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Laurent Beauvais (président de Région) : "accélérer les mesures structurelles pour faire face à la crise de l'élevage"

En réponse à la crise de l'élevage, le président de la Région Basse-Normandie répond : "il y a urgence à accélérer les mesures structurelles". Il proposera aujourd'hui, en session plénière, 4 M. EUR supplémentaires sur les MAEC.

© TG

La dernière session plénière de la Région avant les élections (6 et 13 décembre prochains) se tient aujourd'hui et demain à l'Abbaye-aux-Dames à Caen. "Clap de fin" donc pour Laurent Beauvais qui préside la Basse-Normandie depuis 2008 mais ne candidate pas à la Normandie réunifiée. Entre la campagne qui a mal à son élevage et la campagne électorale qui monte en puissance, entretien.

Sur le front agricole, l'été a été très chaud. Aviez-vous pressenti à ce point le désarroi des agriculteurs et plus particulièrement celui des éleveurs ?
Un élu, et moi particulièrement, bouge. Je suis sur le terrain, dans les foires, je rencontre les professionnels, les élus des Chambres d'agriculture, les syndicats agricoles... Alors "oui", ce désarroi, je le sentais venir depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. J'ai ressenti aussi ces difficultés à travers cet outil qu'est "Solidarité Paysanne" et qui capte les problèmes de la profession.
Et puis, je ne suis pas Caennais, je suis Argentanais et élu intercommunal. Je rencontre donc dans mon quotidien des agriculteurs avec qui j'échange. Ce qui est à relever, c'est le "à ce point", la force de l'expression combinée à un effet médiatique évident.
Parallèlement, je note que nous entrons dans une phase électorale. Je me souviens de l'apparition de l'APLI avec les problèmes laitiers. C'était en 2010, juste avant les élections.
Il y a des cycles électoraux et des cycles de crises agricoles qui parfois coïncident. C'est presque le cas aujourd'hui. Mais "oui", je connais les difficultés de l'agriculture et plus particulièrement celles du secteur de l'élevage particulièrement important dans l'économie bas-normande. C'est une de nos caractéristiques.

Les actions ont été plus ou moins musclées. Quel est votre sentiment d'élu d'un exécutif ?
Il ne faut pas qu'il y ait de dérapage. L'ordre public est à respecter par tous. Ce que je dis là à propos des agriculteurs vaut aussi pour le monde ouvrier.
On a vu certaines fois des manifestations aller trop loin, au-delà de ce que les autres personnes peuvent comprendre et c'est vrai qu'une partie des citoyens n'a pas compris quelques excès durant cet été. Maintenant, il faut vite cautériser tout cela, remettre de la cohésion sociale sur tous les territoires, entre les agriculteurs, entre les salariés.
Mais quand une entreprise annonce sa fermeture, c'est très dur psychologiquement pour les salariés, je pense aux jeunes couples et je l'ai vécu à Argentan. On peut aussi comprendre cela. Il y a des manifestations parfois violentes parce que le désarroi est violent.

L'agriculture, française et régionale, souffre de problèmes structurels mais a besoin aussi de mesures d'urgence.
Est-ce de nature à peser sur la politique que vous menez à travers et en dehors des fonds européens dont vous assurez la gestion ?
Les questions agricoles s'expriment toujours de façon un peu binaire ou selon une dialectique que l'on connait depuis longtemps. Il y a les crises et donc l'urgence avec ses commentaires : "oui mais le modèle agricole, il faut le faire évoluer..." On parle alors de mesures à long terme, de mesures structurelles. Les collectivités territoriales, la Région particulièrement, ont en charge l'avenir, en charge le long terme, en charge toutes les problématiques structurelles afin que l'économie agricole bas-normande puisse évoluer favorablement. La Région n'est donc pas, dans sa responsabilité directe, chargée de gérer les urgences. C'est l'Etat qui a en charge la solidarité nationale et l'Etat a pris des mesures (Fonds d'Allègement des Charges, année blanche...) avec lesquelles, certes, on peut ne pas être d'accord.

Vous n'allez donc pas faire évoluer votre politique agricole ?
Je vais employer une formule : il y a urgence à accélérer les mesures structurelles. Pour ce faire, je vais proposer à l'assemblée plénière de remettre 4MEUR sur les MAEC (Mesure Agro Environnementale et Climatique) qui sont des mesures sur lesquelles beaucoup d'agriculteurs ont inscrit leur volonté de soutiens venant de crédits européens, de l'Etat et de la Région. Je veux traduire cette idée d'agir de façon forte mettant ainsi en urgence l'accélération de mesures structurelles pour espérer éviter d'autres crises aussi brutales. Cela passe aussi bien sûr par des prix rémunérateurs et des réductions de charges.

