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Hervé Morin et la crise agricole : «pour un changement de la réglementation européenne»

llll «Il est évident que la crise ne peut pas se résoudre sans un changement de la réglementation européenne. Il n’est pas normal de subir une concurrence déloyale de nos voisins européens alors que nous faisons partie de la même famille», juge le président de la Région Normandie.

© LG

>> Vous voulez faire de la Normandie le grenier à blé de la France. C’est plutôt mal parti avec cette moisson 2016 catastrophique ?
Vous avez raison, la moisson 2016 a été catastrophique avec une baisse des rendements de 25 à 40 % selon les exploitations mais elle ne l’a pas été seulement en Normandie. Ces mauvais résultats, dus à des conditions climatiques défavorables, ne changent pas le cap de la nouvelle majorité régionale et ne changent pas mon ambition. Oui, je veux faire de la Normandie le garde-manger de la France. Pour nous donner les moyens de cette ambition, nous sommes en train de réécrire notre politique agricole de fond en comble avec tous les acteurs du secteur. Cette nouvelle politique a été annoncée vendredi dernier et sera mise en œuvre dès 2017.

>> Quelle analyse globale faites-vous de cette crise agricole multi-productions?
J’observe que la France vit une crise structurelle et conjoncturelle qu’elle n’arrive pas à résoudre. Comme sur d’autres sujets, je crois qu’une partie de la réponse doit venir des territoires. Je pense notamment qu’il faut favoriser la constitution d’organisations de producteurs suffisamment puissantes pour qu’elles pèsent plus face aux industriels. Par ailleurs, le développement des filières courtes et les filières dites de qualité (AOC, AOP, Bio…) sont autant de niches permettant de conserver la valeur ajoutée des produits. Par ailleurs, il est évident que la crise ne peut pas se résoudre sans un changement de la réglementation européenne. Il n’est pas normal de subir une concurrence déloyale de nos voisins européens alors que nous faisons partie de la même famille.

>> Certaines régions ont débloqué des budgets pour abonder le PSE. Si vous étiez sollicité sur le sujet, quelle serait votre réponse?
Le plan de soutien à l’élevage français adopté par le Gouvernement en juillet 2015 comprend surtout des mesures d’urgence, permettant notamment des allègements de charges sociales et fiscales et des aides pour la restructuration de l’endettement des éleveurs en difficulté (garantie de prêts). C’est une réponse conjoncturelle qui compense toutefois faiblement les revenus agricoles au regard de la forte baisse des prix, subie par les éleveurs.
La Région Normandie souhaite plutôt agir et investir sur des outils structurels de moyen terme : travailler sur les coûts de revient, sur la réduction des charges, sur l’autonomie des exploitations, sur la meilleure valorisation des ressources produites sur l’exploitation pour l’alimentation animale, sur la performance économique des systèmes d’élevage. J’y faisais allusion précédemment, le renforcement des organisations de producteurs, la recherche d’une meilleure valorisation des produits via des filières segmentées et tracées, un soutien à l’investissement pour améliorer la compétitivité ou l’autonomie des exploitations sont des enjeux régionaux importants, pour agir le plus efficacement possible vers la sortie de crise.

>> Vous avez ouvert au printemps 10 chantiers. Quelles en sont les conclusions? Dans quel sens le plan de développement rural normand va-t-il évoluer?
Le 14 octobre, l’ensemble des contributeurs aux 10 chantiers agricoles s’est réuni. Il a été présenté les grands axes et priorités de la future politique régionale agricole 2017-2020.
La nouvelle Région Normandie a voulu développer une politique agricole structurante pour la période 2017-2020, définie sur la base d’une large concertation avec la Profession agricole.
Au cours du 1er semestre 2016, plus de 30 réunions ont été conduites. Ces chantiers participatifs ont réuni plus de 200 participants, pour réfléchir ensemble sur les futurs outils d’accompagnement nécessaires à l’agriculture.
Cette co-construction a permis de poser les problématiques et d’essayer de trouver des solutions partagées et concrètes. La Profession a exprimé sa satisfaction quant aux résultats des chantiers. Les efforts en ce qui concerne la simplification et la lisibilité des dispositifs ont été notés.
La nouvelle politique de la Région Normandie s’articulera autour de 7 enjeux, correspondant aux étapes clés du parcours professionnel d’un agriculteur :
1: Mieux installer avec pour objectif l’accompagnement de 300 installations par an
2: Développer l’entreprise agricole normande avec pour objectif l’accompagnement chaque année de 1000 exploitations vers une meilleure performance économique
3: Valoriser les produits agricoles normands. La Région souhaite qu’1 exploitation sur 2 puisse valoriser des produits sous filières de qualité, segmentées, d’ici 2020. La Région accompagnera l’émergence, la structuration de filières ainsi que la promotion des produits normands via la marque territoriale Normandie qui sera lancée en 2017.
4: Encourager les nouvelles pratiques de production. La Région a apporté un soutien exceptionnel de 15 millions € en 2016 pour permettre l’accompagnement de plus de 2000 exploitations engagées avec des contrats MAEC. Elle poursuivra cet effort en 2017 avec une révision des PDR pour abonder davantage ce dispositif à hauteur de 30 millions €. En tout, nous avons dégagé 45 millions €, ce qui est considérable.
5: Renforcer les organisations de producteurs grâce à un accompagnement de la Région
6: Développer les emplois et les compétences du monde agricole en accompagnant la formation d’actifs agricoles ainsi que la création de groupements d’employeurs pour faciliter la recherche et l’emploi de salariés agricoles
7: Soutenir l’innovation agricole en Normandie.

