Olivier Philippe, président d'Interbev Normandie, casse les codes
L’éleveur de Charolaises à Catteville, dans le nord Cotentin, est homme à saisir les bons moments. Le responsable de la section viande de la FDSEA 50, représentant la FNB dans l’interprofession, est une personne de concertation et de positivisme. Portrait du nouveau président d’Interbev Normandie.

« Chercher les qualités de chacun, se servir de ses faiblesses pour rebondir, transformer les contraintes en atouts, surmonter les difficultés et aller de l’avant », tels sont les mots qui reviennent dans la bouche d’Olivier Philippe. Le nouveau président d’Interbev Normandie, élu le 25 juin, chasse les maux par les solutions. L’homme de 45 ans démarre un mandat de trois ans avec l’envie de « redonner le sourire aux éleveurs ».
Saisir les bons moments
Dans le bureau de l’interprofession, Olivier Philippe est élu au titre de la FNB. L’éleveur du nord Cotentin est aussi président de la section viande de la FDSEA de la Manche. « J’ai suivi un BTS production animale, option équin, en apprentissage à Sées, en alternance chez Denis Brohier (éleveur de chevaux de sport, NDLR) », retrace Olivier Philippe. Il s’installe en 2000 en Gaec « de transition » avec sa mère, en exploitation laitière. « À l’époque, c’était plus facile de s’installer en viande que de récupérer du quota. Je ne me voyais pas gérer l’atelier lait tout seul. ». C’est donc dans cette dynamique qu’il switche vers l’élevage de Charolaises, qui compte désormais 80 mères. En parallèle, il garde une activité de pension de chevaux pendant un temps. Puis il saisit une opportunité d’arrêter, se dit que « c’est le moment ». « Maintenant, je suis tout seul à la ferme mais j’ai la chance d’adhérer à une Cuma qui fonctionne bien, où la solidarité est présente, l’entraide est naturelle. Nous avons un salarié, nous réfléchissons ensemble, mutualisons le travail. » Olivier Philippe compte 100 ha de SAU et l’estive. « Je groupe les vêlages en août-septembre, je sèvre les veaux mi-avril et mets les vaches à l’estive. Le calendrier de reproduction est calé sur les marais. J’ai appris avec le conservatoire du marais que la présence d’animaux permet de sauvegarder certaines espèces de fleurs. Je vois l’élevage à travers l’environnement. » Olivier Philippe y note une ligne de communication positive pour l’interpro, afin de valoriser le travail des éleveurs normands.
Comme au judo
Olivier Philippe était membre du conseil d’administration d’Interbev Normandie depuis trois ans. Il a suivi l’activité de la filière pendant la crise sanitaire du Covid-19. « Heureusement, nous avions la visioconférence », sourit-il. Et de reprendre, plus sérieusement : « la filière viande française a fonctionné pendant la durée du confinement. Elle a prouvé son autonomie et qu’elle peut assurer la souveraineté alimentaire du pays. Nous devons capitaliser là-dessus. » Il soulève tout de même deux « couacs », ceux rencontrés par les éleveurs d’ovins et de veaux. « Comme au judo, servons-nous de ces faiblesses pour rebondir. » Autre dossier sur le bureau du président, celui des abattoirs pour les ovins. Une réunion organisée au Conseil régional, vendredi dernier, a soulevé le problème. « Il y a un manque pour les moutons, surtout dans l’ex Basse-Normandie. Nous devons jouer collectif, préparer l’avenir en menant une réflexion large, en relation avec la Chambre, les élus. Si demain les éleveurs du nord Cotentin n’ont plus de solution, que devient La Hague par exemple ? Les animaux entretiennent le territoire. » Entre autres solutions, la sortie de terre de l’abattoir de Carentan. « Interbev Normandie peut jouer un rôle de conseil et d’accompagnement pour tous projets se mettant en place dans la région, afin de mettre du liant et d’aider à trouver des solutions sur le territoire. » Les accords du Ceta et du Mercosur restent en tête de l’éleveur et du président. « Nous avons un devoir explicatif. Ayons l’ambition de prouver que notre viande est éthique par rapport à celle de ces pays. Ne leur laissons pas la place. »
Sortir de l’entre-soi
« La filière viande rencontre des problèmes structurels », constate encore le président normand. Interbev Normandie, c’est quatre familles : les éleveurs ; les opérateurs de la mise en marché ; les abatteurs ; les transformateurs. « Les familles cohabitent mais sans travailler dans un but commun alors qu’Interbev est un outil de structuration. Maintenant, il faut effacer les difficultés et redonner des perspectives entre les familles. » Pour le moment, la communication est le fil rouge tendu par l’interprofession. Olivier Philippe dit : « pourquoi pas ». Mais : « pour répondre à l’agribashing ? pour promouvoir notre élevage ? pour en retirer des bénéfices économiques ? » questionne-t-il. « J’aimerais une vision globale, donner un cap à l’interpro car pour le moment, nous naviguons à vue. » Il liste les dossiers « urgents » sur lesquels Interbev Normandie doit être présente : « la PAC, les plans alimentaires territoriaux – embrayons le créneau de la restauration collective -, la valorisation des veaux mâles issus des élevages laitiers ou encore celle de la viande de race Normande par exemple. » Dans cette optique, Olivier Philippe entend aller chercher les compétences chez chacun. Et casser les codes et les aprioris en étant là « où on ne nous attend pas. Sortons de l’entre-soi. Soyons présents sur les ondes de France Bleu, sur les réseaux sociaux, lors des marathons. Nous devions être au festival Beauregard. Nous travaillons pour y aller en 2021. L’élevage a de l’avenir. Prouvons-le ».