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Viande bovine
La marge nette négative grippe les projets d’installations

Emmanuel Bloyet, salarié du GAEC des Blandinières à Argentan, souhaiterait s’installer. Mais avec une marge nette négative 2010 de - 107 e/JB (Jeune Bovin) que ne compensent pas les DPU (80 e/animal), la filière bovine ornaise se grippe. 

Excellente participation à la journée viande bovine organisée jeudi dernier par la FDSEA et les JA de l’union cantonale d’Argentan. Le GAEC des Blandinières avait largement ouvert ses portes et le dialogue autour de la problématique: “peut-on encore croire à la filière bovine dans notre région ?” Une mobilisation à la hauteur des enjeux et révélatrice de l’inquiétude des éleveurs. Démobilisation par contre des élus politiques étrangement absents. Ce que n’a pas manqué de souligner Olivier Borel, président de la FDSEA de l’Orne. Quant à la réponse à la question posée : oui, la filière bovine a encore de l’avenir dans le département et la région mais sous conditions suspensives. Tous les acteurs, jusqu’à la grande distribution, doivent construire cet avenir en pavant le chemin autrement qu’avec de simples intentions.

Une absence remarquée des élus politiques
Le GAEC des Blandinières à Argentan. Une belle structure à la périphérie de la sous-préfecture ornaise de 350 ha (224 ha de cultures de vente, 68 ha de maïs et 53 ha de prairies) et qui produit 500 taurillons et 50 bœufs par an.  Aux commandes Philippe et Thierry Thomas, Thierry Hurel épaulés par un salarié, Emmanuel Bloyet, qui ne demande qu’à prendre sa part de responsabilité en intégrant la société. Mais l’installation d’Emmanuel reste encore un projet précaire. Les chiffres parlent. Il est urgent d’attendre pour y voir plus clair.
Un cas loin d’être isolé. L’Orne a enregistré cette année 59 installations (l’objectif était de 90) dont seulement 9 en viande bovine. Tendance identique à l’échelon régional : 350 installations dont 45 en viande bovine. La présidente de JA, Manuella Belliard, affiche à ce titre son inquiétude. “De moins en moins d’installations à cause de questions sans réponses et, parallèlement, des capitaux de plus en plus important à mobiliser”.

Seulement 9 installations sur 59 en viande bovine
Pour inverser la tendance, l’horizon doit s’éclaircir car le bilan 2010 est négatif. Illustration avec des chiffres qu’a commentés en toute transparence Thierry Thomas. “1320 e en moyenne de produit pour 400 animaux vendus cette année avec un coût de production de 1 410 e”. Même les DPU (80 e/bovin) ne permettent pas de joindre les deux bouts. Les équilibres ne sont donc plus tenables d’autant plus que la réforme de la PAC va amputer les compensations européennes. De quoi décourager notre éleveur. “Je suis dans la viande depuis 30 ans. On a vécu des crises mais on savait pourquoi. Par contre, celle-ci dure depuis 1 an 1/2 sans que l’on en comprenne vraiment les causes. Alors, attention. On forme beaucoup de jeunes sur cette exploitation et je constate qu’ils s’orientent de plus en plus vers les cultures que vers l’élevage. En dix ans, on peut mettre à terre l’ensemble de nos outils”. Avant de faire de la résistance : “vive la filière viande ornaise”.

Une marge nette négative par bovin de - 107 e
Une analyse partagée par Daniel Génissel. Pour le responsable viande FDSEA/FRSEA et animateur des débats, “nous sommes dans une impasse. S’il n’y avait pas les compensations PAC, nos exploitations bovines seraient toutes dans le rouge. On ne joint pas les deux bouts”.
Et si les engraisseurs sont dans la panade, les naisseurs sont tout autant démunis. Emmanuel Lenoble, 130 vaches allaitantes et 125 droits PMTVA, est venu témoigner. Cet éleveur de Putanges ne vit que de la vente de broutards et broutardes. “703 e pour les mâles de moins de deux ans. 492 e pour les femelles qui sont devenues invendables”. Son revenu à l’hectare est inférieur à 500 e. “Vu la situation, on a décidé de se convertir au bio”. Moins de moules à veau en perspective.