>> Où en est le projet de marque «Normandie» que vous aviez évoqué? Ne présente-t-il pas un risque de dévalorisation de nos AOP?
Le projet avance et la volonté est plus que jamais affichée. Si nous voulons, à l’image de nos amis Bretons, peser et exporter nos produits partout en France et dans le monde, il faut créer cette marque autour du nom de notre Région qui est la deuxième Région la plus connue au monde après la Californie ! C’est donc tout le travail de la Mission Attractivité Normandie et de l’IRQA qui travaillent ensemble pour que cette marque soit opérationnelle en 2017.

>> Lactalis a racheté il y a quelques mois la Fromagerie Graindorge. Un commentaire particulier?
Tout d’abord une observation : en rachetant la fromagerie Graindorge, Lactalis devient le numéro 1 du camembert AOP en France. Mais dans le même temps, comme chacun le sait, la situation est tendue entre les producteurs de lait normands et le groupe. J’aimerais donc dire à Lactalis qu’il se doit de faire un effort et valoriser le plus justement possible le travail de ces producteurs qui se donnent sans compter pour leur métier.

>> Quand vous remplissez votre caddie, vous portez une attention particulière aux marques que vous achetez? Plus globalement, quels sont vos critères de choix?
Tout d’abord, je privilégie les produits de qualité. Ensuite, il est évident que je privilégie les produits locaux. Mon beurre, ma crème sont toujours normands, ou presque toujours. Et j’aimerais faire émerger une filière autour du bœuf de race normande élevé à l’herbe.

>> Des critères que vous essayez aussi de faire appliquer par la restauration collective qui dépend du Conseil Régional ?
Actuellement, des efforts sont faits pour que les lycéens mangent des produits régionaux mais on peut encore mieux faire. Cela fait partie des chantiers engagés par la Région dans le cadre de sa politique du « lycée du futur ». L’objectif est simple : faire que 80% de la nourriture servie dans les restaurants scolaires provienne de producteurs normands !



>> Que vous inspirent les arrêtés anti burkini pris cet été mais invalidés par la justice?
Je trouve que l’invalidation des arrêtés de la part de la justice est difficilement compréhensible. Je me suis prononcé durant l’été contre le burkini et pour une loi l’interdisant parce qu’il est contraire à l’idée que l’on se fait de la condition de la femme, parce qu’il la rabaisse avec ostentation tout simplement.

>> La France et la Normandie n’ont pas été épargnées par les actes terroristes cet été. Le ministre de la Défense que vous avez été approuve-t-il les mesures prises par le gouvernement?
La menace est omniprésente et pourtant j’ai la conviction comme beaucoup de Français que l’Etat est trop faible. Il ne faut aucune pitié, aucune faiblesse contre ceux qui veulent mettre à terre notre pays.
C’est pour cela que je demande à ce que les fichés S les plus dangereux soient placés en rétention administrative. C’est possible, c’est parfaitement constitutionnel et c’est le minimum pour ces ennemis de la France. Comme je suis pour le retrait de la nationalité française aux binationaux qui combattent au Moyen-Orient avec Daesh car ils combattent la France.

>> Faut-il s’habituer à vivre dans la peur d’une voiture piégée ou d’une attaque à l’arme blanche ?
Ce qui est certain c’est que la succession des actes terroristes ces derniers mois est en train de changer quelque chose dans notre société et dans nos comportements individuels. Qui aurait pu imaginer une seule seconde que des barbares allaient s’attaquer à un prêtre un vendredi matin dans une petite église de la banlieue rouennaise ? Le terrorisme est désormais en bas de chez nous et je crois malheureusement qu’une part de notre optimisme a disparu. L’enjeu de ces prochains mois, de ces prochaines années sera de mettre en place tous les outils juridiques pour empêcher ces sauvages de passer à l’acte. Il tarde aux Français de retrouver cet optimisme qui nous caractérisait, il nous tarde de recréer les conditions d’un destin commun, celle d’une Nation sûre de sa force, fière de ses valeurs, confiante dans son destin.

