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Dominique Jouandet (président de la section “Porc” de la FDSEA de l'Orne)
Porc : la crise joue les prolongations

Tout n’est pas rose dans le cochon plongé dans une crise atypique. A l’envolée du prix de l’aliment, a suivi une crise monétaire mondiale qui a perturbé les exportations. “On peut espérer une amélioration de la rentabilité de nos ateliers en 2010/2011”, avance prudemment Dominique Jouandet.

“Sur des dossiers comme l’environnement, le sanitaire, l’équarrissage, le bien-être (...), le syndicalisme fait beaucoup de boulot et du bon boulot. Par contre, sur le volet économique, c’est au niveau des groupements que tout se passe”.
“Sur des dossiers comme l’environnement, le sanitaire, l’équarrissage, le bien-être (...), le syndicalisme fait beaucoup de boulot et du bon boulot. Par contre, sur le volet économique, c’est au niveau des groupements que tout se passe”.
© DR

La filière porcine a traversé de nombreuses crises. Celle-ci est atypique par sa longueur. Comment l’expliquer ?
Elle est effectivement différente des autres. Auparavant, les crises étaient dues à une baisse du prix du porc comme en 2003 avec des cours à 1,03 e. Mais là,  on ne peut pas qualifier les cours de "catastrophiques" avec en moyenne un cours légèrement supérieur à 1,20 €/Kg sur la période 2008-2009. En fait cette crise a démarré avec l'envolée du prix des matières premières dont les céréales pendant l'automne 2007. L'aliment est passé de 170 €/T en 2006 à 210 €/T en 2007 et plus de 250 €/T en 2008. Pour un élevage de 200 truies qui consomme 1 500 T/an, le surcoût s'est élevé à 60 000 € en 2007 et 120 000 € en 2008..

Mais depuis, le prix de l’aliment est rentré dans la norme ?
Oui mais la crise financière a suivi. Elle a entraîné une dévaluation des monnaies dans les pays importateurs extérieurs à la zone euro. Conséquences : blocage des exportations et chute des cours.

La sortie de crise est-elle pour 2010 ?
Personne à ce jour n'est capable de faire des prévision. Ainsi l'IFIP(1) avait pronostiqué en mars 2008 un cours de 2 €/Kg pour la fin de l'année 2008. En réalité, le cours a été de 1,26 €. Depuis, les économistes de l'IFIP sont beaucoup plus prudents…
Pour tenter de comprendre, il faut revenir sur le cycle du porc qui est de 5 ans. Grosso modo, les années en 3 et 8 sont plutôt mauvaises. Celles en 1 et 6 plutôt bonnes. Nous savions donc que nous allions entrer en zone de turbulence mais la hausse des aliments a accéléré le mouvement.  Ensuite, toute sortie de crise est conditionnée par la remontée des cours consécutive à une baisse de la production. Baisse qui n’est palpable qu’un an après la réforme anticipée de truies ou l’arrêt d’élevages comme ce fut le cas dans le passé. Mais aujourd’hui, les élevages sont de plus en plus importants et spécialisés. On n’a donc enregistré que très peu d’arrêts d’élevages.

L’Orne produit donc quasiment autant de porcs qu’avant la crise ?
La production de l'Orne a baissé de 3% en 2008 par rapport à 2007. Pour 2009, les chiffres ne sont pas encore connus, mais cela n'aura de toute façon qu'un impact insignifiant sur le cours du porc.
A l'échelon national, selon le marché du porc breton, la tendance 2009 est de - 0,9 % pour la production et de - 0,8 % pour la consommation.

Pas de sortie de crise en vue donc ?
Tout dépend de la situation économique mondiale. Il y a quand même une population à nourrir, une population qui consomme du porc. Dans ces conditions, si la production diminue, on peut espérer une amélioration de la rentabilité de nos élevages en 2010/2011.

