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Quelles pistes de réduction de gaz à effet de serre en matière d’alimentation animale ?

Les agriculteurs normands s’engagent.

Effets de leviers d’optimisation appliqués à des cas-types bovins lait de Pays de Loire et de Normandie sur les résultats environnementaux (GES, eutrophisation) et économiques.
Effets de leviers d’optimisation appliqués à des cas-types bovins lait de Pays de Loire et de Normandie sur les résultats environnementaux (GES, eutrophisation) et économiques.
© CA Normandie

L’élevage bovin est une source d’émission de gaz à effet de serre (GES), notamment par la fermentation entérique des bovins (environ 50 %), la gestion des déjections (18%) et les achats d’engrais et d’aliments (12%) (Idele). Des leviers d’action existent via l’alimentation pour réduire ces émissions dans un objectif d’efficacité technique et surtout économique.

Connaître pour agir sur les émissions

Une source importante d’émission sur les fermes est le méthane directement lié à la fermentation entérique. Pour réduire ce méthane, il faut agir sur la composition de la ration en travaillant sur les facteurs de variation : la matière sèche ingérée, la digestibilité de la ration et la part de concentrés. A l’échelle du troupeau, la vigilance est à porter sur la présence d’animaux improductifs contribuant aux émissions de méthane alors qu’ils ne sont source d’aucun produit ! D’une manière générale, le recours aux intrants extérieurs influe sur les impacts environnementaux. La recherche d’autonomie alimentaire à la fois sur les fourrages et les concentrés se traduit par une dépendance énergétique moindre. Enfin, l’efficience de l’azote (azote ingéré et excrété) de la ration permet de réduire les pertes azotées liées aux déjections et en particulier les émissions de protoxyde d’azote, puissant GES.

Agir sur les fourrages ingérés

Plus les fourrages sont digestibles, plus ils sont susceptibles de limiter la production de méthane entérique.Plusieurs solutions sont envisageables pour qu’un fourrage soit plus digestible. Il peut être pâturé et/ou récolté à un stade physiologique plus précoce, être broyé (pour des fourrages ligneux) ou bien être rendu plus appétant pour être ingéré en quantité plus importante pour limiter son temps de séjour dans le rumen.Par exemple, le pâturage précoce de l’herbe entraîne une émission de méthane plus faible de 10% que la même herbe pâturée à un stade avancé, qui est plus riche en cellulose et donc moins digestible. Une diminution de 30 % du méthane a été mesurée lorsque le temps de séjour dans le rumen diminue de 15 %. Cependant, ce temps de séjour est propre à chaque animal et peut expliquer jusqu’à 1/3 des variations individuelles de production de méthane. Sélectionner ses animaux aussi sur leur plus grande capacité à valoriser une ration peut se révéler être une stratégie intéressante aussi sur l’aspect environnemental.

Pâturer pour aller vers plus d’autonomie

Bien équilibrée en énergie et protéines, l’herbe est l’aliment de choix pour les  90 VL Normandes du GAEC LECLERC, exploitation engagée dans le programme Carbon Dairy. Pâturée au bon stade, l’herbe permet une consommation limitée de concentrés : en 2014/15, seulement 605 kg de concentrés, avec une base tourteau de colza, pour produire 6135 l/VL. Priorité au pâturage de mars à octobre, avec clôture avancée matin et soir en pleine saison d’herbe. La mise en place annuelle, depuis 2013, de 4 à 5 ha de prairies temporaires avec légumineuses adaptées à la fauche (50% RGA / 50% Trèfles) est une voie également utilisée sur l’exploitation pour encore améliorer l’autonomie fourragère et protéique.

Sur les concentrés distribués

Avant d’imaginer tout changement de concentré de la ration de vos animaux en production, il est avant tout nécessaire de vérifier l’équilibre de votre ration et son ajustement au potentiel de croissance des animaux ou aux objectifs de production en optimisant vos concentrés. En effet, dans les exploitations françaises laitières, on constate une surconsommation de 28 % de concentré entre les élevages non optimisés possédant une emprunte carbone la plus élevée et les élevages optimisés à l’empreinte carbone plus faible (Raison et al, non publié).

Raisonner les sources d’azote des différentes rations

Dans un marché de la protéine dominé par le soja, d’autres sources protéiques produites sur l’exploitation, peuvent entrer dans les systèmes de production. Les méteils, associations de céréales et protéagineux, peuvent contribuer à renforcer l'autonomie de l'exploitation et sécuriser les rations acidogènes. En revanche, le mélange récolté est variable en terme composition. Une analyse de valeur alimentaire est un préalable indispensable pour déterminer la catégorie animale la plus à même de valoriser ce fourrage. L’herbe conservée par voie humide (enrubannage ou ensilage) présente une richesse en azote qui peut varier de 10 % à 20 % de MAT selon le stade de récolte, l’alimentation azotée du couvert et la contribution des légumineuses.

