Orne : six agriculteurs entendus par la police
Sept mois jour pour jour après le réveil matinal de la préfète de l’Orne visant à rappeler la détresse des agriculteurs, six d’entre eux ont été entendus pour la seconde fois afin de répondre à des dégradations engendrées. Coût : 766,07 €.

Rappel des faits : le 3 juillet, à l’appel de la FDSEA et des JA, plus de 200 agriculteurs sont venus sous les fenêtres de la préfecture crier leur détresse. Au final, la boîte aux lettres a été dégradée. Et une chaine avait été soudée de manière symbolique. Le coût des dégradations est estimé à moins de 800 euros. Deux mois et demi après, treize agriculteurs sont auditionnés. Le 3 février dernier, six d’entre eux ont été à nouveau entendus. Du côté des JA, il y avait le président Guillaume Larchevêque, Fabien Durand, secrétaire général, Luc Bourgeois, éleveur à Courménil, Emmanuel Bloyet à Argentan. Et pour la FDSEA, il y avait la présidente, Anne-Marie Denis, et le secrétaire général Marc Gégu.
Sur la convocation, notamment celle de Anne-Marie Denis, les éleveurs étaient “soupçonnés d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction de dégradation de biens publics et de complicité par instigations et/ou fournitures de moyens de dégradations de biens publics”.
De vrais truands
Cette deuxième audition laisse un goût amer aux agriculteurs. “On n’est plus libre de faire ce qu’on veut” lâche l’un des JA. “On est considérés comme de vrais truands, des meurtriers,” poursuit un second. Un sentiment partagé par le président des JA. “On nous prend pour des voyous alors qu’on était là pour faire entendre nos revendications. Les actions étaient propres. La colère des agriculteurs n’est pas retranscrite puisque les dégradations sont minimes. Pour moi, une boîte aux lettres, c’est anodin,” assure-t-il. Ces auditions sont à ses yeux “disproportionnées” alors qu’en même temps, la ferme Orne a perdu 50 millions d’euros de chiffre d’affaires l’année dernière. “Aujourd’hui, les paysans sont vraiment dos au mur. Arrêtons de nous embêter. On a déjà répondu. Et on s’interroge pourquoi on a une seconde audition”.
Des procédures coûteuses ?
Que coûtent ces auditions pour l’administration ? “On aimerait le savoir,” indique Marc Gégu. “Un certain nombre d’auditions, la mobilisation de fonctionnaires de l’Etat pour entendre des responsables syndicaux par rapport à une manifestation légitime, le temps passé à nous recevoir, à faire des rapports. Et le procureur de la République va y passer du temps également. Cela frise le ridicule,” poursuit-il.
Des actions responsables
Mais cela ne remet pas en cause les prochaines mobilisations. “Nous avons été convoqués la semaine précédente, cela ne nous a pas empêché de faire des actions le mercredi suivant”, note le secrétaire général de la FDSEA. Pour autant, la méthode sera toujours la même. “Cela ne va pas nous freiner, cela ne va pas changer nos comportements,” insiste Anne-Marie Denis. La FDSEA et les JA rassembleront toujours leur troupe pour transmettre les messages, les motivations des actions, et les choses à faire ou à ne pas faire. “Mais si la réponse à ces auditions n’est pas satisfaisante, librement les agriculteurs réagiront,” poursuit la présidente de la FDSEA. Tout simplement “parce qu’on a l’impression de ne pas être défendu. Aujourd’hui, il y a un racket sur nos exploitations : on vient chercher nos matières premières alors qu’on ne connaît pas le prix de vente. Je demande à ce que les hauts fonctionnaires et les politiques prennent le dossier à bras le corps pour organiser nos filières. La colère ne doit pas être un argument. Mais quand on perd 6 000 euros sur son exploitation par semaine, je peux comprendre qu’il y ait des gestes malheureux. C’est un vrai cri d’alarme. Il y a dans l’Orne des exploitations qui sont véritablement dans la difficulté financière”, martèle Guillaume Larchevêque.