Quel est l’état de santé économique de ces ateliers ?
Les trésoreries sont forcément mauvaises. D'après une étude parue dans "Porc Magazine", 50% des exploitations porcines suivies par COGEDIS (clôtures d'avril à juin 2009) auraient un fond de roulement négatif. Ce qui signifie qu’ils financent des immobilisations avec du court terme. Dans l’Orne, la situation est un peu moins délicate car notre coût alimentaire est moins élevé que celui de nos voisins.

Paradoxalement, on entend relativement peu le syndicalisme s’exprimer, je pense à la FNP (Fédération Nationale Porcine), association spécialisée de la FNSEA ?
Sur des dossiers comme l’environnement, le sanitaire, l’équarrissage, le bien-être (...), le syndicalisme fait beaucoup de boulot et du bon boulot. Par contre, sur le volet économique, c’est au niveau des groupements que tout se passe. La marge de manœuvre de la FNP sur les cours est donc réduite à sa portion congrue. C’est d’ailleurs sans doute l’une des raisons pour lesquelles la dernière manifestation de St-Brieuc n’a pas mobilisé. Nous étions environ 300 éleveurs sur un potentiel de 6 000 à l'échelon du Grand Ouest. J’étais le seul éleveur de l’Orne. 

Le mot est à la mode en ce moment et aussi quelque peu galvaudé mais la filière porcine ne souffre-t-elle pas d’un manque de régulation ?
La régulation dans le porc existe. Elle se fait par le marché. Quand on se lance dans cette production, il faut l’accepter et s’armer pour faire face aux aléas. 
Alors bien sûr que l’idée d’une régulation type quota peut séduire certains. Mais il faut bien replacer les enjeux et positionner la réflexion sur le plan européen. Le Danemark, les Pays Bas et l'Espagne avec des taux d'auto-approvisionnement respectifs de 627 %, 231 % et 123 % veulent pouvoir continuer à développer leur production et sont donc hostiles à toute forme de régulation autre que le marché. Jusqu'à présent c'est aussi le souhait de la commission européenne.

Sans parler des distorsions de concurrence au sein même de l’UE ?
Elles sont légion. Côté transport avec des camions limités à 40 T en France alors qu’outre Rhin, c’est 44 T. Toujours en Allemagne, une TVA avantageuse ainsi que dans les élevages et les abattoirs des travailleurs sous-payés venant des pays de l'Europe de l'Est (le fameux plombier polonais). Une directive nitrate appliquée avec plus ou moins de sévérité ici ou là. Le seuil de contrainte “installation classée” à 50 truies dans l’hexagone alors qu’ailleurs, c’est 250... Nos politiques sont très réticents à faire bouger ces lignes. Sans doute la pêche aux voix écologiques.

Comment se traduit ce manque de compétitivité ?
C’est très simple. 25 millions de porcs produits en France en 1995, autant en 2008. Parallèlement, l'Allemagne est passée de 37 à 45 millions de porcs produits, plus de 20 % d'augmentation.

Ce manque de compétitivité ne s’explique-t-il pas aussi par un nombre d’acteurs en amont trop important ?
C'est vrai que parmi les 4 plus grands groupes d'abattage européens, on compte 3 groupes allemands et que le plus grand groupe allemand abat 20 millions de porcs par an. Le premier groupe français n'arrive qu'en 6ème position avec 6 millions de porcs abattus par an.
La taille n'est pas toujours synonyme de rentabilité mais l’Ifip estime qu'en 2009, les éleveurs allemands auront perçu 5 centimes d'euros de plus par Kg de porc que leurs collègues français.
Ces chiffres doivent nous amener à nous interroger sur l'utilisation la plus rationnelle possible de nos abattoirs dont les plus importants sont coopératifs, surtout si la production française venait à diminuer.
Les résultats techniques et économiques des éleveurs sont connus de tous, via les GTE (Gestion Technico-Economique standardisée) établies et publiées par l'Ifip. Il n'en est pas de même pour les abattoirs qui communiquent peu sur leurs résultats.

