A la Chambre d'agriculture de la Manche
Les motions suscitent le débat
Au cours de la dernière session de la Chambre d'agriculture de la Manche, les débats se sont succédé à la présentation des cinq motions déposées à la fois par la chambre consulaire à deux reprises, deux autres par la Confédération paysanne et une par la FDSEA. Retour sur les débats.
La motion qui aura suscité le plus d'échanges portait sur l'implantation des serres de tomates. Le porteur de projet, présent dans le sud Manche, à Brécey et Isigny-le-Buat, prévoit une extension sur le deuxième site. Lors de la session de la Chambre d'agriculture de la Manche, la Confédération paysanne a présenté une motion afin " d'encadrer l'implantation pour préserver l'équilibre de la filière maraîchère ". Par la voix de Aurélien Marion, le syndicat dénonce la stratégie d'Agrocare, investisseur néerlandais. " Ce projet entraîne inévitablement une concentration de la production entre les mains des multinationales au détriment de la diversité des exploitations locales, déstabilise le marché de la tomate par la production marocaine ", débute-t-il. Le souhait du syndicat est de limiter à 2,8 ha par site pour empêcher des projets industriels de très grande échelle et d'implanter ces projets en zone dite industrielle et non agricole.
Manger des tomates françaises
Les réactions ne se sont pas fait attendre. À commencer par Jean-Michel Hamel, président de la FDSEA de la Manche et premier vice-président de la Chambre d'agriculture. " Je ne partage pas votre point de vue. Rien n'interdit à des investisseurs français de le faire. Et je préfère voir des serres en France qui respectent la réglementation française. Je ne doute pas que les services de l'Etat font en sorte qu'elles le soient à la fois sur un plan environnemental et social. Je préfère voir les Français manger des tomates françaises qu'étrangères ", réagit-il. Une position partagée par Chantal Jean (Coordination rurale) qui a vu le dossier passer en CDPENAF, tout comme Nicolas Dumont, éleveur dans le Mortainais. Il s'oppose à voir de tels projets sortir des zones agricoles. "Cela conduirait à mettre des projets hors sol en zone industrielle. Ce n'est pas du tout envisageable ", rétorque-t-il.
Une filière organisée
Le pas a été emboîté par Jean-Luc Leblond, lui-même maraîcher sur Barneville-Carteret et président de la section légumes à la FDSEA de la Manche. " La filière tomate en France est celle qui est la mieux organisée. Elle régule le marché. En Bretagne, les serres sont de l'ordre de 4 à 5 ha afin justement de contrer les tomates marocaines qui ne sont pas produites du tout dans les mêmes conditions." Quant à Sébastien Amand (FDSEA), il n'adhère pas au raisonnement d'Aurélien Marion. " UFC Que choisir a fait une comparaison entre la tomate espagnole, marocaine et française. Et c'est la tomate française qui a le moins de pesticides. Je préfère voir la tomate française dans les assiettes de nos enfants comme de nos aînés ", souligne-t-il, avant d'aborder une dimension plus politique. " Vous nous mettez le dos au mur avec quelques manifestants, sur une question qui est plus d'ordre local à l'approche des élections municipales ", déplore-t-il.
La motion a été sans surprise retoquée par 19 voix contre, 2 abstentions et 2 contre.
Des visions qui s'opposent
Deux autres motions, l'une portée par la FDSEA et la seconde par la Confédération paysanne concernaient la production laitière. Le syndicat majoritaire souhaite " accompagner le développement des exploitations laitières ", quand le second syndicat souhaiterait " interdire la vente de volumes à titre onéreux ". Deux visions qui s'opposent. Celle de la FDSEA est adoptée avec 15 voix pour et celle de la Confédération paysanne rejetée par 16 contre.
Le sujet du top up haie a fait également l'objet d'une motion déposée cette fois-ci par la Chambre d'agriculture. Dans la Manche, aucun agriculteur n'a bénéficié du top up haie lors de leur déclaration PAC au titre de la BCAE 8 en 2024, et deux seulement en 2025. " L'obtention de ce top up haie est lié à la certification "réseau haies", déplore Jean-François Tapin qui préconise les plans de gestion plutôt que le label de manière à ce que les agriculteurs s'approprient leur plan. Ils en ont marre des contrôles ", avance-t-il. Une position partagée entre autres par Sébastien Windsor, président de Chambre d'agriculture de France. " Il faut pouvoir gérer plus simplement, être dans un équilibre économique et écologique ", conclut-il. La dernière motion a conduit les élus à demander une révision de la définition des prairies temporaires dans la PAC post-2027 "en reconnaissant leur statut de culture et leur rôle dans les rotations", précise François Rihouet, qui souhaite que la France adopte l'option permettant aux parcelles en terres arables en 2023 de rester de manière indéfinie.