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Elevage
La protection des matières azotées : un atout pour les vaches hautes productrices

Les protéines tannées ou protégées de la dégradation dans le rumen permettent d'améliorer l'apport de PDI et l'état nutritionnel azoté de la vache laitière sous réserve de maintenir un apport d'azote fermentescible suffisant pour nourrir les microbes de la panse.

L'apport de tourteaux tannés est particulièrement intéressant en début de lactation.
L'apport de tourteaux tannés est particulièrement intéressant en début de lactation.
© REUSSIR

Une plus grande partie des protéines de l'aliment tanné arrive dans l'intestin grêle sans avoir été modifiée ce qui améliore sensiblement sa valeur PDIA, et par conséquent les teneurs en PDIN et surtout en PDIE. Le tannage a également pour effet de réduire l'écart entre les valeurs PDIN et PDIE d'un tourteau. Les tourteaux deviennent alors intéressants pour augmenter la concentration PDI des rations en particulier des vaches hautes productrices. L'apport de tourteaux tannés est particulièrement intéressant en début de lactation afin d'augmenter la fourniture en PDI via les PDIA, à un stade de lactation où le niveau d'ingestion limité de l'animal ne permet pas une production maximale de PDI.

Plusieurs procédés de protection des matières azotées existent. Pour certains l'efficacité est démontrée et importante (le formol) ou limitée (extrusion). Par contre d'autres techniques sont commercialisées sans avoir de références scientifiques reconnues sur les animaux.

 

Le traitement chimique

Le tannage par traitement chimique au formol existe depuis les années 70 et a fait l’objet de brevets INRA. La matière active est un aldéhyde formique (ou formaldéhyde) utilisé de 0.3 % à 0.5 % de la MS. Le procédé consiste à pulvériser le tourteau à une dose précise puis à le brasser (maturation) pour faciliter la liaison avec les protéines et évacuer la partie libre.

Le formol vise à accroître la résistance des protéines à la dégradation dans le rumen grâce à des liaisons chimiques qui ne peuvent être rompues par les bactéries du rumen. En revanche, elles sont détruites aux conditions de pH acides de la caillette ce qui libère la protéine. Celle-ci peut alors être digérée au niveau de l'intestin. La dose utilisée de formol dépend de la teneur en protéine du tourteau.

Le tannage ne modifie pas les valeurs énergétiques des aliments traités. Il est intéressant pour toutes les sources de protéines bien équilibrées en acides aminés tels les tourteaux de soja, colza ou tournesol.

 

Une efficacité reconnue

La réponse laitière (essais INRA ITEB EDE à la fin des années 1970) permet de produire 1 à 2 kg de lait en plus avec une quantité identique de tourteau (1,5 kg brut) et des rations bien pourvues en azote soluble. Ou bien, avec un  même apport de PDIE et PDIN, la quantité de tourteau est réduite en utilisant des produits tannés.

Aujourd’hui, le formol est remis en cause pour des effets cancérigènes mais l'AFSSA a publié en 2004 la note suivante : “L’utilisation du formaldéhyde en alimentation animale, dans les conditions pratiques et le cadre réglementaire actuel, a une incidence minime sur l’exposition du consommateur au formaldéhyde et ne contribue pas à accroître pour l’homme les risques potentiels associés à l’exposition par voie orale au formaldéhyde endogène provenant des produits d’origine végétale et animale”.

Le formol est donc toujours autorisé en alimentation animale mais il est peut être en sursis.

Dans ce contexte, certains fabricants se sont tournés vers les tanins végétaux comme une alternative au formol en mettant en avant le risque santé.

 

Les tanins : une protection naturelle

Les tanins sont naturellement présents chez les végétaux. Ce sont des composés phénoliques de nature variée et souvent complexe qui forme une famille de macromolécules. Ils agissent comme un moyen de défense des végétaux contre les herbivores par un effet d’inappétence et de cicatrisation des parties consommées.

Ils sont répartis en 2 classes,  hydrolysables ou condensés.

D'après la littérature, relativement abondante, les tanins condensés sont présents naturellement dans de nombreux végétaux (chêne, acacia, raisin graine de sorgho, acacia, esparcette, sainfoin, féveroles,…). Les légumineuses fourragères en contiennent aussi (2 à 10 % de la matière sèche). Ils sont de loin les plus abondants.

Les tanins hydrolysables sont produits industriellement lors du traitement des bois.

C’est le cas des tanins de châtaigner commercialisés aujourd’hui pour diminuer la dégradation des protéines dans le rumen.


Des liaisons avec les protéines dans le rumen

Les tanins peuvent former des liaisons plus ou moins stables selon le pH, la nature et la quantité de tanin fixé et la nature du substrat, avec les protéines, mais aussi avec les  glucides (cellulose, amidon, ...) et les métaux. La fixation de tanins se fait préférentiellement sur les protéines au moment de l’ingestion grâce à la salive et au temps de présence dans le rumen. Les enzymes ne sont alors plus actives dans le rumen sur les protéines liées aux tanins. L’activité microbienne est donc diminuée surtout avec les tanins condensés. Ils permettent une limitation de la production d’ammoniac, d’AGV et de gaz dans le rumen.

