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La conversion à l’agriculture biologique de son système bovin allaitant

Jean-Yves Fritel de Cisai Saint-Aubin (Orne) témoigne !

Compte tenu des difficultés économiques rencontrées chez certains éleveurs spécialisés allaitants, la conversion à l’agriculture biologique peut être une des solutions envisageables, pour sécuriser ses débouchés en viande, conforter le montant des aides perçues, limiter les fluctuations de prix de vente de ses animaux et par conséquent améliorer ses résultats économiques. D’autant que la demande en produits bio se structure et se diversifie. La filière viande bio est d’ailleurs à la recherche de nouveaux producteurs car le marché est porteur.

Jean Yves Fritel explique son cheminement

“Depuis plusieurs années déjà, je réfléchis pour trouver des solutions pour conserver un revenu décent tout en maintenant mon système bovin allaitant viable et vivable. Compte tenu de l’augmentation régulière de la plupart des intrants et de la faible rémunération de la production de viande, il devient vital que je retrouve de la valeur ajoutée sur mes produits vendus tout en conservant un niveau de production satisfaisant. Localement, je pratique largement l’entraide avec mes voisins dont la plupart produisent déjà en agriculture biologique depuis un certain temps, avec des niveaux de revenu tout à fait honorables. Je suis le dernier agriculteur à me convertir à la bio sur la commune qui compte 3 autres paysans, tous déjà convertis. Mes terres assez lourdes et froides ne me permettent pas de faire de bons rendements en céréales. Cisai St-Aubin sera d’ailleurs l’une des premières communes de l’Orne où tous les agriculteurs seront totalement reconnus bio. Avec beaucoup de près de fond, l’herbe pousse facilement, en quantité et de façon régulière sans épandage d’engrais minéral depuis déjà plus de 5 ans. En effet, j’apporte uniquement du compost de fumier. Le passage à l’agriculture biologique ne nécessite pas de grosses modifications de mon système de production. En conservant le même nombre de vaches allaitantes, je vais remettre en herbe la plupart de mes surfaces emblavées en culture de vente où je ne réalisais que de petits rendements : 55 à 65 quintaux/ha en blé en moyenne. Pour rentabiliser les nouvelles surfaces mises en herbe, je vais conserver une partie de mes broutards que je finirai en bœufs de 30 mois à 3 ans. Le passage d’un système naisseur à naisseur-engraisseur me permet d’apporter un maximum de valeur ajoutée sur ma production de viande, tout en réduisant au strict minimum mes charges opérationnelles. La race charolaise est certes un atout indéniable, compte tenu de sa rusticité, valorisant très bien les fourrages grossiers, tout en optimisant le phénomène de croissance compensatrice : valorisation maximale la bonne pousse d’herbe de printemps après une période de restriction alimentaire pendant la période hivernale. Je conserve ma double période de vêlage qui me permet d’étaler les pointes de travail et mes périodes de ventes. Après avoir étudié mon projet de conversion en début d’année avec les conseillers de la Chambre d’agriculture de l’Orne, je me suis donc engagé en conversion auprès d’un organisme certificateur et dans la foulée, réalisé ma déclaration PAC. J’ai vendu mon premier lot de broutards début juillet et conserve tous les autres mâles nés plus tard qui seront castrés cet hiver et conservés pour la production en bœuf d’ici à 2 ans, finis à l’herbe ou à l’auge, en fonction de leur état, à la mise en finition. Etant assez chargé en vaches, compte tenu de la rétention volontaire depuis 2013 pour optimiser mon nombre de référence ABA, je vais réformer 8 à 10 vaches supplémentaires qui vont me permettre de financer la “non vente” de mes broutards normalement réalisée en fin d’année. Ce qui va me permettre de réduire rapidement mon chargement pour rester aux alentours de 1,2 UGB/ha, niveau acceptable à partir duquel je peux assurer suffisamment de stock fourrager sans avoir recours à des achats extérieurs. Compte tenu de l’importance de la production de l’herbe qui devient le pilier de mon système d’élevage, je me consacre principalement depuis cet été, aux semis des surfaces en herbe derrière culture en implantant des mélanges graminée-légumineuses adaptés aux différents types de sol. Dans la foulée, j’en profite aussi pour commencer la rénovation de quelques vieilles prairies. Les espèces implantées sont adaptées aussi bien pour la production d’herbe récoltée que pâturée, conduite en pâturage tournant”.

 


Les principales évolutions du système attendues en 2017

- Remise en herbe de 15 ha de cultures.

- Mise en culture de seulement 5 à 6 ha d’un mélange protéagineux-céréales autoconsommé, récolté en grain.

- Engraissement en bœuf de 30 mois à 36 mois de 10 broutards.

- Augmentation du troupeau de 20 UGB (finition de 10 bœufs et 7 génisses de viande).

- Gestion des surfaces d’herbe pâturées en pâturage tournant.

- Récolte de l’herbe en enrubannage au printemps et en foin en fin d’été sur les regains.

- Maintien du nombre des 50 vaches allaitantes correspondant à ma nouvelle référence.

- Commercialisation au travers de l’Organisation de Producteurs Normandie Viande Bio (NVB) et UNEBIO.

- Maintien du chargement de 1,2 UGB/ha de SFP.

- Maintien de la double période de vêlage : 2/3 automne et 1/3 printemps.

- Maintien de 70 % de veaux issus d’IA.

- Maintien de la main d’œuvre à 1 UMO pour les 95 ha de SAU.


Simulation de l’évolution en termes de revenu (comparatif entre 2013 et 2017) (tableau 1)

Cette estimation de l’amélioration de l’EBE est principalement conditionnée à l’obtention de l’aide à la conversion bio, versée pendant les 5 premières années (300 €/ha pour les cultures et 130 €/ha pour les prairies). De plus, la modification du système en passant d’un système naisseur à naisseur/engraisseur partiel de bœuf augmente significativement les produits viande compte tenu du différentiel de prix retenu entre les cotations des différentes catégories d’animaux en conventionnel et en AB (en moyenne + 0,40 €/kg de carcasse) et du nombre d’animaux vendus. Les charges opérationnelles sont en baisse compte tenu de la suppression des intrants (engrais, produits phyto, …). A noter cependant, une augmentation du montant correspondant à l’achat de la paille pour pallier aux 15 ha de cultures non récoltés. Les charges de structure restent stables.Cette simulation est largement en faveur de la conversion à l’AB sur cette exploitation, compte tenu du contexte très spécifique de l’élevage et de la situation initiale de référence pour réaliser la comparaison entre 2013 et 2017. En effet, différentes études de conversion conduites en Normandie sur des conversions viande prédisent généralement une augmentation moyenne de l’EBE correspondant simplement à environ la moitié du montant de l’aide à la conversion bio.A noter que les différentes décisions prises prochainement dans le cadre des soutiens à l’AB risquent elles aussi de modérer significativement le résultat économique de cette exploitation, notamment du fait des incertitudes sur les montants relatifs aux soutiens directs à l’AB, après les 5 années de conversion et d’un possible plafonnement de ces aides par exploitation.Pour tout projet de conversion, vous pouvez contacter vos conseillers spécialisés en conversion bio ou plus particulièrement ceux spécialisés en viande bovine de la Chambre d’agriculture de votre département.

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