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Gérard Larcher (président du Sénat) : "nous préparer sans naïveté aux enjeux de demain"

L'ornais, ancien vétérinaire et président du Sénat, s'est penché sur la question de la crise de l'élevage depuis plusieurs mois. Le 16 juillet, dans un contexte de tensions exacerbées, il a organisé une conférence agricole au Sénat avec l'ensemble des acteurs des filières d'élevage.

© DR

Le 22 septembre, la commission des affaires économiques du Sénat auditionnait Xavier Beulin, président de la FNSEA et Thomas Diemer, président des jeunes agriculteurs. Gérard Larcher revendique sa présence sur le terrain et dans les champs, sa connaissance du monde agricole et se prépare à recevoir Phil Hogan d'ici quelques jours.

Lors de votre conférence de presse de rentrée, vous avez annoncé une future proposition de loi sur l'agriculture déposée à l'automne. Vous avez cité les quatre grands thèmes qui apparaitront : titrisation, ajustement des normes, fiscalité et prêts agricoles. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En effet, une proposition de loi sera déposée avec un objectif : redonner de la compétitivité à l'agriculture et à la filière agroalimentaire. Cette proposition de loi est préparée par les présidents des commissions des affaires économiques et des affaires européennes du Sénat, Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet. Elle formulera des propositions concrètes, notamment fiscales, pour adapter notre fiscalité aux enjeux de la volatilité et prendre en compte les besoins d'investissement. Elle abordera également la question des charges sociales et normatives qui grèvent la compétitivité de notre agriculture. S'agissant de la titrisation, c'est effectivement une idée qui a été évoquée par le président de la FNSEA. Nous y réfléchissons. À travers cette réflexion, c'est la question de l'investissement pour moderniser notre agriculture qui est posée.

Vous avez orchestré une conférence agricole le 16 juillet. Cette proposition de loi en est une prolongation ?
Oui, cette proposition de loi en est l'un des prolongements. Cette conférence agricole, à laquelle les sénateurs ont participé en nombre, a d'abord permis de renouer le dialogue entre les acteurs à un moment qui était particulièrement tendu et de mettre au centre du débat les enjeux structurels et la question de la compétitivité. Pour le Sénat, représentant constitutionnel des territoires, c'était une manière d'envoyer un message de mobilisation pour l'avenir de notre agriculture et de notre filière agroalimentaire, en lesquels nous croyons pleinement. L'agriculture et la filière agroalimentaire sont un atout pour notre pays, pour nos territoires. Nous voulons les aider à se développer. À la suite de cette conférence, nous avons également poursuivi les échanges que nous avions entamés dès le début de l'année avec le commissaire européen Phil Hogan, que nous recevrons au Sénat le 8 octobre.

Que comptez-vous lui dire ?
D'abord, sa venue au Sénat ne sera pas une prise de contact formelle : elle s'inscrit dans le prolongement d'échanges suivis que nous avons eus depuis le dernier Salon de l'agriculture, notamment sur la PAC et sur les enjeux de l'élevage.
Lors de la réunion du conseil des ministres européens du 7 septembre, des aides ciblées ont été débloquées mais la France n'a pas obtenu gain de cause sur sa revendication visant à relever le prix d'intervention pour le lait. Ce qui apparaît aujourd'hui, c'est que la France n'a pas été en capacité de construire une majorité de pays européens autour de ses propositions. Cela doit nous interroger. Nous aborderons avec Phil Hogan les sujets relatifs à la simplification de la Pac et aux normes. Nous reviendrons également sur certains points que nous avions signalés au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, fin juillet : la traçabilité des produits, la capacité du cadre réglementaire de l'Union européenne à faire face à des épisodes de forte volatilité des marchés ou à une situation de crise, et les modalités d'application des règles relatives à la concurrence, dont une interprétation trop stricte peut conduire à affaiblir la filière agroalimentaire.