Substituer du soja par du colza

Le tourteau de colza est moins riche en protéines et plus riche en cellulose que le tourteau de soja, mais il est plus riche en phosphore absorbable et en méthionine digestible.Il s’utilise en l’état comme correcteur azoté ou comme composant du correcteur azoté ou du concentré de production. Aussi appètent, il nécessite une transition alimentaire lors d’une nouvelle introduction dans la ration. La règle d’utilisation est simple : 1.5 kg de tourteau de colza pour 1 kg de tourteau de soja. Dans une ration à base d’ensilage de maïs, cette substitution ne modifie pas la consommation de fourrage, augmente l’ingestion de concentré de 1 kg de MS, augmente la production de lait brut de 0.6 kg et le TP de 0.3 g/kg et réduit le TB de 1.2 g/kg. (Idele, Cétiom, 1996)Le GAEC Emergence, engagé dans le dispositif Carbon Dairy, a fait le choix de substituer l’utilisation du soja par celle du colza. Ce choix repose sur le fait que le tourteau de colza donne des résultats techniques intéressants à un moindre coût par rapport au soja. Bien qu’il faille en distribuer davantage, le prix plus faible du tourteau de colza diminue le coût de concentré de la ration. Son prix d’intérêt est de 75 à 80 % de celui du soja (en moyenne sur les 10 dernières années). Il peut cependant éventuellement présenter des inconvénients sur les rations faibles en PDIE en présence, par exemple, de maïs trop sec, avec une digestibilité limitée et/ou avec un troupeau hautement productif. Il sera alors nécessaire de prévoir l’ajout dans la ration d’un tourteau de colza tanné ou de drèche de brasserie. Le calcul du coût alimentaire reste à faire selon le prix des matières premières introduites en supplément dans la ration par rapport à une correction en tourteau de soja pur.En 2013 et 2014, c’est le pari fait pas le GAEC Emergence : utiliser un aliment made in Normandie pour alimenter 120 vaches laitières avec une production moyenne de 7200 kg/VL (moyenne économique). Le rationnement du troupeau repose sur une ration complète maïs/herbe avec introduction de 4.6 kg de tourteaux de colza pour le lot de vaches hautes productrices et un peu plus de 2 kg pour les fins de lactation en alimentation hivernale. Les taux relevés en 2013 sont de 33.5 g/l pour le TP et 41.3 g/l pour le TB. L’utilisation de cette matière première ne semble pas avoir eu d’impact sur les performances de reproduction puisque l’IVV relevé en 2013, au moment du diagnostic, était de 445 jours pour une moyenne ornaise relevée en 2012 à 440 jours en Prim’Holstein. Le coût de concentré VL  était alors de 47 €/1000L idem en 2014, avec pourtant l’introduction de drèches semi-humides faisant office d’aliment équilibré.


Aller vers d’autres pistes

D’autres leviers d’action peuvent être actionnés ensuite sans modification du système de production pour réduire les émissions de GES.Pour réduire l’excrétion d’azote dans les urines, il est possible de réduire, de manière modérée, les quantités de matière azotée totale de la ration. L’objectif serait de ramener à 14 % le taux de MAT pour toutes les vaches laitières qui reçoivent davantage durant la phase d’alimentation hivernale. D’après l’Ademe, en 2014, 52% des vaches laitières avaient une ration hivernale à MAT supérieure à 14%. Il s’agit toutefois de stratégies de réduction qui nécessitent une vigilance et une très bonne connaissance des valeurs nutritionnelles des matières premières. Cette réduction entrainerait une réduction de 66% de l’excrétion urinaire d’azote et 21% de l’excrétion fécale d’azote.L’autre axe est la substitution de glucides de la ration par des lipides insaturés. Cette pratique influe sur les émissions de CH4 entérique et est applicable à la majorité sur le troupeau laitier et sur une partie des animaux à viande recevant des quantités d’aliments concentrés supérieurs à 1 kg par jour en bâtiment. D’après Martin et al, l’enrichissement de la ration en lipides insaturés permettrait une diminution moyenne de 3.8% des émissions de méthane pour 1% de lipides supplémentaires dans la ration. Certains auteurs remettent cependant en question l’effet à long terme de certains lipides sur les émissions de méthane. La graine de lin quant à elle, n’est pas remise en question sur son effet positif y compris à long terme (Martin et al, 2011). A noter cependant que ces pratiques ont souvent un impact sur le coût alimentaire de la ration.L’alimentation est un axe important de réduction d’émission de GES. De manière générale, toutes actions d’optimisation de la conduite de l’atelier lait a des conséquences en termes de production, mais également économiques, sociales et aussi environnementales. Il ne sera pas toujours facile d’être performant sur tous les indicateurs mais être conscient de l’impact est déjà un grand pas.

Les ministres de l'agriculture de l'UE tentent de faire entendre leur voix

Dans l'optique des négociations climatiques de Paris, début décembre, les ministres de l'agriculture de l'UE tiennent à faire savoir que le secteur agricole a des solutions à apporter. Ils souhaiteraient notamment que les absorptions de l'agriculture et de la sylviculture soient mieux prises en considération.

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