FDSEA JA 61 : longue soirée pour une crise sans fin
Les agriculteurs ornais dans leur ensemble subissent la crise. Le 7 juin à Mortrée, la FDSEA de l’Orne et les Jeunes Agriculteurs ont organisé une soirée d’échanges et de dialogues. Dans la salle, éleveurs ou céréaliers ont témoigné de leurs difficultés quotidiennes. Les élus, au premier rang face au désarroi des agriculteurs, ont tenté de comprendre. À défaut de trouver des solutions immédiates, la possibilité de s’exprimer semble soulager les exploitants.

llll Les responsables des Jeunes Agriculteurs et de la FDSEA 61 semblent parfois radoter, rabâcher, toujours répéter les difficultés rencontrées par les agriculteurs du département. Car la crise dure. Le 7 juin, le syndicalisme s’est donc appuyé ses adhérents. Ces derniers ont rempli la salle polyvalente de Mortrée. Ils ont pu s’exprimer librement et ont laissé le premier rang à leurs élus locaux. Histoire d’en faire les grands témoins de cette crise agricole qui semble sans fin. Les agriculteurs les interpellent également pour avoir des solutions.
Pour illustrer cette situation de crise, les agriculteurs s’appuient d’abord sur des chiffres. “36 % des fermes qui ont clôturé leur exercice en mars 2016 affichent un revenu négatif. Et en moyenne, les agriculteurs dégagent 0,4 SMIC de leur activité”, regrette Jean-Louis Belloche, président de la Chambre d’agriculture de l’Orne. La conjoncture laitière n’invite guère à l’optimisme. Certes la France maîtrise sa production, avec 0,3% de hausse sur l’année civil 2015. Mais, l’Irlande a augmenté sa collecte de 30 % par rapport à l’an dernier. Autre mauvaise nouvelle, toutes les fermes éligibles au fond d’allégement des charges (FAC) ne seront pas servies. “Nous avons obtenu une rallonge de 955 000 € pour l’Orne. Hélas, elle ne sera pas suffisante. 44 dossiers ne seront pas traités”, regrette Jean-Louis Belloche. Du côté des grandes cultures, 2015 est marqué par une récolte mondiale de blé record. Bref, pas de quoi entrevoir des cours plus porteurs.
“Nous souffrons d’un contexte général”
La morosité du monde agricole s’inscrit dans une cadre qui dépasse le cadre strictement économique. Denis Douchy, responsable grande culture des Jeunes Agriculteurs et installé depuis janvier 2015, en témoigne. Il a d’abord vécu le blocage administratif des installations. Le jeune homme avait déjà démissionné et vendu sa maison pour devenir agriculteur. “Nous souffrons d’un contexte général. Mon installation est aujourd’hui nourrie d’incertitudes techniques, climatiques administratives et conjoncturelles. Toutes les décisions ne peuvent pas être populaires. Elles doivent être économiques. On m’a par exemple refusé le drainage d’une parcelle. On ne peut pas s’amputer de 40 % de rendement lorsque l’on s’installe”. La situation est sobrement résumée par Sylvain Delye, responsable environnement de la FDSEA 61 : “à une crise se surajoute la complexité administrative. Comment un éleveur, qui ne se verse pas de salaire, peut-il aller voir son banquier afin d’investir dans l’agrandissement du stockage des effluents d’élevage ?”
L’exportation du blé dur et tendre correspond à la vente de 80 rafales par an
Jean-Pierre Prévost, responsable de la section grandes cultures de la FDSEA 61, pointe lui une distorsion de concurrence. Il prend en exemple le plan Ecophyto 2. Sur 28 pays membres de l’Union européenne, 26 ont choisi de travailler sur les impacts. “Deux, la France et le Danemark, ont préféré réduire les les intrants de 50 %. Mais sur quelle base de départ ? À noter, le Danemark est devenu importateur de céréales. En France, notre exportation de blé représente quand même 80 avions Rafales par an”.
Dominique Bayer et Victorien Girard, respectivement responsables viande bovine de la FDSEA et des JA, ont rappelé que des emplois “sauteront dans les abattoirs. Nous avons encore perdu 30 à 40 centimes kg/carcasse. Les pays de l’Est sont venus sur nos marchés habituels à cause de l’embargo Russe”. Les producteurs de viande recherchent de la lisibilité. “L’agriculture, on a ça dans le sang. On veut y faire carrière. Le problème n’est pas la motivation”, insiste Victorien Girard.
Pas simple de passer des hausses
Représentants des sections laitières des deux syndicats, David Béchet et Alexandre Gravelat ont directement interpellé les élus. D’abord sur la question de la restauration hors foyer. “Nous nous apercevons que 50 % des produits laitiers sont importés. Vous êtes responsables des marchés locaux, vous avez du boulot”, pointe David Béchet. Jérôme Nury, maire et vice-président du Conseil départemental, ne se dérobe pas. “Même s’il y a peut-être des organisations à peaufiner, on ne trouve pas tout dans l’Orne. Nous, élus, avons également des difficultés à comprendre les souhaits des consommateurs. Et il n’est pas simple de faire passer des hausses auprès d’un conseil de municipal ou des parents d’élèves”. Alexandre Gravelat s’inquiète lui de la marchandisation des contrats laitiers. “Elle représente un frein de plus à l’installation. C’est au parlementaire d’empêcher cela dans le projet loi sapin 2 ”.
La réunion débutée à 20 h 30 s’est achevée aux alentours de minuit. Le résumé des points abordés n’est pas exhaustif. Cette initiative tente de remettre les élus au cœur de la problématique agricole. Car parmi les agriculteurs présents dans la salle, ils semblent nombreux à penser... Les services administratifs gouverneraient quand les élus méconnaissent les