Vous répondez MAEC alors que dans les manifestations cet été, le syndicalisme agricole (et pas que FNSEA) a dénoncé des mesures environnementales trop contraignantes, inadaptées, injustifiées. Ne pensez-vous pas, qu'en la matière, les élus sont plus préoccupés par le "politiquement correct" que par une gestion pragmatique des problèmes?
Ce que je vous dis là, c'est plutôt une façon pragmatique de voir les choses. Je ne suis pas réputé pour être un idéologue. Après, le politiquement correct, je ne sais pas trop ce que cela signifie. Je relève quand même que dans vos propos, quand vous évoquez "des mesures environnementales trop contraignantes", je ne pense pas moi qu'elles soient injustifiées. On l'entend mais je crois que c'est faux. Les problèmes environnementaux s'imposent à tout le monde. Qu'on soit agriculteur, industriel ou simple individu dans la gestion de son propre environnement... Nous sommes dans une société qui est en train de vivre une mutation écologique. Il faut l'intégrer. Il faut que nous nous mobilisions, que nous nous adaptions, que nous nous préparions à cela.
Par contre, sur la traduction de cette justification auprès de tous les habitants de cette planète, dont les bas-normands, nous devons être vigilants. Les instructions que je donne moi même à mes propres services sur ces dossiers ne doivent pas aboutir à des comportements ou des procédures qui fassent oublier l'essentiel. Tout le monde a besoin aujourd'hui de pragmatisme pour calmer les passions, pour remettre la raison au devant du sujet.

L'agriculture française, et sans doute aussi l'industrie,  perd du terrain à l'international par manque de compétitivité. N'y voyez-vous pas là les conséquences de notre propension à vouloir toujours laver plus blanc que les autres ?
Les règles de l'Europe sont censées s'appliquer à tous les pays et donc à toutes les agricultures. Il y a effectivement une traduction française qui peut être différente d'un pays à l'autre et il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas d'excès de zèle.
Néanmoins, je reste très prudent sur ce discours de notre agriculture à l'international. Si on suit cette logique jusqu'au bout, c'est quoi ? Ce sont des prix plus bas puisque la compétition internationale nous amène à nous confronter avec des pays où les prix sont naturellement bas.
Alors la compétition à l'international, "oui", mais sur des produits normands à valeur ajoutée comme les AOC ou les AOP. Tous ces produits qui sont une marque d'identité régionale et qui font vivre beaucoup d'agriculteurs. C'est là que la compétitivité doit porter et non pas sur les matières premières. Non pas sur des produits non transformés. Non pas sur des produits non valorisés sur notre territoire. Si on joue à ce jeu-là, on joue le jeu de l'appauvrissement, de la réduction d'emplois et celui de la baisse des prix... Ce n'est pas dans ce sens que nous souhaitons aller.

Si on prend le dossier différemment, on cultive des OGM en Espagne qui exporte de la viande de porc en France. Arrive dans nos ports du soja, en grande partie OGM, Nord ou Sud-Américains . Par contre pas le droit d'en cultiver en France. On ne se tire pas une balle dans le pied ?
La question des OGM reste sensible. J'ai un point de vue personnel. Je suis très perplexe et de nombreuses études scientifiques, encore récemment, me confortent dans ce sens. Les effets directs ou secondaires des OGM ne doivent pas nous amener à entrer dans ce jeu la. Il faut inciter le consommateur à choisir les bons produits, à les identifier. Cette logique, qui consiste à faire croire qu'il faut cultiver des OGM pour être compétitif, ne me convient pas.

Pas très loin de Rouen, la ferme des 1 000 vaches. Quel est votre seuil de tolérance par rapport à la taille d'un troupeau ?
Cette question nous renvoie à ce que je formulais précédemment. Faut-il être compétitif et faire baisser les prix pour aller à l'international ? Cette symbolique de la ferme des 1000 vaches a pris un tour assez exceptionnel, très médiatisé, sans doute déformé mais la moyenne en Basse-Normandie, c'est 70 vaches par atelier. Je ne pense donc pas que ce modèle soit viable pour notre région. Ce qui est important, c'est que nous conservions le plus grand nombre d'agriculteurs. Les emplois, ils sont là. Il faut privilégier, demain, des exploitations à taille humaine.

Mais le consommateur normand, en ce moment, il trouve dans les linéaires de la région du lait issu d'ateliers de plusieurs milliers de vaches situés dans les ex-pays de l'Est ?
Absolument. Nous sommes certes dans une économie de marché mais le système ne fonctionne que si on va au bout de la chaine. Il y a une exigence à développer pour que le consommateur puisse identifier le produit qui répond à un enjeu territorial, à un projet normand de société. Si on veut que les agriculteurs de Normandie vivent de leur métier, encore faut-il que le consommateur achète et consomme ses produits.

Au-delà des difficultés des agriculteurs, il y a aussi des outils amont et aval. Certains affichent une excellente santé. D'autres sont à la peine. La Région peut intervenir ?
Bien sûr. Il y a dans le politique de la Région tout le volet agroalimentaire et des coopératives que nous soutenons. Citons AIM que nous avons aidé avec d'autres collectivités. Derrière, il y a CAP 50 et des éleveurs de porcs. Isigny-Ste-Mère qui exporte de la poudre de lait infantile vers la Chine. Ce sont des producteurs de lait. Les Maîtres Laitiers du Cotentin qui va investir à Carentan (50), 200 emplois à la clé, avec le soutien de la Région. Un dernier exemple avec notre implication dans la filière cidricole (Agrial) du côté du Theil-sur-Huisne (61).
Tout cela illustre l'action profonde de la Région envers l'agroalimentaire de notre territoire. En aidant les coopératives et en aidant les transformateurs, nous servons l'intérêt commun.

