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Frédéric Vardon (chef cuisinier étoilé.) : pour l’amour du goût

Frédéric Vardon est un chef cuisinier étoilé. À la tête du restaurant Le 39V à Paris, l’homme de 51 ans se raconte aujourd’hui dans un livre de la collection Signature. Il y prône la Normandie, sa région natale et le produit, le bon. Découverte.

© DR

llll Il a les yeux noirs de celui qui sait où il va. Le sourire de l’homme assuré. La gestuelle et l’habillement parisiens. Mais le cœur et l’âme sont bien normands. De ses origines ornaises, il en garde le goût de l’authentique, du vrai. De ses racines agricoles, il en conserve, le respect de la terre, la reconnaissance du bon produit. Et le caractère ! Entier.
Le chef Frédéric Vardon, chocolat chaud sur la table, attend dans un café de Caen. Comme tous les chefs, son temps est compté. Mais il ne s’impatiente pas. Sa vie balance entre Paris, le lieu où sa cuisine et son restaurant font fureur, et la région caennaise, où il aime se ressourcer, aidé par ses chevaux de sport. « Certains se droguent. Moi, mon shoot, ce sont les chevaux, l’équitation », affirme le patron du 39V. Il a fait naître deux poulains, qu’il a confiés à une écurie de sport dirigée par Jéroen Zwartjes, cavalier et homme de cheval, à Sainte Marie aux Anglais (14). Frédéric trouve le temps de venir régulièrement s’entraîner et même de faire de la compétition. « Du saut d’obstacles, le dimanche matin. » Et au retour, il n’oublie pas de ramener quelques produits pour sa cuisine.

Passionné du bon
Les difficultés des agriculteurs, il en a conscience. Pourtant, il fulmine. « Quand je vais chez mon boucher, et qu’il me dit qu’il n’y a pas beaucoup de viande de qualité… C’est dur à entendre et à comprendre. À l’heure actuelle, il est difficile de trouver des produits d’exception, de la vraie et bonne viande. Celle d’un bœuf de quatre ans qui n’a pas été alimenté qu’avec des farines et de l’ensilage. Alors oui, de la viande d’une génisse ou du baby bœuf (taurillon) qui n’ont jamais brouté de 18 mois il y en a plein les rayons… Mais ce n’est pas le même goût ! Et pourtant cela intègre l’appellation « boeuf », une grande poubelle où tout y passe ! »
Ses fournisseurs sont des connaissances de longue date. Il leur fait confiance, et s’exalte devant un pavé de Charolais, de Normande ou de « jaune » (croisement Charolais et Normande) de 4 ans élevé en plein air, « une tuerie ». Et il est prêt à mettre le prix pour cette qualité. « Lorsque je connais l’origine du produit, ce qu’il a vécu, s’il a gambadé, la manière dont il a été nourri… Je sais que la qualité sera au rendez-vous et cela n’a pas de prix ou un prix juste pour l’agriculteur. L’important pour le chef n’étant pas forcément la race, mais le soin et le respect de l’élevage, c’est ça la qualité.»
Le lait ? Même problème. « Je voulais acheter mon camembert à une petite laiterie près de Gavray. Il n’a pas pu honorer ma commande parce qu’il ne trouve pas assez de bon lait pour pouvoir en fabriquer. Une aberration. Il ne peut plus prendre de nouveaux clients. » Alors, produire oui, mais produire bien. Frédéric le dit, le répète, le martèle. C’est son credo, la force de sa cuisine.
Selon lui, les agriculteurs doivent se battre. Encore plus fort. Pour l’étiquetage, en premier lieu. « Il ne faut pas chercher de l’aide auprès des politiques ou de la grande distribution. Il faut éduquer le grand public. Lui faire prendre conscience de la valeur du produit. Tout le monde est prêt, j’en suis sûr, à manger moins de bœuf pour peu que celui acheté soit bon. Et pour le savoir, il faut étiqueter correctement. Quand j’achète mon steak, je veux savoir si c’est une viande issue d’une Normande ou d’un Charolais, mais également si c’était une génisse de 18 mois, une réformée ou un taurillon… » Il le croit, la transparence est primordiale dans le désir de bien manger. « Beaucoup d’agriculteurs produisent bien, ont pris conscience du respect de la nature et de l’animal. Il faut le faire savoir. Et les consommateurs s’apercevront que pour manger une nourriture saine, il faut mettre un certain prix. » La confiance dans les produits français et dans l’agriculture reviendra, assure le restaurateur. 

« Ne pas oublier que l’agriculteur nous nourrit »
De leurs côtés, les chefs cuisiniers doivent bien sûr défendre les produits français. C’est son combat, mais celui de nombreux cuisiniers, assure-t-il. « Il y a une quinzaine d’années, de mauvais restaurants avaient pignon sur rue. Faut voir aujourd’hui le niveau dans les bistros. Beaucoup de chefs font des choses extraordinaires. Il faut que les agriculteurs suivent le même modèle. » Il faut, une fois de plus, éduquer le consommateur. « Lui montrer que dans le bœuf il n’y a pas que deux filets ! » Il cuisine les tripes, la tête de veau, le sauté de porc. « Cela devrait même être un combat de santé publique. »
Dans son livre « Signature : Frédéric Vardon, Aubergiste parisien », (sorti aux éditions Flammarion le 8 novembre dernier), il écrit quelques idées de recette. Lapin à la havraise, ris de veau doré à la rhubarbe, blettes et tomates vertes…
Frédéric adresse également un clin d’œil à quelques-uns de ses producteurs. Il cite Étienne Filatre, par exemple. Éleveur de veaux à Bonneville la Louvet (14). « Retraité, il continue de travailler, toujours avec la même passion et élève une quinzaine d’animaux par an. Et les marchands de bestiaux se les arrachent. »
Tous ces agriculteurs, partenaires, sont la clé de sa cuisine, affirme le chef. Celle de la valeur humaine ajoutée. C’est une cuisine de sentiment sous-titre son livre. Ils les aiment, les respectent. En parler dans ses pages, c’est une manière de les remercier, de les défendre, de les mettre en valeur. Une autre de ces batailles. « Il faut décoller cette image noire que traîne l’agriculture. Dès que le monde agricole est cité, c’est toujours à travers une image négative. Il faut redorer le blason, montrer une agriculture souriante, à la page. Là encore, les paysans doivent se battre et reprendre leur communication en mains. » Même les émissions de télévision dépeignent, selon lui, une vision négative du métier. « Pourquoi ne pas faire un Top Paysan plutôt que L’Amour est dans le pré ? », plaisante-t-il pour faire comprendre son idée. Tirer l’agriculture vers le haut, la promouvoir et produire toujours mieux, toujours meilleur. Le chef est exigeant. Comme sa clientèle, « et comme tous ceux qui doivent payer une addition ! » Mais son acharnement a été récompensé. Le 21 septembre dernier, il exporte son restaurant à Hong Kong. « C’est à travers une rencontre que le projet a pu se faire. Mais à Paris comme là-bas, les produits sont de qualité. La cuisine à Hong Kong se fait avec 80 % de produits importés de France.» Alors c’est sûr, pour Frédéric, l’agriculture française à de beaux jours devant elle, « un avenir de dingue ».

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