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Les carottes manchoises n’ont pas bonne mine

Prix bas, hiver pluvieux, versement MAE toujours en retard, les producteurs de légumes de la Manche accumulent les problématiques. Rencontre avec Jean-Luc Leblond, président de la section légumes de la FDSEA de la Manche.

© SL

>> La pluie n’a pas cessé depuis cet été, quel est l’impact pour les légumes ?
Les carottes ont le plus souffert. Nous avions un très beau printemps, sec, et nous craignions même une sécheresse. Finalement depuis le 14 juillet, il n’a pas arrêté de pleuvoir. Nous avons eu une pluviométrie record. Pas une semaine sans eau ! La qualité était cependant au rendez-vous en septembre ou octobre, mais il était impossible d’aller récolter. Et lorsque la récolte a pu se faire, la terre était tellement grasse, que c’était dans de mauvaises conditions. Au total, certains producteurs ont perdu jusqu’à 40 % de leur production. Ce sont 5 à 6 000 tonnes de carottes qui ont été perdues. De plus, les sols ont tellement été abîmés qu’il faudra certainement 2 ou 3 ans pour qu’ils retrouvent leur structure. Il n’y a pas eu moins d’impact sur les autres légumes.

>> Vous avez envoyé une lettre au préfet pour solliciter la mise en place d’une procédure calamités agricole. Avez-vous eu une suite ?
Non, pas encore. Nous avons envoyé la missive le 21 mars. Nous attendons la décision du préfet, et espérons avoir une réponse en mai. Si le statut est reconnu, il le sera pour peu d’exploitation. En effet, il faut essuyer vraiment d’énormes pertes. Ce sera mesuré sur la perte au niveau du tonnage et du chiffre d’affaires. Et il faut savoir que l’indemnité n’est pas élevée. Cela ne compensera pas les préjudices. Cela couvre seulement l’emblavement.


>> Autres problématiques : les prix. Ils ne sont pas encore à la hausse ?
Depuis janvier, les prix de la carotte sont un peu remontés. Début mars, nous avions des tarifs à 31 centimes. C’est un centime de moins que son prix en 1993. 25 ans plus tard, les prix de production se sont pourtant envolés sans parler des contraintes imposées (cahier des charges, normes environnementales…)!
Nous ne pouvons plus travailler ainsi. L’automne a vraiment été catastrophique, nous n’avions pas vu de tel tarif (10 cts) depuis la crise légumière de 2014 . Et quatre ans après, cela recommence alors que les producteurs essuient encore les difficultés de trésorerie de cette année difficile ! 
Nous espérons beaucoup des EGA. Et des lois qui en découleront. Mais nous savons qu’elles ne s’appliqueront qu’à l’automne prochain. Les centrales d’achats et les grandes surfaces ne doivent donc pas baisser leur prix avant la contractualisation. En automne prochain, nous retrouverions alors les prix d’aujourd’hui ! Ce serait une hausse de prix déguisée !

>> Qu’en est-il du dispositif MAE ?
Certains producteurs ont commencé à recevoir une première partie du dispositif. D’autres n’ont toujours rien perçu ! Rappelons que l’engagement a été pris en 2015. Cela fait trois ans que les producteurs engagés réduisent les herbicides, travaillent avec davantage de rotations.... Et augmentent leur coût de production sans aucune des compensations promises.
Le plus intolérable, c’est que certains dossiers n’ont été réglés qu’il y a quelques semaines. Après trois ans d’effort, certains producteurs sont informés qu’ils ne percevront rien, parce que les règles ont changé. Nous avons également appris la réduction d’environ 10 % des primes MAEC par rapport à ce qu’il était prévu. Les agriculteurs les plus impactés vont perdre jusqu’à 2 700 euros par an. Et c’est rétroactif ! Cela fait un total de plus de 13 000 euros sur les 5 ans. Un contrat est un contrat, il est inadmissible de changer les règles !

>> Comment voyez-vous l’avenir pour les légumes normands ?
Nous manquons de visibilité ! Par exemple sur les produits phytosanitaires. Le maintien des dérogations est primordial. Là encore, nous ne pouvons changer les règles en cours de saison, sans solution technique de remplacement. Nous comprenons que certains produits soient supprimés, mais on ne peut pas en être informé en cours de saison. Il faut être prévenu au moins un an à l’avance qu’on puisse se retourner. Et que le gouvernement nous propose des alternatives raisonnables.
Rappelons que les légumes représentent une production de 200 000 tonnes par an dans la Manche et représente plus de 3 000 emplois. Aujourd’hui, les pays européens sont de plus en plus concurrentiels et n’essuient pas les mêmes problématiques que nous. Il faut réagir si on veut sauver les carottes normandes. L’une des seules, rappelons-le, à être fraichement récoltées. À ne pas avoir passé 6 mois dans un frigidaire parce qu’il fait trop froid pour qu’elles restent en terre !

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