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Nathalie Kosciusko-Morizet : « le contrôle des structures agricoles est d'un autre temps »

llll Ministre de l’Ecologie de Nicolas Sarkozy, la députée de l’Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet est plutôt perçue comme une élue urbaine. La candidate a pourtant des positions tranchées en faveur du secteur, telles que l’allègement de la fiscalité sur la transmission d’entreprise, la suppression du contrôle des structures dans la future PAC, des contrôles moins punitifs, ou encore un soutien à la production et à la diffusion de données numériques dans le cadre du Feader

© DR


>> Quelle place accorder à l’agriculture dans une société de plus en plus urbaine et mondialisée ? Comment reconnecter citoyens et agriculteurs ?
Je ne pense pas que les Français urbains soient e­n rupture avec les agriculteurs. La culture latine, dont la France est issue, accorde une place importante à la terre et au repas, et, au-delà de la convivialité, à la qualité et la diversité des produits servis. Les productions françaises, en particulier les fromages, les viandes et les productions maraîchères spécialisées, véhiculent à la fois une culture ancrée, des banquets rabelaisiens aux rillettes de Tours balzaciennes, et des terroirs actuels. Cependant, pour faire perdurer cette culture gastronomique qui tirera notre production vers le haut, avec une valeur-ajoutée pour les producteurs français, plusieurs actions doivent être mises en œuvre : mener une politique d'éducation alimentaire, notamment en aidant les cantines scolaires à se fournir en produits de qualité comme les AOP, les IGP (…) et en sortant du formalisme de la commande publique ces produits fortement liés au territoire. Il faut égalment favoriser l'émergence des magasins de producteurs. Ils ont été définis dans la loi Hamon sur la consommation mais rien n'a été fait depuis. Je veux un soutien public à l'investissement pour ces entreprises, avec des garanties bancaires favorables accordées par BPIFrance. Enfin, il est nécessaire de développer les circuits de proximité appuyés sur la grande distribution, notamment en soutenant les «marques collectives de certification». Ignorer la grande distribution, qui représente 60 % du commerce alimentaire en France, ce serait plomber notre agriculture.

>> Vous faites des propositions pour encourager l’entrepreneuriat. Comment l’appliquer aussi aux exploitants agricoles ?
Comme beaucoup d'entrepreneurs, les agriculteurs ont besoin de visibilité et de simplicité. Les baisses d'impôts que je propose s'appliqueront de fait à toutes les entreprises, y compris agricoles. Mon allègement de fiscalité sur la transmission d'entreprise sera par ailleurs vertueux pour installer des jeunes agriculteurs et développer le capitalisme familial en agriculture. Au-delà des allègements fiscaux et sociaux, dont il est évident de saisir la portée, je défends une libération de libre-entreprise agricole : le contrôle des structures agricoles est d'un autre temps, administrativement lourd et économiquement injustifié. A vouloir trop protéger et contrôler l'agriculteur qui loue les terres, on sclérose l'ensemble du marché et on force à la standardisation. Apporter de la souplesse, c'est diminuer les coûts cachés de notre agriculture. Je préfère les signaux économiques aux effets de seuil administratifs. Je propose donc de supprimer le contrôle des structures en 2020, en défendant simultanément des aides de la PAC concentrées sur les 150 premiers hectares et totalement uniformes, donc avec une valeur unique à l'hectare.L’Union européenne fonctionne mal aujourd’hui.

>> Comment voyez-vous le rôle de la France en Europe ? Quelles orientations souhaitez-vous impulser aux politiques communes ?
La construction d'une politique européenne se fait très souvent par alliance d'un groupe d'Etats, qui devient majoritaire et peut imposer sa vision. En agriculture, la France a la chance d'être un État à la jonction d'une agriculture du sud, très territorialisée et familiale, et d'une agriculture du nord, très structurée et entrepreneuriale. Cette position doit être un atout pour défendre notre vision de l'agriculture. Lors de la réforme de 2020, je propose que la PAC se saisisse de deux faits majeurs : la nécessité de généraliser la contractualisation pour les exigences environnementales, avec pour principe une obligation de résultat, et la nécessité de tirer la production européenne davantage par la consommation, en proposant des «bons alimentaires» aux populations les plus démunies, avec exigence d'achat européen. Ce serait l'équivalent des «food-stamps» américains. La France a l’un des plus hauts niveaux d’exigence en matière de normes environnementales.

>> Comment progresser vers une plus grande durabilité sans entraver la compétitivité des acteurs économiques ?
Les normes environnementales et sanitaires peuvent être le socle d'une compétitivité bénéfique, si deux piliers sont respectés. Tout d’abord, à l'intérieur de l'Europe, les exigences doivent être les mêmes pour tous. L'intégration européenne doit être renforcée sur les questions agricoles et environnementales, avec un cadrage amont pour que l'application soit plus uniforme entre Etats membres. Soyons clairs : si la PAC semble plus complexe en France qu'en Allemagne, c'est parce que la France coche toutes les options offertes par les textes européens. Je souhaite donc que les textes européens portant sur les questions agricoles et environnementales soient d'application directe. Cela va de pair avec la politisation des institutions européennes, que je défends. Par ailleurs, il faut accroître l'acceptabilité et l'appropriation des exigences environnementales par les agriculteurs : je propose une systématisation de la suppression des sanctions au premier contrôle, sauf en cas de risque pour la santé humaine ou animale. En revanche, nous ne devons pas avoir peur de nos exigences environnementales et sanitaires, nous devons au contraire les défendre hors des frontières européennes : si nous n'imposons pas nos normes aux Chinois, aux Indiens, aux Américains, ils risquent de nous imposer les leurs. Ce n'est pas ce que je souhaite.L’agriculture connectée est un formidable levier de développement et de durabilité

>> Comment faciliter et accompagner l’essor du numérique dans le monde agricole et plus largement dans le monde rural ?
Depuis plus de 10 ans, l’État développe un programme ambitieux pour déployer le haut-débit et le très haut-débit sur tout le territoire. Les financements et la stratégie de ce plan, avec la participation obligatoire des opérateurs télécoms, doit se poursuivre sur le prochain quinquennat. La question du numérique aujourd'hui n'est plus seulement celle de l'accès à Internet, mais celle de la production et de la diffusion des données. Je propose que, dans le cadre du Fonds européen pour le développement rural, et de financements nationaux, un soutien soit apporté aux investissements collectifs pour l'acquisition de données - capteurs, robots, etc. En contre-partie, les données acquises devront être rendues publiques pour permettre une utilisation par toute entreprise ou particulier. Les entreprises pourront se saisir de ces données pour créer des services numériques (analyse, outils d'aide à la décision, etc.).

>> Plus globalement, avez-vous des propositions pour les territoires ruraux, souvent relégués au second plan dans les débats ?
Au-delà de l'agriculture, mon programme favorise les zones rurales en facilitant le quotidien de ceux qui choisissent d'y vivre : développer le télétravail, favoriser le travail indépendant, transformer les polices municipales pour une protection de proximité, ou encore faciliter l'autoproduction et l'autoconsommation d'énergie.

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