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Laurent Beauvais, président du Conseil régional
Plaidoyer pour une agriculture familiale

Candidat à sa propre succession à la tête de l’exécutif régional, Laurent Beauvais (son président) défend en plein cœur de la crise laitière une agriculture de type familial. Avec des vaches de race Normande dans les pâturages, c’est encore mieux !

“L’exploitation familiale, ou de taille moyenne, est la seule à même de pouvoir permettre le développement d’une agriculture diversifiée et respectueuse du territoire”.
“L’exploitation familiale, ou de taille moyenne, est la seule à même de pouvoir permettre le développement d’une agriculture diversifiée et respectueuse du territoire”.
© DR

Quelle lecture faites-vous de cet épisode de la grève du lait ?
J’en retiens la manifestation d’un grand désespoir des agriculteurs, une interpellation très forte en direction de la société. Il s’agit d’ailleurs d’un épisode dont on ne sait pas s’il s’arrête ou s’il va continuer.

Avez-vous été choqué par ces images fortes de lait répandu dans les champs ?
Jeter de la nourriture est forcément un acte provocateur et choquant. Comme l’a rappelé l’Evêque de Coutances : “le lait, c’est la première nourriture de la vie”. Il a donc une dimension symbolique. Mais les agriculteurs ont voulu marquer l’opinion. Ils y ont réussi et j’ai été interpellé. Ces images fortes ont permis de secouer le dispositif, tout du moins au niveau national à ce stade. Je préfère cependant retenir les distributions gratuites de lait sur les marchés ou dans les quartiers populaires qui ont permis à la population de renouer des liens et d’échanger avec les producteurs. Il faut d’ailleurs noter que 95 % de la population a apporté son soutien. Les producteurs de lait ont ainsi gagné la bataille de la communication et de la solidarité. 

Si tous les agriculteurs sont d’accord sur les objectifs à atteindre (une meilleure régulation du marché et des prix plus rémunérateurs), ils se sont divisés sur les moyens de lutte. Vous qui êtes militant, quel regard portez-vous sur ces divergences ?
Ces divisions manifestent l’expression d’une vraie gravité de la situation et, quand la situation est grave, il y a des réponses diverses qui sont apportées. Il faut parfois employer le moyen le plus fort pour se faire entendre.
Cependant, s’il y a eu divergence dans l’action, c’est parce qu’il y a divergence dans les objectifs à réaliser. Revenir sur les quotas est quelque chose de beaucoup plus difficile que de négocier des aides à la trésorerie comme celles qui sont arrivées ou d’imaginer de nouveaux processus de régulation dont on ne sait pas grand chose aujourd’hui.

Le Parti Socialiste, dans un communiqué du 23 septembre, estime que “le principe des quotas doit être rétabli et défendu par tous”. N’est-ce pas un peu opportuniste alors que la décision de les supprimer a été prise par l’Europe en 2004 sans que cela n’émeuve particulièrement à l’époque le PS ?
Je ne peux pas vous laisser dire cela. Le PS aurait pu être considéré comme opportuniste s’il n’avait pas été au Gouvernement en 1984 lorsque les quotas ont été mis en place par Michel Rocard alors ministre de l’Agriculture. A l’époque, nous avions été fustigés par l’ensemble du monde agricole. Il s’agissait d’adapter offre et demande.
Ensuite, lors de la décision de leur suppression, le PS s’est élevé contre cette mesure. Ensuite aussi lorsque le prix du lait a été au plus haut. Le PS a toujours défendu l’existence d’outils de régulation. S’il existe des mécanismes de régulation publique plus efficaces que les quotas, on prend !

On parle beaucoup de contractualisation ?
On ne veut pas de la contractualisation qui renvoie dos à dos producteurs et transformateurs. Les productions agricoles, encore plus que l’ensemble des productions, ne doivent pas être laissées aux seules mains du marché. C’était d’ailleurs tout le sens de l’action du gouvernement Jospin lorsqu’il a mis en place les CTE (Contrats Territoriaux d’Exploitation) à travers la loi d’orientation agricole Le Pensec/Glavany que la droite s’est empressée de démanteler.

Le ministre de l’Agriculture a annoncé une enveloppe de 250 Me. Divers organismes agricoles (comme les banques ou bien encore la MSA) mettent également en place des mesures de soutien aux éleveurs laitiers. Quelle est la marge de manœuvre du Conseil régional. Avez-vous des mesures concrètres à annoncer ?
Les aides de la PAC représentent 10 Mrde pour la France dont 400 Me pour la Basse-Normandie. Le budget agricole de la région, c’est 10 Me soit 1/1 000e des aides totales. La réponse ne peut donc pas venir des collectivités locales. Ce serait d’ailleurs une renationalisation de la PAC et donc un recul historique.
L’agriculture n’a pas besoin de plus d’aide au global mais de plus de régulation et d’une meilleure répartition des 10 Mrde. Les mesures annoncées par le ministre ne sont là que pour passer un moment difficile en terme de trésorerie. Ce qui est proposé, ce n’est qu’une action à court terme. Une année blanche d’accord mais que va-t-il se passer en 2010 ? Une année noire ?

