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Xavier Beulin, président de la FNSEA
Les agriculteurs doivent disposer de semences à la hauteur de leurs ambitions

La proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale, en cours de discussion à l’Assemblée Nationale, relance le débat sur les semences de ferme. Xavier Beulin, président de la FNSEA, nous explique qu’il y va de l’avenir de l’agriculture française et de la capacité des agriculteurs à disposer d’un potentiel de semences et de génétique à la hauteur de leurs ambitions en matière de compétitivité, de volume, de qualité et donc de revenu.

"Si nous ne nous battons pas pour préserver le pôle semencier français, nous risquons, dans une ou deux décennies, de nous réveiller en faisant le constat amer qu’il ne reste que quatre ou cinq producteurs de semences au monde, soit anglo-saxons, soit chinois.
"Si nous ne nous battons pas pour préserver le pôle semencier français, nous risquons, dans une ou deux décennies, de nous réveiller en faisant le constat amer qu’il ne reste que quatre ou cinq producteurs de semences au monde, soit anglo-saxons, soit chinois.
© Th. Guillemot

On entend dire que la proposition de loi sur les certificats d’obtention végétale va conduire à l’interdiction des semences de ferme, qu’en pensez-vous ?
C’est tout le contraire ! Aujourd’hui, les agriculteurs qui utilisent des semences de ferme à partir de variétés protégées nationalement s’exposent à des contentieux. Il faut mettre un terme à cette insécurité juridique car la FNSEA revendique, depuis toujours, le droit ancestral des agriculteurs à pouvoir utiliser le produit de leur récolte comme semences. La proposition de loi légalise l’utilisation des semences de ferme. Les agriculteurs auront donc toujours le
choix.

Oui mais cette légalisation s’accompagne d’une contrepartie qui est la rémunération de la recherche. Cette rémunération est-elle selon vous nécessaire ?
La création variétale est longue et coûteuse. Il faut d’abord se poser la question de l’intérêt d’avoir en France une recherche dynamique qui met au point de nouvelles variétés. Il ne fait aucun doute que les agriculteurs ont besoin de variétés adaptées aux évolutions du marché. Si depuis les années 70 la France a multiplié par deux son rendement en blé, par exemple, c’est bien grâce à la sélection génétique : aujourd’hui nous atteignons en moyenne entre 70 et 75
quintaux par hectare. Mais la création variétale, ce n’est pas uniquement l’augmentation des rendements. L’agriculture doit répondre à plusieurs défis : en termes de diminution des
intrants, de tolérance aux maladies, de résistance au stress hydrique ou de qualités nutritionnelles. Sur tous ces aspects les agriculteurs savent bien que les variétés actuelles n’ont rien avoir avec celles d’il y a 20 ans ou même 10 ans.

La rémunération des obtenteurs ne va-t-elle pas se traduire par des charges supplémentaires pour les exploitants ?
C’est le même sujet que le téléchargement de films et autres musiques et chansons, le parlement a voté la loi Hadopi afin de protéger les créateurs. N’est-il pas juste de rétablir une
certaine équité entre ceux qui choisissent d’acheter les variétés directement auprès des obtenteurs et des distributeurs, et ceux qui préfèrent les reproduire avec des semences fermières ? Il est normal que ces derniers participent aussi au financement de la création
variétale puisqu’ils en bénéficient. Mais attention : pas à n’importe quel prix ! La FNSEA jouera pleinement son rôle dans les négociations qui s’ouvriront pour que la contribution soit équitable et acceptable par les agriculteurs. Il faut bien comprendre que la proposition de loi
permet aux producteurs de négocier les modalités de fixation de rémunération des obtenteurs, en particulier dans un cadre interprofessionnel. Aujourd’hui, personne ne peut préjuger des
résultats de ces négociations, et donc tous les chiffres alarmistes colportés par d’autres syndicats n’ont aucun fondement.