+ 40 % dans les linéaires de la distribution
Au bout de la chaine, le consommateur profite-t-il de ces cours de la viande atones à la ferme ? Loin s’en faut. Selon les services de l’Etat, le prix payé par la ménagère est passé d’un indice 100 en 1997 à un indice 140 en 2010. Alors y avait-il un coupable, jeudi sous la stabulation, lors de ce débat réunissant producteurs, abatteurs et distributeurs ?
C’est pas moi”, affirme le représentant du Leclerc d’Argentan qui conteste cette évolution. Positionné sur une filière de qualité et de proximité (Blonde d’Aquitaine), les prix sont stables depuis plusieurs années. On aurait presqu’envie de le croire sur parole mais avec le slogan publicitaire de l’épicier de Landerneau “toujours moins cher”, le doute est permis. 
L’enseigne Intermarché avait également répondu “présente” mais en guise de réponse : “je n’ai pas d’avis à donner. Ce n’est pas moi qui participe aux négociations”. Un peu court quand même quand on accepte une invitation au débat.

Des perspectives 2011 meilleures selon SOCOPA
Si la contribution de la grande distribution à éclairer le sujet s’est limitée à la portion congrue, la présence des représentants de SOCOPA/Bigart a constitué un moment fort d’échanges. Son porte parole n’a pas botté en touche même s’il a fait preuve de beaucoup de prudence dans ses propos. “Je ne conteste pas, je confirme même, les chiffres exposés. Mais on sent une tendance qui s’inverse” a précisé Gilles Lechevallier. Quelles perspectives en 2011 ? “Le prix au kg de viande correspondant à un marché sera à la hausse. Il y a des pays qui reviennent sur le devant”. Encore faut-il décrocher ces marchés face à l’Allemagne ou l’Amérique du Sud très compétitives. Gros challenge. “Nous devons faire face à une montagne de contraintes. La France veut laver plus blanc que blanc. Avec la crise de l’ESB, nous avons subi une explosion des taxes or l’ESB est derrière nous. Il faut tourner la page et obtenir des assouplissements”, plaide SOCOPA. Des assouplissements météorologiques notamment ou tout du moins de circulation. “Nous avions des camions bloqués à cause de la neige la semaine dernière en Bretagne. Pendant ce temps, l’Allemagne nous dame le pion tous les matins”. Le groupe SOCOPA Bigart appelle donc à la construction “d’une véritable contractualisation car nous avons en face de nous des poids lourds européens et mondiaux qui font le marché comme JBS au Brésil qui abat en une journée ce que nous faisons en une semaine. Avant de conclure : on fera tout pour faire monter le prix de la viande”.

Dans l’attente de preuves tangibles
Sans doute faut-il aider ces entreprises dans leur chantier de revalorisation des prix en maintenant par exemple la pression syndicale. “Les producteurs ont été relativement patients depuis 3 ans. On pensait que 2010 irait mieux mais ça n’a pas décollé. Il nous faut désormais de vraies perspectives avec des preuves tangibles”, a insisté Daniel Génissel. “On attend que le leader français revalorise le prix de la viande”. D’autant plus que le taux d’approvisionnement, au niveau national, n’est que de 95 % et que les importations de pays tiers n’ont pas explosé. 
Pierre Hermenier, président de l’OP (Organisation de Producteurs) bovine d’Agrial, s’est voulu rassurant. “Je ne peux qu’encourager les éleveurs à continuer. Il faut faire une analyse sur 5 ans. Si le prix des céréales est aujourd’hui élevé, il y a aura un retour de balancier. Baisser les bras aujourd’hui serait une grave erreur. Il faut miser aussi sur la technique notamment la génomique, le sexage...”

Olivier Borel : “un problème politique aussi”
Le président de la FDSEA a regretté l’absence des élus à cette journée “car notre problème est aussi politique. Il ne faut pas qu’ils s’en tirent comme ça. Avec les orientations politiques de la PAC, on va affaiblir les systèmes d’aujourd’hui”. Insistant sur le poids de la filière bovine dans l’économie régionale, Olivier Borel a tout de même rappelé “qu’un jeune ne va pas travailler pour faire vivre des outils. Un jeune s’installe en fonction de la capacité de son projet à dégager un revenu”. Et se tournant vers les représentants de la grande distribution : “c’est bien d’être venus. On vous accuse souvent mais on a raison de le faire. Quand je vois des barquettes pour chien à 2,99 e/kg, ça me fait drôle. Avant de conclure : le combat de la profession est juste”.

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