Votre solution, c’est quoi alors?
Ce qui m’intéresse, c’est la réponse à la crise et ce sont les prix payés aux producteurs qui déterminent les recettes. A ce niveau, il s’agit d’une problématique européenne. La Région ne peut rien faire à ce stade.
A contrario, nous pouvons, toutes collectivités confondues, y compris au niveau national, travailler sur le dossier des charges. Faire en sorte que les charges actuelles soient minorées, mutualisées...
La Région va engager des crédits d’investissements supplémentaires dans le secteur agricole pour contribuer à cette réduction des charges et notamment en direction des jeunes agriculteurs.

Et pour les autres productions agricoles qui sont également en crise, je pense aux secteurs de la viande bovine, du porc, des légumes, des céréales (...) ?
Là aussi la Région travaille sur la réduction des charges comme celle des intrants avec la FRCIVAM. Les hangars et les matériels de valorisation des prairies acquis en CUMA sont maintenant éligibles au PMBE. Nous travaillons également sur la qualité et la valorisation des produits en collaboration avec l’ADRIA et IRQUA. D’autres pistes pour l’avenir sont parallèlement en cours d’études : favoriser les jeunes agriculteurs dans le PMBE, permettre aux JA de louer des terres plutôt que de les acheter dès l’installation...

Autre sujet avec la taxe carbone. François Fillon, premier ministre, vient d’annoncer une taxe réduite à un centime d’euro pour les agriculteurs. Jugez-vous cette mesure légitime ?
Je n’aime pas les taxes, ça va faire la 18e, 19e ou 20e taxe que le Gouvernement met en place depuis 2 ou 3 ans. Parler d’une taxe nouvelle qui vient s’ajouter à d’autres alors qu’il faut chercher à diminuer les charges ne me paraît pas approprié, surtout dans le contexte actuel. La taxe carbone sera mal comprise.

Mais votre point de vue sur le distinguo agriculteurs/non agriculteurs ?
Le dispositif prévu par le Gouvernement n’est ni économiquement, ni socialement, ni écologiquement efficace.

Selon la FAO, la production agricole mondiale devra augmenter de 70 % d’ici 2050 pour nourrir la planète. Pensez-vous que c’est en privilégiant l’agriculture biologique ou en refusant les OGM qu’on arrivera à relever ce défi ?
Je pense qu’il s’agit d’un faux débat ou plutôt d’un débat biaisé. Dans un premier temps déjà, il faut s’interroger sur notre modèle de production. Faut-il produire plus chez nous pour exporter plus ? Cela au contraire interdit aux agricultures locales de se développer. Avant toute chose, il faut permettre aux pays en développement d’atteindre la souveraineté et l’indépendance alimentaire en évitant de leur exporter notre surproduction.
Ensuite, concernant les OGM, il faut se poser la question de leur apport. Actuellement, les OGM les plus répandus dans le monde sont ceux qui produisent leur propre pesticide. Pouvez-vous me dire quel peut être leur intérêt ?
Concernant l’agriculture biologique, elle permet de cultiver la terre tout en la préservant. Les algues vertes, qui malheureusement ont envahi la côte nord bretonne, nous montrent bien qu’un modèle agricole non respectueux de l’environnement conduit à sa destruction.

Revenons sur les OGM. Interdire leur culture en France alors qu’on importe dans l’hexagone un tas de produits plus ou moins transformés “OGMéisés”, c’est se tirer une balle dans le pied ?
On a des actions volontaristes anti OGM alors que le système est perméable de partout, c’est vrai. Mais ce sont des actions aussi pédagogiques. Je ne suis pas un anti OGM par définition. La recherche dans ce domaine peut apporter des éléments nouveaux. Ce n’est pas elle qui est en cause mais son utilisation. Si c’est à des fins purement capitalistiques au sens économique du terme ou détournées d’un objectif d’alimentation de l’humanité, je dis non.

L’an prochain, les élections régionales. Etes-vous candidat à votre propre succession ?
Oui !

Avec quel projet ou quelle feuille de route pour la ferme bas-normande ?
Plus qu’un projet régional, je suis partisan de développer un projet inter régional. Effectivement, en quoi notre agriculture est-elle différente de l’agriculture bretonne ou ligurienne ?
La première chose à développer et à renforcer, c’est le modèle de l’exploitation familiale. Il ne peut y avoir d’avenir à la concentration de plus en plus intensive de vaches dans ce qu’on peut véritablement qualifier d’usine à lait. L’exploitation familiale, ou de taille moyenne, est la seule à même de pouvoir permettre le développement d’une agriculture diversifiée et respectueuse du territoire.  Il faut aussi favoriser le développement d’une agriculture de qualité travaillant en lien étroit avec une industrie agroalimentaire de qualité et performante. C’est tout le travail que nous avons développé autour du pôle de compétitivité Valorial.
Enfin, il faut aussi permettre à nos éleveurs de se réconcilier avec la race Normande qui, pour moi, est une race d’avenir répondant aux enjeux de demain (développement durable). C’est une race rustique adaptée à la valorisation herbagère et donc aux systèmes durables et (ou) à l’agriculture biologique. La Normande offre aussi une meilleure valorisation des produits lait et viande et donc un meilleur revenu pour les producteurs.

Des représentants du monde agricole seront présents à vos côtés ?
Bien entendu mais on ne compose pas une liste en fonction du poids ou de la représentativité de tel ou tel milieu. Ce qui est important, c’est de partager un projet collectif qui tient compte des réalités locales comme celle de l’importance de l’agriculture en Basse-Normandie.

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