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Paratuberculose : que penser de la vaccination ?

La commercialisation d’un nouveau vaccin, SILIRUM ND, après l’arrêt de fabrication du NEOPARASEC ND en 2001, amène légitimement à se poser la question. Et ce d’autant plus que la paratuberculose affecte de 50 % à 70 % des élevages normands.

Néanmoins afin de vous permettre de prendre une décision éclairée avec votre vétérinaire, nous effectuerons quelques rappels sur la maladie et préciserons les caractéristiques du vaccin et les conséquences de son utilisation en termes d’avantages et d’inconvénients.

La maladie

La paratuberculose est une maladie liée à une bactérie, Mycobacterium Avium Paratuberculosis ou MAP, de la famille des mycobactéries. Dans cette famille on retrouve aussi les bactéries responsables de la tuberculose et de la lèpre. Les mycobactéries ont plusieurs caractéristiques importantes à connaître : - elles sont résistantes dans le milieu extérieur (plusieurs mois à plus d’un an de résistance pour MAP) ;- elles se multiplient lentement et uniquement dans l’organisme ;- elles entretiennent une relation particulière avec le système immunitaire. Certains composants de ces bactéries modulent l’immunité en la stimulant ou en la réprimant. Ces caractéristiques immunitaires rendent la conception de vaccins efficaces très difficile.

Les différents stades

Les animaux ne présentent pas tous la même sensibilité vis-à-vis de la bactérie et de ce fait plusieurs stades de l’infection existent. L’animal infecté latent ne présente pas de symptômes et généralement pas de réaction sérologique détectable par prise de sang. Il peut être diagnostiqué par une analyse PCR sur matière fécales. La quantité de bacilles excrétée est très faible. L’infection subclinique se traduit par des baisses de performance, une plus grande sensibilité à d’autres maladies et la présence d’anticorps détectables par analyse du sang. Dans cette catégorie, on trouvera des animaux super excréteurs (qualifiés aujourd’hui +++ sur résultat sanguin dans la plupart des Laboratoires d’analyses vétérinaires) responsables d’une contamination colossale de l’environnement et donc de leurs congénères. Le stade ultime de la maladie est l’infection clinique. Elle se manifeste par une diarrhée bulleuse accompagnée d’un amaigrissement extrême avec au final la mort de l’animal (tableau).

La dynamique actuelle de la paratuberculose

Avec les regroupements de troupeaux et les achats, la maladie est malheureusement encore en développement à ce jour. Ce développement se fait malgré les moyens importants consacrés par les GDS Normands (mise en place de plans de maitrise, communication d’indicateurs troupeaux, programmes de recherche…). Il importe qu’il y ait une véritable mobilisation collective de tous les acteurs concernés pour inverser la tendance. Le vaccin peut-il constituer une aide efficace pour inverser cette tendance ?

Etudes scientifiques sur le vaccin

Dans l'étude de RAMON, la prévalence d'infectés chez les animaux vaccinés a diminuée de 68 % contre 46 % dans les élevages où un plan de maitrise traditionnel avait été réalisé. Par contre, l'excrétion a plus diminué dans les élevages à plan de maîtrise que dans ceux où les animaux sont simplement vaccinés (93,8 % contre 76,5 %).En coproculture, les animaux vaccinés semblent avoir une probabilité plus faible d'être testés positifs (14,2 % versus 23,4 %, KNUST et al.). Les animaux vaccinés semblent moins développer la forme clinique de la maladie, mais cette différence n'est pas significative. Selon plusieurs études la vaccination ne permet pas d'améliorer significativement la longévité, la production laitière, le Gain Moyen Quotidien ou l'intervalle vêlage-vêlage.La vaccination avec SILIRUM ND présente par ailleurs des inconvénients. Ces inconvénients sont en premier lieu une interaction avec le dépistage sérologique de la Paratuberculose : 37 % des animaux vaccinés se révèle par la suite séropositifs (contre 5 % dans les troupeaux témoins infectés par le bacille). Ceci génère un risque de résultat positif lors de vente d’animaux, mais surtout l’impossibilité de mettre en place un plan de lutte par dépistage sérologique avec élimination des bovins séropositifs suite à la vaccination contre la Paratuberculose. En deuxième lieu le dépistage de la Tuberculose bovine est rendu plus difficile. Le risque de faux positifs en intradermoréaction simple est multiplié par 20 chez les animaux vaccinés et par 23 en intradermoréaction compa-rative (IDC) dans l'étude de GORRIDO et al. (2013). Toutefois le nombre de faux positifs en IDC resterait limité à environ 1 %. Or la tuberculination est systématiquement réalisée lors de la vente de bovin avec un délai supérieur à 6 jours entre la sortie chez le vendeur et la notification d’entrée chez l’acheteur. Elle est également pratiquée lors d’enquête en élevage ayant commercé dans les 10 années qui précédent avec un foyer de tuberculose.En raison de ce dernier inconvénient majeur, la vaccination est toujours soumise à autorisation de la DD(CS)PP (anciennement services vétérinaires). Selon l'arrêté publié au Journal Officiel du 26 août 2014, cette vaccination peut être autorisée, à la demande de l'éleveur, “au cas par cas” par les DD(CS)PP chez les bovins. L'élevage doit répondre à deux conditions :- absence de lésion de tuberculose constatée à l’abattoir depuis au moins 12 mois ;- présence confirmée par des analyses de laboratoire de l’existence de la Paratuberculose dans le troupeau.

En conclusion

Ce nouvel outil peut présenter un intérêt dans des contextes restreints qui demandent à être précisés mais qui seront sans doute assez rares. Il ne devrait pas permettre malheureusement de modifier significativement l’implantation de la paratuberculose dans nos élevages.Ainsi la séropositivité de nombreux animaux par la vacci-nation est véritablement problématique car elle complique considérablement la surveil-lance et le contrôle de la ma-ladie. Le vaccin idéal devrait être délété (diagnostic sérologique différentiel possible entre maladie et vaccination). L’analyse PCR sur fèces, du fait de son coût élevé et de sa moindre capacité à discriminer les super excréteurs ne peut constituer de notre point de vue une alternative intéressante à la sérologie.L’expérience montre que lorsqu’on vaccine, on s’appuie largement sur l’efficacité du vaccin au détriment d’autres mesures. Dans le passé avec le vaccin NEOPARASEC ND (fait dans le 1er mois de vie des veaux), on constatait souvent une recrudescence du nombre d’infectés dans les générations vaccinées en raison d’un relâchement important des éleveurs dans l’application des mesures de protection des jeunes veaux. Ce même phénomène appliqué au vaccin SILIRUM ND peut prendre d’autant plus d’importance que les veaux vaccinés au plus tôt à partir d’1 mois d’âge, ne seront protégés qu’à partir de 2 mois d’âge. Le vaccin SILIRUM ND, selon les données disponibles, réduit simplement de 50 % l’émergence de nouveaux cas cliniques, et sans doute celle de super excréteurs. Cette réduction est insuffisante pour que l’on puisse s’appuyer sur la seule vaccination pour maîtriser la maladie comme cela se pratique avec par exemple l’IBR.Enfin, l’interaction avec le dépistage de la Tuberculose constitue un autre frein à la préconisation de la vaccination avec SILIRUM même si le recours à l’intradermoréaction comparative constitue une solution de secours.Le vaccin idéal n'est donc pas encore disponible. Il reste primordial d'axer la lutte contre la paratuberculose sur des plans de lutte associant mesures nutritionnelles, hygiéniques, dépistage et élimination des animaux excréteurs.

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