycée agricole du Robillard (14) pour améliorer leurs connaissances sur les risques liés à la manipulation des produits phytosanitaires et sur les pratiques économes en phytos le 8 novembre lors de la 3ème édition du Colloque Ecophyto.Organisée par la Chambre régionale d'agriculture de Normandie, en partenariat avec les DRAAF de Normandie, cette journée s'est articulée autour de l'alternance de séances plénières et d'ateliers techniques. Les intervenants dans le domaine de la santé ont pu faire part de leur expertise. Le témoignage d'agriculteurs a également permis d'aborder les techniques économes en intrant au cours de cette journée. Synthèse.


Les nouvelles orientations du plan Ecophyto 2
llll Après un bref rappel des principes et de l'historique de la première version du plan Ecophyto, Vincent HEBRAIL (chargé de projet ECOPHYTO au Ministère de l'Agriculture) a souligné la force des actions structurantes qui ont été construites. La dynamique enclenchée par les acteurs régionaux et locaux a abouti à de nombreuses initiatives sur le terrain. « Le certiphyto, les bulletins de santé du végétal, les dispositifs FERMES et EXPE DEPHY, le portail de la protection intégrée des cultures EcophytoPIC, les actions en zones non agricoles, la communication montrent une réelle mobilisation des professionnels, » argumente-t-il.
Loin d'être un échec, le plan Ecophyto 1 sert de base pour la seconde version du plan publiée depuis fin octobre 2015. Ce plan Ecophyto 2, dont la gouvernance est remodelée pour plus de cohérence et de facilité, renforce les actions existantes et en propose de nouvelles pour aborder la réduction des produits phytosanitaires selon tous les axes possibles. L'une des grandes ambitions de ce plan Ecophyto 2 est « d'aider les collectifs d'agriculteurs à se former, de les accompagner et de leur permettre d'investir pour mettre en oeuvre les pratiques qui en découlent».

Expositions aux pesticides et santé : la recherche au service de résultats concrets
llll Depuis 2005, l'étude AGRICAN compare l'apparition de différents types de cancers au sein de deux populations : l'une d'agriculteurs et l'autre de citadins. Cette étude, toujours en cours, montre que la population rurale a une meilleure espérance de vie que la population générale. Cependant, la cohorte d'agriculteurs est sujette à des cas plus fréquents de cancers de la peau et des lèvres, ainsi qu'à des lymphomes et myélomes multiples. Les facteurs de risque mis en évidence sont souvent liés à l'absence de protection lors des phases de manipulation des produits de traitement. Pierre LEBAILLY (chercheur au Centre régional de lutte contre le cancer F. Baclesse, INSERM, université de Caen) relate également le cas du glyphosate, herbicide systémique utilisé en agriculture comme par les particuliers. Aujourd'hui suspecté cancérigène, ce désherbant a en effet vu son utilisation passer de 4 000 tonnes en 1987 à 80 000 tonnes en 2007 aux Etats-Unis, favorisé par le développement des OGM.

La gestion des adventices en système non labour: retour sur 6 ans d'essai à l'échelle du système
llll En système non labour, Rémi PELTIER (agriculteur à Guêprei-61) a cherché les solutions à mettre en place dans son système pour gérer la problématique graminées et prévenir les phénomènes de résistances. Accompagné de son conseiller Régis VECRIN (conseiller en agronomie et productions végétales à la Chambre d'agriculture de l'Orne) dans l'étude des facteurs favorisant le développement des adventices, ils ont conçu ensemble une nouvelle stratégie basée sur l'allongement des rotations (introduction de cultures de printemps), le développement du déchaumage et du faux semis, décalage de la date de semis des céréales. Malgré tout Rémi PELTIER insiste sur un point : «l'outil que je n'aime pas c'est le pulvé. Pourtant je me garde la possibilité du recours aux traitements chimiques si besoin. Mais dans ces cas-là, je veux avoir mis toutes les chances de mon côté pour ne pas avoir à revenir avec plus tard dans l'itinéraire cultural. »
En 6 ans, ses résultats très encourageants montrent une diminution de - 35% de son IFT par rapport à la référence régionale. « Après comparaison de mes performances avec la référence régionale et les références des agriculteurs du secteur, je vois que mon système est toujours en tête quel que soit le contexte de prix » indique-t-il. Il ajoute également que « malgré des rendements légèrement inférieurs à la référence locale, mes marges égalent, voire surpassent, celles de mes voisins ! ».

Quels leviers pour réduire l'utilisation des phytos sur des rotations avec des cultures industrielles ?
llll Lucie VIEL (animatrice du groupe de fermes DEPHY à Agrial) a rappelé qu'au-delà de l'optimisation des phytosanitaires et des moyens de réduction mobilisables à l'échelle de la parcelle, il est nécessaire d'envisager la réduction de ces produits à l'échelle globale. En binôme avec Frédéric LECERF (agriculteur à Moult-14) ils abordent les leviers mis en oeuvre chez lui : le choix de variétés résistantes aux maladies ou à la verse, le décalage de la date de semis des céréales, l'allongement des rotations, le désherbage mécanique, le recours au biocontrôle, les mélanges de variétés, les associations de cultures et l'utilisation d'Outils d'Aide à la Décision (OAD). « Sur blé, je pratique les mélanges de variétés pour sécuriser ma production » indique l'exploitant. « C'est vrai que le fait de mélanger les variétés n'augmente pas mes rendements par rapport aux variétés cultivées en pures. Mais lors d'un fort épisode de rouille ou de septoriose, savoir que ma culture en mélange résistera mieux à la maladie me rassure. Ça me permet d'éviter les accidents...et aussi de trop avoir à traiter ». Il se félicite également de ne plus appliquer d'anti-limace, car ces produits non-sélectifs déséquilibrent la faune auxiliaire de ses parcelles (comme les carabes) qui constituent une alternative naturelle aux insecticides. Lucie VIEL ajoute que « le collectif souhaite également étudier l'effet de bandes enherbées sur les populations de ce ravageur. Les agriculteurs du groupe ont remarqué avoir plus de limaces en bordure de chemin qu'en bordure de bandes enherbées».
Sur lin, la gestion des altises est la principale problématique. L'agriculteur souhaite explorer l'effet de la finesse de la terre sur les populations d'altise, en supposant que la destruction des mottes de terre pouvant potentiellement les héberger pourrait perturber leur développement.