Justement à propos de concurrence, dans ces mêmes colonnes la semaine dernière, votre collègue Patrick Julien appelait à jouer la carte du cadran. Vous partagez ce point de vue?
Complètement. Les groupements ont bien fait leur travail d’encadrement technique mais l’organisation en filière/abattoir est perfectible. 400 000 porcs sont abattus chaque semaine dans le Grand Ouest. Il n'en passe que 62 000 par le marché au cadran. En d'autres termes, en moyenne 85 % de l'approvisionnement des abattoirs est garanti. Ce qui peut leur permettre de ne pas acheter de porcs à certains marchés. En mettant plus de porcs au cadran, on recrée une dynamique. L'idéal serait d'atteindre au moins le nombre de 100 000 porcs par semaine au cadran. 

C’est techniquement possible ? Politiquement correct ?
Il y a une contrainte technique. Au cadran, le délai d'enlèvement est au maximum de 7 jours après le marché. L'éleveur doit donc pouvoir gérer ce délai. Politiquement, rappelons d’abord que nous ne sommes pas dans un système intégré même si les relations avec nos fournisseurs sont très étroites. Nous sommes propriétaires de nos animaux. Et puis, il ne s’agit pas de tout faire passer par le cadran. Dépasser 100 000 porcs/semaine et doubler le volume actuel serait déjà un objectif ambitieux. Reste que rien ne pourra se faire sans l’adhésion de nos collègues bretons.

(1) : L'IFIP -Institut du porc est un opérateur de Recherche et Développement au service de la filière, en réseau avec les instituts agricoles et agro-industriels, en dialogue constant avec la Recherche et les Pouvoirs Publics.

Le plan d’urgence répond-il aux attentes des producteurs de porcs ?
Les dossiers FAC établis en août 2009 par les éleveurs ornais n'ont pu être honorés par l'État français par manque de financements publics. Ils seront cependant pris en compte dans le cadre du Plan d'urgence qui se met actuellement en place. "Compte tenu des difficultés des éleveurs, ce retard est regrettable. De plus, les prêts à taux réduits peuvent quelquefois être utiles mais endetter encore davantage les éleveurs, est-ce une solution durable ?" insiste notre responsable syndical . "Ce dont nous avons besoin, c'est d'une remontée des cours", "Néanmoins, l'aide sous forme d'allégement de charges de 7 500 € qui vient d'être doublée apporte une petite bouffée d'oxygène." reconnaît Dominique Jouandet.
Dans le cadre d'un GAEC, cette aide peut être multipliée par le nombre d'associés avec un maximum de 3 exploitations regroupées.

“La production porcine n’est pas   soutenue politiquement”

“La situation est tendue pour tout le monde et on n’aperçoit pas le bout du tunnel”. Les propos de Laurent Jahandier, président de la section hors-sol des JA (Jeunes Agriculteurs) de l’Orne ne prêtent guère à l’optimisme. “Bien sûr que les jeunes producteurs sont en difficulté économique. Malheuresement, c’est un sujet toujours un peu tabou, pas facile à évoquer”. Une façon d’inviter ses homologues à partager pour ne pas se replier sur eux-mêmes.  “Il faut en parler pour trouver des solutions notamment au travers du FAC (Fonds d’Allègement des Charges)” reconnaissant cependant que les aides octroyées ne peuvent apporter qu’un souffle très limité. 
Avec cette crise qui dure, pas étonnant que l’Orne n’ait installé en 2008 et en 2009 aucun jeune en porcs et en individuel. “C’est d’ailleurs une production qui n’est pas soutenue politiquement. On aurait pu par exemple alléger les enquêtes d’utilité publique mais rien n’a été fait dans ce sens”, déplore le responsable syndical. Et à un jeune qui souhaiterait cependant se lancer en production porcine, Laurent Jahandier invite à la prudence : “plutôt privilégier une installation sociétaire en reprenant par exemple les parts d’un associé qui part en retraite au sein d’un Gaec”. Autre élément : privilégier les systèmes les plus autonomes possibles notamment sur le plan alimentaire. C’est en effet l’envolée du prix des céréales qui a déclenché cette crise et plongé les trésoreries dans le rouge.

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