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Environnement
Préserver la ressource en eau sans pour autant sacrifier les agriculteurs

La préservation des périmètres de captages et de la ressource en eau potable n’est pas un long fleuve tranquille pour les agriculteurs. Jérôme Leperlier, Christophe et Noël Bréard, exploitants en plein cœur du bassin de Moulines/Tournebu/Acqueville, s’inquiètent des conséquences d’un cahier des charges qui se profile perfidement.

Préserver la ressource en eau ?  “Bien sûr que c’est un enjeu essentiel pour la société auquel nous nous associons,” clament en toute sincérité Jérôme Leperlier (producteur de volailles, vaches allaitantes et céréales à Moulines) et Christophe et Noël Bréard (producteurs de lait à Acqueville). Mais face au décret  qui se profile quant aux pratiques culturales et d’élevage à venir autour des points de captage d’eau, la perplexité fait peu à peu place à l’inquiétude. Une inquiétude qui dispose désormais d’un porte-parole avec l’émanation de Captage 14 (lire ci-contre). Une toute jeune association qui a déjà à son actif le mérite d’avoir fait bouger les lignes. Elle a noué les fils du contact avec les acteurs départementaux du dossier “Eau”. Restent à nouer ceux du dialogue et de l’écoute dans une prochaine étape. 

Ne pas changer les règles du jeu en cours de partie
Christophe et Noël Bréard se sont installés à Acqueville le 1er janvier 2009 dans les règles de l’art. Une autorisation d’exploiter signée par le préfet avec une mise aux normes qui doit s’achever à la fin de l’année. Le permis de construire de la fosse à lisier a été accordé, l’agrandissement du bâtiment vaches laitières de 12 m pour jouxter la fumière fait également partie du projet. Mais ce couple de producteurs de lait se trouve face à un dilemme. Faut-il accélérer le chantier pour tout boucler avant la parution du futur décret ou attendre justement pour éviter de se trouver en porte à faux ? Beaucoup de questions qui restent sans réponse à ce jour mais une grosse amertume : “on n’a pas le droit de changer les règles en cours de partie”. Ces règles du jeu qui risquent d’évoluer sans le mauvais sens, c’est la mise en place d’un puisard recommandée dans la mise aux normes mais interdite dans le périmètre de sécurité. C’est la limitation à 100 U d’azote sur 3 ha d’herbe alors que l’on pratique ici la méthode des bilans. C’est la remise en cause de l’agrandissement d’un bâtiment pour abriter tous les animaux en hiver mais aussi pour élever tous les mâles en développant un atelier taurillons. C’est l’interdiction d’affourager et d’abreuver les animaux sur certaines parcelles. Autres cerises indigestes sur ce gâteau: “un droit à l’eau que nous ne pouvons plus utiliser et un droit de passage des vaches qui pourrait être remis en cause”.

Une situation figée
A quelques kilomètres de là, Jérôme Leperlier exploite 63 ha. 63 ha, corps de ferme compris, situés dans le périmètre de protection. Il a assisté à différentes réunions publiques avec les représentants de la ville de Caen et en est ressorti avec ce même sentiment : “beaucoup de questions sans réponses mais j’ai l’impression qu’ils veulent tout figer”.  Plus le droit de développer son élevage de volailles, pas le droit de créer un gîte rural, plus le droit d’épandre du fumier sur certaines parcelles remettant en cause le plan d’épandage, plus le droit non plus d’affourager et d’abreuver dans une bande de 200 m, obligation de remettre en herbe certaines parcelles, réduction des intrants(...), liste-t-il pour lui et six de ses voisins impactés (soit 1 300 ha au total).
Au delà de l’impact économique au quotidien de ces nouvelles contraintes culturales, c’est aussi la valeur patrimoniale du foncier bâti et non bâti qui est remise en cause. L’affaire concerne donc les fermiers mais aussi les propriétaires.
L’arrêté qui devait sortir à la fin de l’année a pris un peu de retard “mais on ne va pas s’en plaindre”, lâche Jérôme Leperlier. Non pas qu’il soit hostile à toute idée de changement mais plus simplement parce que le changement suppose la concertation. A ce titre d’ailleurs,
Captage 14 déplore la sous représentation du monde agricole dans le comité de pilotage. Elle déplore également l’absence d’information concernant d’éventuelles mesures de compensations. 

Avancer groupés
La ville de Caen prélève quotidiennement quelques 12 000 m3 dans le bassin de Moulines/Tournebu/Acqueville qui arrivent par simple gravité au robinet du consommateur. On comprend un peu mieux ainsi les enjeux financiers.
Le dossier est aussi très complexe. En fonction de la nature des périmètres de protection, il concerne la ville de Caen ou Réseau (anciennement Symperc). La DDASS et le Conseil général interfèrent également. Mais le dossier a péché également par défaut de communication entraînant parfois la suspicion. Les fils du dialogue renoués, la bataille de l’eau dont les agriculteurs occupent la première ligne devrait retrouver un peu de serénité.

