Avenir difficile pour la filière allemande
Les bio-énergies concurrencent le lait
Avenir difficile pour la filière allemande
Curieux dilemme que celui vécu par les producteurs allemands. Le "biogaz" ou les éoliennes font concurrence à l'élevage laitier. Analyse de Ulrich Freund, directeur pour l'Europe des produits laitiers du groupe Danone.

Ulrich Freund, "les producteurs laitiers préfèrent désormais jouer la carte des énergies renouvelables".
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E.C.
Ulrich Freund, l'un des "quadra" les plus prometteurs du groupe Danone a dressé une photographie à la fois curieuse et inquiétante de la production laitière de son pays, lors de l'assemblée générale se déroulant au Molay-Littry. Vue de France, la filière semble prometteuse, voire concurrentielle, notamment lorsqu'il s'agit de fixer un prix du lait au niveau national. Sur le terrain, la production des "landers" bat de l'aile. Premier point, les laiteries en Allemagne sont au nombre de 200. Chacune d'elle transforme en moyenne 140 0000 millions de litres annuellement pour un chiffre d'affaires moyen de 70 millions d'euros. Le ratio n'est donc pas très performant. Ulrich Freund l'avoue volontiers, "notre filière n'est pas très grande comparée à nos voisins du Danemark ou des Pays-Bas". En terme de parts de marché, Nordmilch arrive en tête, suivi par Nestlé en sixième position et Bongrain en treizième. "Pas de doute, il nous manque une stratégie de marques". La filière lait allemande désorganisée, qui l'aurait cru ? Et cela ne semble pas prêt de s'arranger même si la situation pour l'industrie fromagère est meilleure qu'en France avec 41% de lait allant sur cette fabrication.Tarif imposé
Avec 200 laiteries, difficile pour les producteurs allemands de parler d'une même voix. La distribution en profite pour imposer son tarif, d'autant plus que les parts des hard-discounters augmentent. La réforme de la politique agricole commune alliée aux aides données pour la production des énergies renouvelables assènent un coup fatal aux régions traditionnellement laitières comme la Bavière ou le Bade-Wuttemberg. Il est vrai que la taille des exploitations des environs de Munich sont modestes : entre 20 et 49 vaches, un chiffre d'affaire issu à 70% du lait, une SAU de 70 ha, un âge moyen par éleveur de 46 ans, alors qu'en ex-RDA, les grandes exploitations issues du communisme sont encore en place, mais aux mains de capitaux privés. La moyenne par lactation est supérieure à celle observée en France, 6600 l/an contre 5950 l, mais loin derrière Israël et ses 10460 l.
Plus original, le régime des quotas ou plus exactement la possibilité d'acheter une partie de celui-ci à une bourse. Il en existe 31 actuellement sur l'Allemagne, mais ce chiffre pourrait rapidement être divisé par 10 au 1er juillet 2007.
Face aux aléas du marché laitier intérieur et à la réforme de la PAC, les producteurs allemands jouent la carte des énergies renouvelables. "Une activité au départ complémentaire mais qui concurrence aujourd'hui le lait" souligne U. Freund. En clair, grâce à la loi "EEG" votée ces dernières années par la coalition socialiste/verts, les agriculteurs touchent 9 à 13 centimes d'euros par kilowatt lorsqu'ils "fabriquent" de l'énergie propre, alors que le prix de l'énergie traditionnelle se situe à 4 centimes du KWH. Et le phénomène n'est pas prêt de s'arrêter puisque les bio-énergies (eau, soleil, vent, géothermie et biomasse) devraient représenter 20% de la production allemande en 2020. Le "biogaz" semble avoir particulièrement le vent en poupe puisque l'on enregistre une croissante de 30% dans ce secteur... au détriment des ateliers laitiers ou d'engraissement bovins. Et Ulrich Freund de conclure, "10 à 15% du maïs va dans cette énergie avec un fort risque de délocalisation de la production laitière, notamment une désertification au centre de l'Allemagne". Concrètement, le lait va se retrouver concentré sur les zones possédant le meilleur potentiel pédoclimatique.