C’est donc une forme de protection des protéines dans le rumen : la fraction PDIA est donc supérieure à la sortie du rumen, la fraction PDIMN serait diminuée. La baisse de l’activité microbienne n’est cependant pas toujours observée avec les tanins de châtaigner.

Dans la caillette, le pH acide (2-3) rompt les liaisons tanins protéines qui deviennent alors accessibles aux enzymes pour une digestion.

 

Les tanins de châtaigner : des compositions variables

Les tanins de châtaigner sont hydrolysables et plus faciles à utiliser en alimentation des ruminants. L’effet tannant sur les protéines animales était connu en même temps que l’apparition de la technique de tannage au formol qui s'est développée en raison de la possibilité de son développement industriel. Lors de la fabrication des panneaux de bois agglomérés, les “eaux blanches” sont chargées en tanins, récupérés et utilisés en alimentation animale.

Le produit “agent tannant” n’est pas composé à 100 % de tanins. Il comporte aussi des celluloses, hémicellulose, sucres solubles, azote, minéraux. Les procédés de fabrication entraînent des compositions différentes (copeaux de bois macérés, eaux blanches des menuiseries industrielles,..). Il est donc important de connaître la part de tanins (27 à 77 %) dans le produit vendu et éventuellement sa valeur UFL.

Il est important de savoir s’ils ont été en contact (macération) avec des tourteaux ou s’ils ont été mélangés “à sec”. Ils se présentent alors sous forme déshydratée en poudre.

Le temps de contact en milieu humide influe sur la liaison tanin protéine, cependant cette liaison se met en place rapidement.

 

Alimentation des vaches laitières : une efficacité à valider

Beaucoup d’études ont été réalisées in vitro, surtout avec des tanins condensés. Il en existe peu sur bovins. En dehors des travaux des firmes, ils existent peu d’essais publiés sur des vaches laitières avec une comparaison de 2 lots en station expérimentale. Deux essais ont été publiés. Le premier a été réalisé en 1990 à la station de Ognoas (ARPEB-Institut de l’élevage 64) avec un correcteur tanné composé d'un mélange de tourteau de soja, colza, tournesol enrichi en tanins.

Dans cet essai seul le taux d’urée est significativement différent, même si la production laitière est légèrement supérieure pour le lot “tanné”.

L’aliment tanné, s’il n'a pas montré de différences significatives a cependant été distribué en quantité plus faible et complétée avec de l’urée.

L’effet “tanins” est difficile à mettre en évidence car les correcteurs utilisés étaient composés de matières premières différentes. Cependant la valorisation des PDI a été démontrée avec des valeurs PDI estimées du mélange de tourteaux de l’ordre de 300 g de PDIN et 320 g de PDIE par kg.

Un deuxième essai réalisé à la station expérimentale de l'ESA ANGERS en 1991 a montré que le lot recevant un aliment tanné a produit de manière significative plus de lait (+ 4 %), sans faire varier les taux.

 

Encore beaucoup d'imprécisions

Il existe certainement un effet tannant. Il est cependant difficile à préciser comme avec le formol. Les valeurs PDI sont par ailleurs difficiles à estimer.

Les méthodes des essais sur le sujet divergent, avec des protocoles différents et il existe peu de résultats sur vaches laitières en début de lactation.

Les sources de produits tannants sont variées avec des écarts de composition : il n’y a pas un produit standard “tannins de châtaigners”.

Dans toutes les publications, des phénomènes restent inexpliqués, voire contradictoires avec d’autres résultats.

La pression commerciale, voire les arguments santé, sont mis très en avant sans le volet technique qui les accompagne.

Faute de mieux, nous retiendrons les effets enregistrés sur la production laitière soit la possibilité de réduire de 20 à 25 % la distribution soja avec un aliment correcteur tanné à base tourteau de soja, colza et tournesol et 200 g d’urée.

De nombreuses interrogations

L’estimation de la valeur PDIE mais aussi des PDIM reste posée ; il n’y a pas aujourd’hui de références sur le sujet.

L’analyse en laboratoire ne permet donc pas d'estimer des valeurs PDI puisque les liaisons s'opèrent au moment de l'ingestion.

Le ralentissement de la digestion notamment dans le rumen diminuerait l’ingestion. Ceci n’est pas toujours observé avec les tanins de châtaigner mais la durée journalière des repas est plus longue. Par contre, l’azote urinaire est diminué, ainsi que le taux d’urée du lait.

La recherche n'a pas répondu à toutes les interrogations :

1. La flore du rumen de ruminants sauvages s’adapte avec des souches capables de dégrader les tanins. Quel est l'effet à long terme de l'utilisation de tanins sur des vaches laitières ?

2. Lors de l’ingestion, la salive est plus riche en AA (proline) ayant une affinité élevée avec les tanins condensés, qui se lient aux tanins et transitent alors dans le tube digestif sans effet sur les protéines alimentaires. Cet effet a été constaté sur des mammifères consommant des plantes riches en tanins condensés. La question reste posée pour des vaches qui consommeraient de manière continue des tanins.