Les périmètres de préservation

Couverture végétale du sol : couverture végétale du sol permanente (sous cultures pérennes) ou périodique (pendant les périodes présentant des risques de ruissellement ou de lessivage). Maintien ou extension de prairies. Maintien ou extension de surfaces en herbe, sur une largeur déterminée, en bordure de cours d’eau ou de fossés ainsi qu’en fond de thalweg ou sur les versants.
Pratiques favorisant l’infiltration de l’eau et limitant le ruissellement : façons de travailler le sol limitant au minimum les écoulements dans le sens de la pente. Apports de matière organique.
Gestion des intrants : réduction ou interdiction des intrants azotés ou phosphorés. Réduction du nombre de doses homologuées ou absence complète de traitements phytosanitaires. Ajustement de la pression de pâturage ou absence de pâturage, pendant certaines périodes sur prairies. Réduction des volumes d’eau d’irrigation ou interdiction de l’irrigation. Mise en œuvre de systèmes de production économes en intrants. Conversion à l'agriculture biologique.
Diversification de cultures : définition d’un nombre minimal de cultures dans une rotation. Limitation de la surface occupée par une ou plusieurs cultures majoritaires dans l’assolement.
Gestion des éléments fixes du paysage : maintien de haies, talus, fossés ou murets. Plantation de haies, création de fossés d’infiltration, mise en place d’aménagements destinés à ralentir ou à dévier l’écoulement des eaux.
Restauration ou entretien d’un couvert végétal spécifique : restauration ou mise en place de zones de régulation écologique.
Restauration ou entretien de mares, bordures de cours d’eau ou plans d’eau ou autres zones humides : restauration des connexions et du fonctionnement hydrauliques. Entretien léger et régulier des mares. Pratiques de fauche ou de pâturage et itinéraire cultural compatibles avec la diversité des espèces et habitats. Entretien et restauration de la ripisylve. Actions collectives de lutte contre les espèces envahissantes.
Débroussaillage ou déboisement de zones humides. Gestion ou aménagement d'un système de drainage.

A l’horizon 2012,
ces mesures incitatives deviendront obligatoires
(captages grenélisés).

Les périmètres de protection des captages d’eau
Les périmètres de protection correspondent à un zonage établi autour des points de captage d’eau potable. Ils constituent le moyen privilégié pour prévenir et diminuer toute cause de pollution locale, ponctuelle et accidentelle qui peut altérer la qualité des eaux prélevées. Ce dispositif est codifié à l’article L 1321 du code de la Santé publique. A la suite de la récente loi sur l’eau, sa mise en œuvre est désormais rendue obligatoire. Cette protection comporte trois niveaux concentriques établis à partir d’études hydrogéologiques. Le périmètre de protection immédiat correspond au site de captage. Il est acquis en pleine propriété par le maître d’ouvrage. Clôturé pour éviter toute intrusion, son rôle est d’empêcher la détérioration des installations et le déversement de substances polluantes à proximité du lieu de prélèvement. Hormis les opérations d’entretien, aucune activité n’est permise. Une zone de 200 mètres définie autour du périmètre de protection immédiat répond aux mêmes recommandations et interdictions que le périmètre de protection rapproché central.  Dans le périmètre de protection rapproché, de surface généralement plus vaste, toutes les activités susceptibles de provoquer une pollution sont interdites ou soumises à des prescriptions particulières (construction, activité, dépôts, …).
Le périmètre rapproché se scinde en 2 zones :
• le périmètre rapproché central qui correspond à la zone où les contraintes sont les plus importantes (remise en herbe obligatoire, interdiction d’abreuver les animaux, interdiction de toute construction, rénovation ou extension….).
• le périmètre rapproché périphérique où toute activité est minutieusement contrôlée.
Enfin, la mise en place d’un périmètre de protection éloigné n’est pas obligatoire. Elle est rendue nécessaire lorsque la réglementation générale est jugée insuffisante et que certaines activités présentant des risques sanitaires doivent être encadrées pour réduire leur impact. Ce périmètre correspond à la zone d’alimentation du captage mais peut s’étendre à l’ensemble du bassin versant.
A la demande de la collectivité maître d’ouvrage et après enquête d’utilité publique, un arrêté préfectoral fixe les différents périmètres et édicte les servitudes s’y rapportant. Ces dernières sont effectives dès leur inscription au service de la conservation des hypothèques.

Captages 14  
Des hommes entre l’agriculture et l’eau
A l’initiative d’agriculteurs de 5 bassins alimentant l’agglomération caennaise en eau potable, l’association Captages 14 (Cercle d’Agriculteurs et de Propriétaires Travaillant pour l’Aménagement, la Gestion de l’Eau et sa Sauvegarde) est née le 15 février dernier.
Son objectif est de défendre les intérêts légitimes des agriculteurs et des propriétaires concernés par la mise en place des périmètres de captages et (ou) de la préservation de la ressource en eau potable. Captages 14 assure l’accompagnement des démarches, la préservation des intérêts professionnels, financiers et patrimoniaux de ses adhérents
(10 e de cotisation) .
Tout comme l’eau de “bonne qualité”, cette association souhaitant réunir le plus grand nombre d’agriculteurs par delà les sensibilités de chacun.
Des adhérents nombreux permettront à l’association  de peser dans les discussions et négociations avec les différents acteurs mais aussi de pouvoir assurer une représentativité du monde agricole au sein des instances décisionnaires sur l’eau et valider des mesures à la seule condition qu’elles soient techniquement et économiquement supportables pour les agriculteurs. 15 administrateurs représentant les 5 bassins concernés (Moulines, Courseulles, Thue et Mue, Vimont et Côte de Nacre) animent cette association présidée par Clotilde Hareau. 
Contact : association.captages14@orange.fr

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