>> Les candidats de la primaire à droite sont désormais connus. Lequel à votre faveur?
Nous sommes les seuls en Europe à ne pas connaître un renouvellement de la classe politique tous les dix ou quinze ans. Ailleurs, lorsque l’on a exercé le pouvoir et échoué, on s’en va. Dans un contexte de profonde défiance vis-à-vis des politiques, on a plus que jamais besoin d’oxygénation. Bruno Le Maire est aussi le seul dans cette primaire à faire de l’éducation sa priorité absolue. Il était donc naturel que mon choix se porte sur lui.

>> Macron joue les électrons libres sur l’échiquier politique. Partagez-vous certaines de ses analyses?
Il est tout de même difficile de donner du crédit à l’homme qui a inspiré toute la politique économique des socialistes depuis 4 ans en tant que proche collaborateur du Chef de l’Etat et Ministre de l’économie. Il n’est ni plus ni moins que l’un des acteurs clés de l’échec de Hollande.

>> Pensez-vous que la gauche a encore une chance de gagner la présidentielle?
Cela parait très mal engagé. Qui peut croire encore à la victoire de la gauche après 5 années pour rien, 5 années qui ont fait reculer la France dans tous les domaines. Où en est la promesse de l’inversion de la courbe du chômage ? Où en est la promesse d’un gouvernement exemplaire qui accumule les démissions et les couacs ? Où en est la promesse d’un Etat apaisé alors que jamais l’insécurité et les tensions n’ont été aussi importantes dans notre pays ? Je crois donc, comme une écrasante majorité des Français, qu’il est temps de tourner la page de la gauche au pouvoir…

>> Et le Front National?
Malheureusement, il est quasiment acquis de voir Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. C’est quasiment acquis parce que les Français sont exaspérés par ces promesses qui s’accumulent mais qui ne sont jamais tenues.
Face à cela, il faudra créer l’électrochoc que la France attend depuis longtemps. Le candidat qui se retrouvera au soir du premier tour face à Marine Le Pen va être obligé de construire une majorité nouvelle, cette majorité des « modernes » que j’appelle de mes vœux depuis plusieurs mois et qui rassemblera tous les réformistes de la gauche, de la droite et du centre. C’est le seul moyen de faire adhérer les Français à un vrai contrat d’alternance.

>> Si au lendemain de l’élection présidentielle, on vous proposait le portefeuille de l’Agriculture, vous diriez banco?
J’ai pris un engagement très clair auprès des Normands, celui de me consacrer à 100 % à la Normandie. Je refuserai donc toute proposition d’entrer au gouvernement. La réunification de notre Région est une chance tellement unique qu’elle mérite qu’on s’y consacre à plein temps. J’ai cette volonté depuis le début du mandat de faire de la Normandie un laboratoire de politiques nouvelles. Je suis absolument convaincu qu’une partie de la transformation de notre pays se fera par les territoires. Les politiques volontaristes que nous mettons en œuvre en Normandie depuis 10 mois en sont la preuve : les élus locaux réussissent quand ils innovent, quand ils osent et quand l’Etat leur en laisse les moyens !


>> Vous avez pris des vacances cet été ?
Oui, j’ai pris 2 semaines de vacances. Après une campagne intense de plusieurs mois à sillonner les quatre coins de la Normandie et après ces premiers mois intenses à la tête de la Région, ces vacances ont permis de prendre du recul sur tout ce qui s’était passé et de recharger les batteries pour cette rentrée…

>> Quel est votre livre de chevet du moment ?
Je relis De l’Allemagne de Mme de Staël.

>> Vous avez-pris le temps de regarder la nouvelle émission «Quotidien» présentée par Yann Barthes sur TMC?
Malheureusement, je n’ai pas beaucoup le temps de regarder la télé ; je n’en ai donc pas eu l’occasion. Je ne doute pas un seul instant de sa capacité à en faire un succès…

>> Votre commentaire sur le début de saison du Stade Malherbe? Et sur Le Havre et Rouen?
Le Stade Malherbe connait un début de saison en dents de scie mais je sais que les hommes de Patrice Garande sauront vite se reprendre et qu’ils feront encore une fois briller la Normandie dans l’élite du foot français. S’agissant du HAC, après avoir digéré la déception de la fin de saison dernière, il a su se reprendre pour figurer dans le haut de tableau. Et enfin, pour un promu, Quevilly-Rouen réalise un excellent début de saison... De quoi tenir en haleine tous les Normands passionnés de foot !

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