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Le TTIP et l’agriculture

En négociation entre l’Europe et les Etats-Unis, le Partenariat Transatlantique de commerce et d’investissement suscite beaucoup de réactions.

© CA NORMANDIE

Après l’accord conclu avec le Canada, la Commission européenne a ouvert en été 2013 les négociations pour aboutir à un accord commercial international avec les Etats-Unis. Son intérêt principal serait de relancer les économies de ces deux partenaires commerciaux. Cependant, les divergences et les sources de tension sont nombreuses, notamment dans le secteur agricole.

La Commission négocie

L’accord commercial discuté est affublé de plusieurs noms : le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (en anglais TTIP : Transatlantic Trade and Invesment Partnership), ou le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA : TransAtlantic Free Trade Area). Il prévoit la création d’une zone de libre-échange transatlantique, c’est pourquoi il est aussi souvent appelé grand marché transatlantique.Depuis 2013, la Commission européenne mène les négociations au nom de l’Union. Côté américain, c’est le bureau du représentant américain au commerce. Comme pour l’accord avec le Canada, le TTIP devra être approuvé par le Conseil des ministres européens, puis ratifié en bloc par le Parlement européen et les 28 Parlements nationaux. Il devra aussi être approuvé par le Congrès américain.


Quels sont les sujets en discussion ?

Quatre grands sujets sont posés sur la table des négociations.
• Abolition des droits de douaneLes Etats-Unis, comme l’Union européenne, appliquent déjà des droits de douane relativement faibles sur les importations de produits industriels (moins de 2 % en moyenne dans les deux sens). Mais la protection est plus élevée dans l’agriculture de part et d’autre, notamment en produits laitiers et viandes.
• Harmonisation des normesC’est un sujet important. Les accords devraient induire “une harmonisation progressive des règlementations et la reconnaissance mutuelle des règles et des normes en vigueur”. Les mesures destinées à assurer la sécurité alimentaire des produits consommés font partie de ce volet et dénotent une approche radicalement différente de part et d’autre de l’Atlantique. Le différend de longue date sur le bœuf aux hormones en est un exemple. 
• Ouverture des marchés publicsL’accès aux marchés publics est un autre sujet sensible, sur lequel les européens estiment avoir beaucoup à gagner. Le Buy American Act, le Small Business Act ou encore le Recovery Act induisent des restrictions d’accès des fournisseurs étrangers aux marchés publics des Etats-Unis. Les droits de propriété intellectuelle, les indications géographiques, la concurrence ou les monopoles publics sont aussi concernés par cette question.
• Règlement des différends investisseurs - EtatsL’accord devrait inclure un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats. Ce type de disposition est présent dans de nombreux traités de libre-échange. Le but est de donner plus de pouvoir aux entreprises face aux Etats.

Risques et opportunités pour les secteurs agricoles et agroalimentaires européens

Actuellement les échanges de produits agricoles et agroalimentaires entre l’Europe et les Etats-Unis sont relativement peu importants. Environ 8 % des importations agroalimentaires de l’UE proviennent des Etats-Unis et 13 % des exportations européennes agroalimentaires sont à destination du marché américain. C’est un commerce très concentré sur un petit nombre de produits : 54 % des exportations agroalimentaires de l’UE vers les Etats-Unis sont des boissons (dont 80 % pour la France).Alors que les droits de douane entre les Etats-Unis et l’Union européenne sont faibles dans l’industrie, ils sont relativement élevés dans le secteur agroalimentaire. Les trois secteurs agricoles qui ont les droits de douane les plus élevés à l’importation américaine sont le tabac (protection moyenne de 21,8 %), les produits laitiers (20,2 %) et le sucre (18,7 %). Ils sont de plus souvent encadrés par des contingents qui limitent les entrées.Les droits de douane appliqués par l’Union à ses importations agricoles en provenance des Etats-Unis sont bien plus élevés que les droits américains : 45,1 % pour la viande, 42 % pour les produits laitiers, 24,3 % pour le sucre et 22,4 % pour le tabac…Mais plus que les droits de douanes, ce sont les mesures non tarifaires qui limitent les échanges commerciaux (normes sanitaires, phytosanitaires et environnementales). Ces mesures sont nombreuses et diverses. On peut citer l’embargo des Etats-Unis sur la viande bovine européenne, consécutive à l’épidémie d’Encéphalite Spongiforme Bovine ou l’interdiction d’utilisation d’acide lactique comme exhausteur de goût dans l’Union européenne qui ont empêché tout échange de certaines variétés de viandes. De même, OGM, bœufs aux hormones, ractopamine, utilisation des pesticides et additifs, traitement de réduction des agents pathogènes (traitement au chlore)… sont autant de sujets où les règles d’utilisation sont différentes de part et d’autres de l’Atlantique et contraignent les échanges actuels. Une libéralisation accrue des échanges, sans convergence de la législation pourrait générer des distorsions commerciales conséquentes.Des premières études d’évaluation indiquent que les secteurs agroalimentaires européens qui bénéficieraient des gains les plus importants en termes d’exportation vers les Etats-Unis seraient les secteurs des produits laitiers, des produits transformés comme les vins ou les spiritueux, et sous certaines conditions d’accès au marché le sucre et le biodiésel.Dans le même temps, d’autres secteurs devraient faire face à une forte concurrence. Le secteur bovin viande en particulier serait très vulnérable. Les productions européennes d’éthanol, de volailles et de maïs seraient également fortement impactées.

Des appréciations très divergentes

Comme pour l’accord avec le Canada, les avis des acteurs économiques sont très partagés et la négociation actuelle du TTIP est à hauts risques pour le secteur agricole.L’Association européenne de l’industrie laitière (EDA) souligne l’intérêt d’un accord commercial avec les Etats-Unis : “les échanges de produits laitiers entre les Etats-Unis et l’Europe ne sont pas aussi importants qu’avec d’autres parties du monde”. De même, les producteurs de vin (Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France FEVS) espèrent lever quelques freins à l’exportation.A l’inverse, le secteur de la viande bovine a manifesté clairement son opposition en demandant l’exclusion de la viande bovine américaine de l’accord. Et la France s’est aussi montrée très attentive à la protection des indications géographiques.Les opinions publiques se réveillent également et de nombreuses pétitions à travers l’Europe indiquent une opposition grandissante. De ce fait, les négociations se révèlent plus difficiles que prévues : les discussions sont laborieuses et avancent peu devant l’ampleur des sujets techniquement difficiles, les obstacles politiques et les oppositions marquées dans les opinions publiques.

Le Pôle Economie et Prospective des Chambres d’agriculture de Normandie

Depuis plus de 15 ans, les Chambres d’agriculture de Normandie développent une expertise reconnue sur les évolutions du contexte économique de l’agriculture et de l'agroalimentaire. Les travaux sont pilotés par le Comité Normand d’Orientation Economie et Prospective de la Chambres régionale d’agriculture de Normandie (professionnels élus). Ils s'appuient sur un travail d'équipe de leurs chargés d’études économiques départementaux et régionaux, au sein du Pôle Economie et Prospective.


Pour en savoir plus

- Informations disponibles sur les négociations du TTIP sur le site EUROPA (en anglais) : http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip
- Note du pôle Economie & Prospective sur le CETA :http://www.normandie.chambagri.fr/omc.asp
- Note du pôle Economie & Prospective sur le TTIP :http://www.normandie.chambagri.fr/omc.asp

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