Dans ces mêmes colonnes l'an dernier et à propos de la tête de liste aux futures élections régionales, vous indiquiez qu'il faudrait "à gauche, choisir le meilleur candidat". Vous n'étiez pas la personne idoine ?
Permettez-moi tout d'abord de rappeler que je suis candidat. Il y a des gens qui pensent que je disparais. "Non", je suis tête de liste dans l'Orne mais je ne suis pas candidat à la présidence de la nouvelle Région. C'est mon collègue de Haute-Normandie, Nicolas Mayer-Rossignol, qui l'est. Je ferai campagne à ses côtés et plus particulièrement dans mon département.
Ensuite, ce choix, c'est le résultat d'une discussion, d'un arbitrage qui n'a pas fait la Une des journaux, qui n'a pas révélé de profondes déchirures entre nous. Il n'y a pas eu de primaire. C'est un choix raisonné qui s'est opéré dès janvier.

Mais pourquoi pas vous ?
J'ai été élu vice-président de Région en 2004 puis président en 2008 derrière Philippe Duron. Elu sous mon nom en 2010. Cela fera donc 7, presque 8 années, de présidence. J'ai une grande satisfaction de ce que j'ai fait. Je pense avoir travaillé pour l'avenir. Après, il y a des moments dans la vie où il faut faire des choix. Je n'éprouve aucune amertume.

Les sondages nationaux donnent la gauche en mauvaise posture, quel est votre sentiment ?
Pensez-vous que cette élection se jouera sur un bilan de mandature ou sur des notions de politiques générales hexagonales ?
Je suis confiant pour deux raisons. La première, c'est qu'avec Nicolas Mayer-Rossignol, nous constituons un ticket d'élus qui sort d'une gestion de collectivités. Des collectivités qui sont bien gérées. Des collectivités qui ont mis en avant de grands projets pour l'avenir et, dans ces grands projets, nous n'avons pas oublié l'agriculture. Nous avons l'expérience pour appréhender la nouvelle Région qui est quelque chose de complexe.
Deuxièmement, nos politiques ont été couramment approuvées par tout le monde en assemblée plénière. Je pense aux énergies renouvelables, à la filière équine, au Mont-St-Michel... Autant d'actions menées, admises, parfois même  applaudies, et confortées par des coopérations avec les Départements de la Manche, du Calvados et de l'Orne encore dernièrement avec le Haras du Pin...
Cependant "oui", il y aura une dimension de politique nationale dans la campagne, une dimension politicienne, polémique. Mais sur le fond, les électeurs qui vont s'intéresser à ce que sera la Normandie demain, vont regarder ce qu'ont fait les uns et les autres? Ce qu'en disent les uns et les autres et nous avons un atout. Je l'entends autour de moi, on me le dit : "votre bilan est plutôt bon". Je ne vais pas en rajouter là-dessus, mais honnêtement il n'y a pas eu d'erreur de commise, pas d'échec majeur. Certes, il y a le contexte national, l'économie ne marche pas, il y a trop de chômage évidemment, mais les programmes comme les actions que nous avons lancés sur tout le territoire sont compris et porteurs d'avenir.
Cela me permet de penser que tous les espoirs sont permis pour que la gauche pilote demain la Normandie.

Néanmoins, en cas de défaite de la gauche, siègerez-vous à la nouvelle assemblée ou laisserez-vous votre poste ?
J'en connais qui se sont présentés et qui, ayant perdu, sont partis. Je ne suis pas de cette école-là. Même en cas de défaite, je siègerai.

On attendait de cette réforme territoriale notamment des économies d'échelle. Cela semble moins évident aujourd'hui. Que pouvez-vous en dire?
J'ai une expérience, certes plus modeste, de fusion de communautés de communes. Alors "oui, évidemment", il y aura des économies. Mais, quand on fusionne, au départ, on additionne, on ne soustrait pas.
Après seulement avoir additionné, on construit, on avance et c'est là que la Région Normandie, comme les autres Régions, fera au fil du temps des économies. On a d'ailleurs déjà commencé puisque les deux régions passent déjà des marchés ensemble. Ce qui génère des économies d'échelle.
Au-delà de ces mécanismes qui créent une dynamique d'économies, il faut créer des dynamiques de richesses. Je suis réunificateur depuis toujours et j'ai toujours dit que la réunification constituait une dynamique territoriale, un accélérateur de richesses. C'est aussi une façon de faire des économies. C'est même plus constructif que de vouloir réduire des moyens vis-à-vis de ceux qui attendent plus de services. Je pense par exemple au ferroviaire...

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