L'agriculture intégrée : une approche système pour réduire les phytos
llll "Pour nous, la diminution de 50 % de l'utilisation des phytos est envisageable. Sur les insecticides, fongicides...on descend vite l'utilisation. Mais sur les herbicides, la réduction est plus dure car il faut anticiper et bien concevoir son système,» explique Eric ODIENNE (agriculteur à Chamblac-27). Différents leviers sont mobilisés dans le cadre du groupe DEPHY animé par Bertrand OMON (animateur du groupe DEPHY à la Chambre d'agriculture de l'Eure). Parmi les stratégies pluri-annuelles, les agriculteurs du groupe ont opté pour la simplification du travail du sol, l'alternance des cultures de printemps et des cultures d'hiver et l'étalage des dates de semis des céréales à l'automne. Prendre en compétences et accentuer l'observation de leurs cultures leur a également permis de développer une plus grande tolérance vis-à-vis des bio-agresseurs. Bertrand OMON insiste sur son rôle de conseiller:"au démarrage de l'accompagnement du groupe, il y avait une certaine appréhension de ce qu'allait donner les marges. Maintenant, je n'ai même plus peur !" Conseillers et agriculteurs se rejoignent pour démontrer que réduction des phytos, résultats économiques et gestion du risque peuvent fonctionner.

Le biocontrôle, premiers retours en Normandie
llll Antoine CHEDRU (agriculteur à Goderville-76) pratique l'agriculture de conservation depuis 20 ans, qui consiste notamment à limiter le travail du sol, maintenir une couverture permanente des parcelles et à allonger ses rotations. « La clé de mon système, c'est l'activité biologique du sol » précise-t-il. Cet agriculteur réduit son IFT notamment en limitant le recours aux régulateurs de croissance et aux insecticides. Mais les problèmes de vulpins l'empêchent d'être aussi performant sur la réduction des herbicides. Pour lutter contre les maladies, Antoine CHEDRU a innové . Après s'être formé, il intègre des méthodes de lutte alternatives à base d'extraits fermentés d'orties. Accompagné par Adrien BLOUX (animateur de groupe DEPHY au CERFRANCE Normandie Maine) et entouré des agriculteurs du groupe DEPHY animé par ce dernier, il utilise le purin d'ortie en préventif. Celui-ci constitue un levier d'action supplémentaire dans une stratégie fongique plus globale basée sur le choix des variétés, la date de semis et la densité de semis et permettant de réduire l'IFT fongicide. Satisfaits par des premiers résultats encourageants, les travaux se poursuivront l'année prochaine et ouvriront le champ à d'autres utilisations.

Comment utiliser son matériel de pulvérisation
en limitant son exposition aux phytosanitaires ?
llll Cet atelier a mis en évidence que le choix des outils, qu'il s'agisse du tracteur, du pulvérisateur ou d'un automoteur, doit prendre en compte la sécurité de l'utilisateur ainsi que les aspects pratiques de maintenance et de nettoyage. Tous les participants se rejoignent sur un point : « l'idéal est de pouvoir effectuer les réglages et le pilotage (débit, vitesse, guidage) directement à partir de la cabine », ce qui implique une bonne connaissance et prise en main des outils pour une utilisation et un fonctionnement optimal. Si la cabine du tracteur constitue un rempart aux expositions lors des chantiers de traitement, il est néanmoins conseillé de nettoyer régulièrement cet environnement de travail pour éviter toutes contaminations ultérieures. Afin de garantir une protection optimale, les filtres à charbon actif positionnés aux entrées d'air de la cabine sont fortement recommandés lors des chantiers de pulvérisation. Ils sont à renouveler régulièrement pour garder toute leur efficacité. Il est également essentiel de retenir que l'achat d'un pulvérisateur dépend de l'utilisation que l'on souhaite en faire sur son exploitation. D'où la nécessité de bien définir ses besoins en amont.

Utilisation des produits phytosanitaires :
vous informer, vous protéger
llll Mieux connaître les risques liés aux produits phytosanitaires pour mieux se protéger, tel était le fil conducteur de l'atelier animé par Antoine CHAIDRON et Denis LEPORTIER (conseillers en prévention des risques professionnels de la MSA).
Ils ont rappelé que la manipulation des produits phytosanitaires se décompose en plusieurs étapes à risques : préparation de la bouillie, incorporation dans le pulvérisateur, pulvérisation et nettoyage du matériel. Lors des échanges les participants ont exprimé la nécessité d'une bonne organisation de l'espace et des phases de travail comme les bases d'une prévention efficace, soulignant par la même occasion que le port des Equipements de Protection Individuels (EPI) constitue le dernier rempart de protection de la santé des utilisateurs.
Trop souvent omise, ils ont également insisté sur l'importance d'une protection adéquate lors de la manipulation des semences traitées.

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