Sicamon
La fin annoncée des marchés organisés de Normandie
Cette fin d’année 2008 sera marquée par la fermeture des trois marchés au cadran de Normandie. Les différentes crises rencontrées par l’élevage ne peuvent tout justifier. Jean-Michel Bréard, son président, le sait et l’explique parfaitement.
C’est donc la fin de la Sicamon ce 5 novembre prochain ?
Pas exactement à cette date puisque que le 5 novembre est la première convocation officielle. L’assemblée générale effective se fera le 4 décembre... Nous avions fait le point l’an passé à la même époque autour de l’avenir de notre outil. Nous avions alors reçu un courrier du commissaire aux comptes nous signalant la situation. Il m’interpellait et m’expliquait qu’il fallait trouver une solution pour la continuité de nos marchés. Sinon, c’était le dépôt de bilan. C’est pour cela que l’an passé, nous avons décidé de passer les marchés tous les quinze jours pour diminuer les charges. Nous avons alors licencié le directeur, une secrétaire et un autre poste de secrétaire à mi-temps. On restait ainsi avec une secrétaire à temps plein, un autre mi-temps et des prestataires juste pour le jour du marché, c’est à dire 6 à 7 personnes ponctuellement sur chaque site pour 4 à 8 h de travail selon la place qu’elles occupaient...
Comment expliquez-vous cette fermeture ?
Le manque d’activité est à l’origine de cette fin annoncée. Elle s’explique, en partie, par les différentes crises qui ont secoué le monde de l’élevage ces derniers temps. Nous avons eu la vache folle il y a cinq ans, la fièvre aphteuse aussi qui nous a imposé la fermeture des sites pendant 11 semaines. Et puis, dernièrement, la fièvre catarrhale. Bref, l’effectif s’est donc trouvé en diminution avec des cours en baisse. Résultat, comme l’outil fonctionne avec un pourcentage sur les ventes, vous comprenez pourquoi la Sicamon est en difficulté. Même en limitant les charges comme nous l’avons fait, le déficit est toujours là.
N’y avait-il pas d’autres solutions ?
Tout le monde est déçu. Nous avons essayé de prolonger pendant un an. Seulement, les promesses des éleveurs d’apporter leurs animaux n’ont pas été tenues. Comment pouvons-nous alors faire fonctionner notre outil sur des promesses non tenues ? C’est impossible.
Face à ce constat, nous ne voulions pas aller au dépôt de bilan. Notre commissaire aux comptes nous avez prévenu sur cette possibilité si la situation ne s’améliorait pas. Et il n’était pas question de mettre en difficulté ceux qui travaillent pour la structure depuis des années par une décision comme celle-là.
Enfin, nous voulons aussi que nos actionnaires puissent retoucher le maximum de leurs parts sociales.
Que deviendront les sites ?
Ceux de Lieurey et de Soligny la Trappe sont nos propriétés. Donc, nous allons essayer de les céder. Quant à celui de Saint Pierre sur Dives, nous sommes encore locataires. Nous sommes aujourd’hui en pourparlers avec la communauté de communes pour trouver une solution. Nous étions sous contrat avec elle. J’ai rencontré le président ce lundi, et c’est désormais dans les mains des juristes.
Et comment réagissent les acteurs locaux à ces fermetures ?
A Lieurey, il n’y a pas eu de réactions mais nous n’avons jamais eu de véritable soutien de ce côté-là. A Soligny la Trappe, comme vous le savez, c’est moi le maire. J’en ai forcément des échos. Mon garagiste, par exemple, m’a fait remarquer que c’était une perte directe d’activité car les gens qui venaient au marché se ravitaillaient en gas-oil. Même constat pour les deux restaurants du village avec une vingtaine de repas, chaque mardi, qui disparaissent. Tout est lié et, dans mon village, tout le monde est désolé. C’était même une activité touristique puisque l’été, il fallait voir le monde qui venait découvrir le marché au cadran.
Les critiques face à cette situation doivent pleuvoir ?
De fait, elles existent. Elle s’adresse autant au président de la Sicamon qu’au maire. Cela dit, j’ai une même réponse à ceux qui s’adressent au président comme au maire. Je m’explique : nous sommes cinq éleveurs sur la commune et il n’y en a qu’un qui amène ses bêtes au marché, c’est moi ! Comme pour n’importe quel commerce, c’est d’abord aux gens du village et du secteur d’activité concerné de le faire travailler. J’avais d’ailleurs fait une lettre ouverte adressée à tous les éleveurs, il y a deux ans de cela, en disant : si chaque éleveur amenait seulement 10 % de sa production sur les marchés, nous aurions trop de travail...
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du 30/10/08
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