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Benoît Lefèbure et la politique de l’eau
“Il faut qu’on nous implique à 100 %”

La politique de préservation et de reconquête de la qualité de l’eau fait débat dans le Bocage et la Plaine. Benoît Lefèbure, jeune céréaliculteur aux portes de Caen, revendique sur ce dossier le droit à la parole.

La politique de l’eau qui s’écrit en coulisses naviguerait-elle en eaux troubles ? Toujours est-il que, de jour en jour, les agriculteurs (éleveurs et céréaliers) sont de plus en plus nombreux à exiger plus de transparence sur le dossier. Car c’est bien là tout le paradoxe d’un enjeu essentiel  pour la société de demain. La profession agricole, principale actrice de cette politique, n’a droit qu’à un strapontin dans les comités de pilotage et de réflexion. C’est dans ce contexte qu’est née l’association de défense CAPTAGE 14. Parmi ses fondateurs et animateurs, Benoît Lefèbure, installé depuis le 1er janvier 2009 à Escoville. Il a décidé d’assumer sa part de responsabilité citoyenne, au service des agriculteurs mais aussi au service des générations futures.

Rester pragmatique
Il faut qu’on nous implique à 100 %”. C’est la revendication essentielle de Benoît qui exploite à Escoville et Anguerny (céréales, oléoprotéagineux, lin, pommes de terre, betteraves sucrières...). S’impliquer non pas pour aller contre ni même mettre des bâtons dans les roues de la politique de préservation ou de reconquête de la qualité de l’eau. Mais “y rentrer de manière pragmatique pour peser dans les choix qui seront faits”, insiste-t-il. Le risque en l’absence de concertation : qu’on contraigne, par exemple, un exploitant au tout herbe sur plusieurs dizaines d’hectares autour d’un point de captage. “Mais je ne suis pas éleveur. J’en ferais quoi de cette herbe si j’étais impacté ?”, s’interroge notre céréalier.  

Une bouteille à moitié pleine
Plan de fumure prévisionnel, fractionnement des apports d’azote, analyses de sol, Farmstar, Jubil, NTest”, liste Benoît Lefèbure comme outils ou pratiques environnementales que l’agriculture déploie depuis plusieurs années. Sans oublier les CIPAN, “d’accord à 100 %” mais pour lesquels il s’interroge sur ce décret départemental qui n’autorise sa destruction qu’après le 15 décembre. Une exception hexagonale.
Toutes ces pratiques vont produire leurs effets mais il faut laisser un peu de temps au temps. Le discours et l’acte politiques veulent s’affranchir de la compréhension des cycles agricoles et naturels. On frôle l’absurde”. Mais justement, c’est le temps qui semble manquer. La politique de l’eau puise son origine dans des directives européennes qu’il a fallu traduire en droit français (2006). “On n’a pas su prendre le taureau par les cornes au bon moment”, estime notre jeune interlocuteur qui admet au passage que la profession agricole a également traîné les pieds. L’échéance a été fixée en 2012.

Echéance en 2012
Localement, la DDASS (Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales) fait porter le dossier par les syndicats d’eau et ça part dans tous les sens. “On voit sortir des dossiers tous les jours, aux 4 coins du Calvados”, précise Benoît et pas toujours simple de s’y retrouver dans les méandres du Grenelle 1, du Grenelle 2, des captages prioritaires, d’autres qui le sont moins. Il y a ceux aussi que l’on va condamner comme Mondeville à proximité de l’usine Peugeot. “Pollution, on préfère fermer”.
Sur le terrain, les études d’impact des pratiques agricoles ont démarré il y a plusieurs mois mais sans la manière. Un tôlé qui a favorisé l’émergence de CAPTAGE 14. L’association, forte de plus d’une centaine d’adhérents, a déjà fait bouger les lignes. On n’ignore pas du côté de la Préfecture, de la DRAAF, de la DDTM (...), le succès des différentes réunions publiques qu’elle a tenues. “Nos autorités de tutelles savent que la base n’est pas satisfaite de la manière dont les choses se passent et nous sommes désormais pro-actifs sur le dossier. Nous réclamons parallèlement une plus grande représentativité dans les comités de pilotage”.

Une charte de bonne conduite ?
Reste pour CAPTAGE 14 à transformer l’essai. Ça se passe plutôt bien du côté du SIAEP (Syndicat Intercommunal d’Alimentation en Eau Potable) de la source de Thaon. Son président a prêté une oreille attentive aux revendications portées par l’association. Un dialogue constructif qui pourrait aboutir à la signature d’une charte de bonne conduite régissant les droits et devoirs de chacun dans ce long processus.  Avec RESEAU (syndicat mixte de production d’eau potable de la région caennaise), les fils du dialogue ont également été noués. “Ils veulent se baser sur la charte signée il y a quelques années par la Chambre d’Agriculture ou nous imposer des MAE (Mesures Agro Environnementale) qui ne courent que sur 5 ans. Cela ne nous convient pas du tout”, insiste Benoît Lefèbure. Un gros travail de persuasion reste donc à effectuer. “Nous devons prendre la parole pour défendre notre steak. Mes charges d’emprunts me conduisent sur 15/20 ans. Or, les mesures qui se profilent signifient une perte plus ou moins importante de la marge. Pourtant, à aucun moment, nos interlocuteurs n’évoquent d’éventuelles compensations financières”. Un anachronisme au vu des flux financiers que brasse l’eau dans tous ses composants. Et notre céréalier d’évoquer également la RPD (Redevance pour Pollution Diffuse). Une taxe sur chaque produit phytosanitaire acheté au profit des Agences de l’Eau et qui devrait retourner au monde agricole pour favoriser l’implantation de bandes enherbées, la construction de station de lavage de pulvérisateurs, la mise aux normes de locaux de stockage de produits phytosanitaires... Las comme sœur Anne, notre jeune agriculteur n’a encore rien vu venir. Peut-être n’est-il pas trop tard !

Phytosanitaire : des usages non agricoles aussi
Même si la part de produits achetés pour une utilisation non agricole (entretien des espaces verts et de loisirs, désherbage des voies ferrées et routières, jardins, ...) est faible (- 10 % des 100 000 tonnes vendues par an), son impact sur l’environnement est à prendre très au sérieux. En effet, les surfaces traitées (par les collectivités locales, les particuliers, les professionnels...) sont souvent imperméables, donc sensibles au ruissellement. De plus, l’élimination naturelle des produits est inférieure à celle qui se produit lors d'utilisations agricoles, à cause de l’absence de micro-organismes ou de matières organiques dans le milieu.

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