Crise
Les jeunes : premières victimes de la crise bovine
A Courcy, Emilie Lecesne s’est installée en 2007 en viande bovine. A 27 ans, elle subit de plein fouet les difficultés de la filière. Entre la FCO et la chute des cours, la trésorerie se tend. 2009 sera un tournant pour l’exploitation. Témoignage.


En 2006, la conjoncture bovine semble favorable. Emilie Lecesne décide de reprendre l’exploitation familiale. Elle réoriente cependant la ferme. Finis les moutons, place aux vaches allaitantes : “à cette époque, la filière ovine est dans un état catastrophique. Aujourd’hui, j’ai peur que la viande prenne le même chemin”. Les difficultés s’enchaînent pour la jeune agricultrice. “Les cours des broutards sont tombés à 530 euros, mais il n’est même plus question de parler de prix. La filière est bloquée. Je produis des Salers. Elles partent traditionnellement vers l’Italie ou l’Espagne. A cause de la FCO, les frontières sont bloquées”.
Besoin de flexibilité
de l’administration
Autre piste pour vendre sa marchandise : l’Algérie. Cette fois-ci, l’IBR bloque ce débouché. “Il faut deux ans pour avoir sa qualification indemne d’IBR. La campagne de prophylaxie débute le 15 décembre. Le temps d’obtenir les résultats, le bateau sera parti. Paradoxalement, les tests sont réalisés sur des vaches de plus de deux ans, alors que les animaux exportés vers l’Afrique ont moins de deux ans”. Résultat sur deux ans : 35 broutards n’ont pas quitté l’exploitation. S’y ajoute un reliquat de 60 brebis invendues. Le cercle vicieux débute. Son chargement excède les 2 UGB, bien au-delà des 1,4 requis. “La Direction départementale de l’agricul-ture pousse à vendre des broutards. Moi aussi, j’aimerais les vendre ! J’espère que l’administration fera preuve de flexibilité. Sur mon exploitation, la prime à l’herbe représente 5 000 euros”, témoigne Emilie Lecesne.
Des frais, pas de recette
Sa situation financière se tend. Avec des recettes en chute libre, elle devra nourrir plus d’animaux. Soit plus de 2500 euros par mois. “Et je ne pourrai pas tous les loger. Douze d’entre-eux passeront l’hiver dehors”. La jeune agricultrice survit. Depuis son installation, Emilie Lecesne vit chez ses parents et n’a pas effectué de prélèvement personnel. “Mais cela ne suffira pas. Bientôt, je devrais payer plein pot mes cotisations MSA et mes échéances de prêt”. L’agricultrice reste dans l’expectative. “Financièrement, je ne tiendrai pas longtemps. Tous les matins, je me demande si le tracteur va démarrer. Je n’ai pas réalisé les investissements nécessaires, mes conditions de travail sont loin d’être optimales. Cette situation est partagée par de nombreux jeunes agriculteurs. Nous avons besoin d’une modulation des aides. Si l’on ne fait rien, je crois que le monde de l’élevage entraînera les céréaliers dans sa chute”.
V.M.
FCO : des frais supplémentaires
"J’ai vacciné contre le sérotype 8. Les prix de vaccination ne sont pas plafonnés. Les vétérinaires appliquent leurs tarifs. Tous les éleveurs ne sont pas égaux. J’ai déboursé 3 euros par vaccin, deux euros restent à ma charge. Nous risquons de devoir vacciner contre le sérotype 1. Mais financièrement, combien d’éleveurs le pourront encore ?”, s’interroge Emilie Lecesne.