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Le round-baller a sauvé le lin

La culture du lin doit une fière chandelle au round-baller présenté au SIMA 1974 par la société Howard-Rotavator. Sans cette technologie tout en rondeur, la Normandie aurait dit adieu à la petite fleur bleue. Entretien avec 3 frères de lin coopérateurs.

© TG

Avec plus de 11 000 visiteurs, l’exposition “L’histoire du lin d’hier, d’aujourd’hui et de demain” qui s’est achevée samedi a remporté un vif succès. Mais au départ de cette saga linière, il ya des hommes passionnés. Rencontre avec Jean-Paul Vermès (président de la coopérative linière de Villons-les-Buissons/14 de 1993 à 2004), Joël Pestel et Philippe Griveau (administrateurs de ladite coopérative depuis respectivement 1974 et 1988).

De la gerbe en vert à l’enrouleuse en passant par la petite botte
Au départ, il y a avait la petite gerbe en vert. Puis vint le temps de la petite botte “avec une presse Rivière-Casalis qui ne coupait pas alors il fallait le faire manuellement pour désolidariser les bottes entre elles. Un boulot énorme et ingrat”. Enfin, fin des années 1970, celui de l’enrouleuse qui va définitivement ancrer la culture de cette plante aux pouvoirs étonnants à un terroir d’exception, celui du nord de Caen.
Joël Pestel (Courseulles-sur-Mer) a acheté le sien en copropriété (à 5) en 1979. “Un Vermeer qui offrait l’avantage de réduire la vitesse des courroies et d’accélérer celui du pick-up pour un enroulage de bien meilleure qualité”. A n’en pas douter, la révolution est en marche. Elle va même s’accélérer à la faveur de la stratégie adoptée par la coopérative : 21 rounds achetés d’un coup “et certains tournent encore”, s’amuse Jean-Paul Vermès. En 2 - 3 ans, le round s’est définitivement imposé”.
Mais si ça enroule dans la plaine de Caen, il faut que ça déroule du côté de l’usine de teillage. Villons s’est équipé en 1979 de son premier dérouleur et doublera sa ligne quelques années plus tard. C’est désormais toute  la chaine lin qui tourne rond, jusqu’à la filasse en balle de 100 kg, en 2003. La balle carrée n’a aucune chance d’entrouvrir la porte, sauf dans les tris.

Des risques mais du revenu
Le lin est une culture à risques. “A la récolte avec celui de la verse. Au moment du rouissage en cas de déficit hydrique. A l’enroulage si on loupe la fenêtre de tir. Jusqu’à la commercialisation si les cours sont déprimés”. Une culture stressante juge Philippe Griveau mais le lin vous le rend bien. “Sur une moyenne décennale, c’est toujours avec le lin que j’ai dégagé mes meilleures marges”, reconnait Joël Pestel.
Des hauts et des bas, la vie est ainsi faite, comme en 1965, année exceptionnellement humide. “Il avait plu tous les jours alors l’armée est venue nous donner un coup de main pour les rentrer”. L’armée qui remettra le couvert en 1973 avec le maïs puis en 1976 avec la paille.
1981, autre année du changement, a laissé un triste souvenir à nos liniculteurs. “Le rouissage ne voulait pas se faire. En octobre, le lin n’était toujours pas rentré. On avait même des problèmes pour le bruler parce qu’il ne voulait pas prendre”. L’assurance récolte n’existait pas alors. A contrario, 1994-1995 fut un très bon cru suivi d’un profond marasme. “Ce sont des cycles. Pour gagner sa vie, il faut un prix mais aussi une récolte”.
Cette récolte en 1963, c’était 520 ha pour 3 400 t, 10 % d’étoupes, beaucoup de déchets et 14 % de filasse. On dépasse aujourd’hui les 20 %. La professionnalisation des liniculteurs du nord de Caen, “on voulait égaler nos homologues du Pays de Caux-76,” a dopé les rendements. Le progrès génétique aussi.

Lasson, Jort, Verson, Moult, Vendeuvre...
Lasson, Jort, Vendeuvre, Verson, Moult (...), une époque où il fallait les deux doigts de la main pour lister tous les outils de teillage du département. Il n’en reste désormais plus que 3, un privé (Depestel à Bourguébus) et deux coopératifs (Cagny et Villons). L’assemblée générale constitutive de la coopérative de Villons s’est tenue le 25 octobre 1961 à la Maison du Paysan à Caen sous l’impulsion de Paul Lemarinier (décédé en 1973). Il s’agissait à l’époque de faire barrage aux Belges qui captaient le marché et sans doute aussi la valeur ajoutée.
Vont ensuite se succéder à la présidence André Barbot durant 20 ans, puis Jean-Paul Vermès 1993/2004) et enfin Henri Pomikal. Un président que le dossier lin passionne depuis plusieurs années. Dès 1992, il soutient un projet de création de GIE entre Villons, Vendeuvre et Cagny. “Tout est parti d’une réflexion engagée par les jeunes du CDJA du Calvados sur l’obligation de maintenir à tout prix le potentiel de teillage du département”, défendait-il dans les colonnes de l’Agriculteur Normand à cette époque. Mais de mariage coopératif, point à l’horizon. Juste des fiançailles privées en 1993 avec les Ets Durel (Sainte-Croix-Grand-Tonne). “Pas de prix, pas de surface, il fallait trouver des solutions pour sauver notre outil”, explique Jean-Pierre Vermès. L’alliance va être détricotée en 1997, Durel passant sous le giron Depestel (propriétaire de l’outil de Bourguébus).
En 2015, le mariage entre les deux outils coopératifs du département est-il envisageable ? Tout est toujours possible mais ce n’est pas d’actualité. Les deux outils sont compétitifs et l’agglomération de Caen sépare Villons de Cagny. Un obstacle rhédibitoire pour les linières.

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