Est-il vrai que la proposition de loi a notamment pour objectif de taxer à l’hectare les éleveurs qui auto-consomment leur production ?
Je reconnais bien là, l’instrumentalisation du débat par certains syndicats afin d’opposer les éleveurs et les céréaliers. Non seulement c’est absurde mais en plus c’est totalement faux.Encore une fois, c’est dans un cadre interprofessionnel avec les représentants des agriculteurs, céréaliers et éleveurs, que les négociations auront lieu. Prenons l’exemple de l’accord interprofessionnel conclu en 2001 sur le blé tendre. C’est un bon exemple de ce qui pourrait se produire demain pour d’autres espèces. Cet accord prévoit que tout agriculteur qui livre sa récolte de blé tendre chez un organisme collecteur verse une contribution de 5 centimes d’euro par quintal de blé livré. Pour ceux qui utilisent des semences certifiées, cette
contribution leur est remboursée à hauteur de 2 euros par quintal de semences achetées. Sont exonérés les agriculteurs vendant moins de 92 Tonnes et un agriculteur autoconsommant toute sa production ne paie pas de rémunération à l’obtenteur dont il utilise la variété.

Est-il vrai que la proposition de loi ne reconnaît le droit d’utiliser les semences de ferme que pour 21 espèces, renforçant l’interdiction sur les autres ?
Le régime d’autorisation des semences de ferme ne concerne à l’origine que 21 espèces.
Toutefois, le texte en l’état offre la possibilité d’ouvrir le dispositif à d’autres espèces. Je pense, pour ma part, qu’il serait bon d’inclure dans la liste les cultures intermédiaires pièges à nitrate (CIPAN), semées après les récoltes de céréales – en général en août ou en septembre – et désormais utilisées à grande échelle dans notre pays. Je ne pense pas que cela pose le moindre problème.

Que pensez-vous de l’idée que les semences de ferme seraient plus intéressantes que les semences certifiées, sur le plan économique ou environnemental ?
Une étude de l’interprofession des semences (le GNIS) montre que, toutes choses égales par ailleurs, s’il n’y avait pas eu de progrès génétique depuis 1989, la production de blé tendre en
2009 aurait été de 13% inférieure au niveau effectivement atteint. Par ailleurs, il faut aussi tenir compte de la valorisation de l’augmentation de la qualité de la collecte. Aujourd'hui les
blés panifiables supérieurs représentent 80% des surfaces. Tarir le financement de la recherche ne pourra que nuire à la pérennité économique des productions végétales. Sur le plan environnemental, je ne vois pas en quoi la reproduction à l’identique d’une variété
à la ferme serait un facteur de biodiversité ! Pour les grandes cultures, aucune variété utilisée n’est le fruit d’une conservation ancestrale ; toutes ont été développées grâce à la création
variétale. Qu’il y ait un débat sur la biodiversité dans le cadre des suites du Grenelle de l’environnement, c’est un fait, mais cela n’a rien à voir avec les semences de ferme. Par ailleurs, concernant les traitements, les stations industrielles mettent en oeuvre des contrôles
précis de la dose appliquée sur les semences.

L’argument souvent avancé par les opposants à la proposition de loi est qu’elle rendra les agriculteurs complètement dépendant des firmes privées ?
Là encore c’est tout le contraire. Si nous ne nous battons pas pour préserver le pôle semencier français, nous risquons, dans une ou deux décennies, de nous réveiller en faisant le constat amer qu’il ne reste que quatre ou cinq producteurs de semences au monde, soit anglo-saxons, soit chinois. La proposition de loi me semble aller dans le bon sens en évitant demain d’être pieds et poings liés face a ces multinationales dont certaines d’entre elles n’aspirent qu’ à une
seule chose, breveter leur génétique ! Enfin rappelons que la création variétale française implique 23.000 agriculteurs multiplicateurs de semences pour un chiffre d’affaires d’environ 2 milliards d’euros.

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