3. Les tanins peuvent se lier à toutes protéines, notamment aux enzymes digestives (trypsine dans la caillette,) et ralentir leur dégradation. Le complexe tanin trypsine peut ensuite être dégradé dans l’intestin mais une partie insoluble peut se retrouver dans les bouses.

4. La dégradabilité de l’azote est diminuée dans le rumen, mais aussi dans la caillette et l'intestin. Les résultats sont contradictoires entre essais.

5. Toutes les PDIA apportées en plus dans l’intestin ne seraient pas tous digérées, mais cependant la quantité totale digérée serait plus importante avec les tanins.

6. A des doses trop élevées les tanins tannent trop, les effets diffèrent selon le type de protéine (pois, soja ou arachide) et l'expression des doses à apporter ne sont pas toujours explicites (% de tourteau, de la MAT de la ration ou de la MS de la ration).

Pour l'instant aucun essai n'a été fait avec le tourteau de colza.

 

L'extrusion : pression et chaleur

Ce procédé consiste à compresser un aliment pour obtenir une masse semi-solide que l'on force ensuite à s'écouler à travers un orifice de petite dimension et de forme déterminée (la filière), sous l'action de pressions et de forces de cisaillements élevées, grâce à la rotation d'une ou deux vis d'Archimède. L'échauffement, qui en résulte, provoque une cuisson du produit, par la fusion de l'amidon dans le cas des céréales, d'où le terme de cuisson-extrusion, puis une expansion par évaporation de l'eau en sortie de filière. Pour les sources azotées, la part d'azote dégradée dans le rumen est diminuée en faveur des protéines digestibles dans l'intestin.

L’extrusion est une technique éprouvée, avec des valeurs PDI des matières premières extrudées connues qu'on retrouve dans les tables de l'INRA.

Pour les graines protéagineuses et oléagineuses, l'extrusion permet de réduire la dégradabilité ruminale des protéines et d'accroître ainsi fortement les valeurs PDIA, PDIN et surtout PDIE (la fraction PDIE est presque doublée).

En revanche, la valeur énergétique n'est pas ou peu modifiée (exemple du lin). Toutefois, l'extrusion du pois augmente la dégradabilité de son amidon, d'où l'augmentation des valeurs UFL.

Ces aliments sont fréquemment introduits dans les aliments composés pour leur conférer des caractéristiques particulières (valeur azotée, digestibilité de l'amidon, acides gras disponibles,…).

 

Le toastage avec le chauffage

Pour les tourteaux, il s'agit en principe de chauffage indirect par la vapeur dans les doubles parois d'un chauffoir à étages. Le toastage accroît sensiblement les valeurs PDIA, et donc les valeurs PDIN et surtout PDIE. Sont toastés : la féverole colorée, le lupin bleu, le pois, la graine de soja et les tourteaux de colza, de coton et de tournesol.

Ces matières premières étant plus denses en énergie et en azote, elles conviennent dans la fabrication d'aliments composés destinés  aux animaux à forts besoins, tels que les veaux ou vaches en début de lactation.

 

Les huiles essentielles : peu de références sur animaux

Les huiles essentielles ne sont pas des matières grasses mais “des extraits de plantes et d'épices” obtenus par distillation puis fixés sur de l'huile.

Les industriels en retirent des “substances aromatiques et apéritives”. C'est donc le mot “essence” qu'il faut retenir et non celui d'huile. Ces extraits peuvent provenir de nombreuses plantes (thym, origan, d'origan au thymol, de cannelle, d'aneth,…) et une huile essentielle peut contenir plusieurs molécules différentes.

Les huiles essentielles  ralentiraient le catabolisme des protéines par les bactéries du rumen. Il en résulterait une baisse de la dégradation des protéines dans le rumen, d'où une moindre production d'ammoniac. Ces protéines, peu dégradées, se retrouveraient dans l'intestin augmentant ainsi la valeur PDIA de la ration.

A notre connaissance, il n'existe pas d'essais réalisés “in vivo” sur des vaches laitières. Seuls des essais “in vitro” ont été publiés. L'effet des huiles essentielles sur la flore microbienne du rumen peut être très variable. Il peut être progressif ou drastique sur l'ensemble des activités microbiennes, soit toucher plus spécifiquement une activité ou une population microbienne. Une petite variation de la composition peut avoir des conséquences négatives importantes et la recherche d'interactions positives dans les mélanges d'additifs pourrait être intéressante.

Il semble exister des doses intéressantes qui permettent une réduction de l'activité protéolytique de la flore ruminale sans perturber son fonctionnement normal.

Par ailleurs, l'efficacité du produit semble être variable en fonction du type de ration (amidon ou fibres). On voit là toute la difficulté d'utiliser les huiles essentielles et pour l'instant nous n'avons pas de référence scientifique pour accorder du crédit à cette technique de protection de matières azotées.


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