Quel serait pour vous l'objectif du prochain rendez-vous d'étape de la Pac en 2016 ?
Ce rendez-vous de 2016, qui correspond à la révision à mi-mandat de la Pac, est d'abord un rendez-vous budgétaire. En revanche, je pense qu'au niveau du Sénat, c'est un rendez-vous qui doit nous permettre d'engager une réflexion structurée, dans la perspective de la future Pac. Nous devons saisir cette occasion pour dialoguer en amont avec le Parlement européen et les Parlements nationaux, comme le Sénat avait su le faire en 2011, en adoptant une position commune sur la Pac avec l'Assemblée nationale et le Bundestag allemand. Nous devons nous préparer sans naïveté aux enjeux de demain, y compris dans la perspective du traité transatlantique qui pourrait avoir des conséquences importantes pour les agriculteurs, notamment les éleveurs.

Vous avez rendu un rapport le 15 avril au président de la République dans lequel vous parlez de la "France d'à-côté". Pourriez-vous nous en dire plus ?
A la suite des attentats survenus à Paris en janvier, le président de la République m'a demandé de réfléchir au renforcement de l'appartenance républicaine et de formuler des propositions susceptibles de raffermir le lien civique au sein de la Nation. C'est l'objet de ce rapport, dans lequel je consacre un chapitre à la "France d'à-côté", d'une France qui ne se sent plus prise compte, qui se sent de plus en plus à l'écart des projets politiques nationaux ou européens. Cela ne concerne pas seulement les territoires ruraux : cela touche aussi des petites villes ou des villes moyennes qui ont l'impression de vivre un déclassement territorial, à l'écart des dynamiques métropolitaines.
La réforme territoriale qu'a proposée le gouvernement a complètement oublié cette "France d'à côté", qui rassemble la moitié des Français et 80% de son territoire. C'est une des raisons pour lesquelles le Sénat a pesé de tout son poids en réaffirmant le rôle indispensable de la commune et celui du département. Je regrette d'ailleurs que la quasi-totalité des actuels conseils régionaux reste aussi silencieuse face à la crise de l'élevage qui secoue pourtant leurs territoires.

Pensez-vous que les agriculteurs font partie de cette "France d'à côté" et que cela puisse jouer dans la crise agricole actuelle ?
Oui, beaucoup d'agriculteurs que je rencontre, la semaine dernière dans l'Allier, mais aussi d'habitants des territoires ruraux, ont le sentiment qu'on ne s'intéresse plus à eux. Comme me le disait un élu du Pas-de-Calais, "nous avons le sentiment que vous ne faites que des lois urbaines !" Cela joue certainement un rôle dans la crise actuelle.
Vous avez trouvé que Stéphane Le Foll avait tardé à prendre conscience de l'ampleur de cette crise. Pouvez-vous nous expliquer l'origine de ce point de vue ?
Le gouvernement a en effet tardé à prendre la mesure de la crise profonde qui touche les filières de l'élevage et à poser le bon "diagnostic". Il a fallu qu'il s'y prenne à deux fois pour apporter des réponses d'urgence et ce n'est qu'au cours de l'été, en raison de la forte pression à laquelle il était soumis, que le ministre de l'Agriculture a commencé à changer de discours et à parler, enfin, de compétitivité. Ce sujet de la compétitivité, c'est le sujet majeur. Ce n'est pas en prétendant fixer un prix artificiel depuis le ministère qu'on règle la question, c'est en s'attaquant à nos faiblesses structurelles !

Xavier Beulin souhaite retrouver une France agricole à vocation exportatrice. Certains des sénateurs imaginent plutôt une France de produits agricoles à haute valeur ajoutée. Quelle est votre vision d'avenir ?
Tout d'abord, je partage le souhait de Xavier Beulin de voir notre pays retrouver sa place de numéro 1 à l'export en Europe. Nous avons perdu du terrain vis-à-vis de nos concurrents européens. Ce terrain, je souhaite évidemment qu'on le regagne ! L'agriculture et la filière agroalimentaire sont des atouts pour notre pays et on doit se féliciter qu'elles contribuent positivement à notre balance commerciale.
S'agissant de la taille des exploitations, je pense qu'il faut cesser les postures. L'enjeu, ce n'est pas la taille en tant que telle, c'est la viabilité économique de l'exploitation. Nous avons la chance d'avoir une agriculture riche et diverse. Je pense que notre pays peut et doit couvrir tous les segments de marché, en s'appuyant sur des modèles de production différents et complémentaires.

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