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Pascal Ferey, vice-président et président de la commission Environnement de la FNSEA
On ridiculise les avis scientifiques pour habiller des éléments politiques

En charge du dossier environnement, il dénonce la décision du président de la République d’avoir opté pour la clause de sauvegarde concernant le maïs Mon 810.

Il appartiendra aux associations spécialisées (Orama) d’être en pointe si une décision non justifiée était prise. La FNSEA serait évidemment solidaire. Nous pourrions attaquer la décision française devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Il appartiendra aux associations spécialisées (Orama) d’être en pointe si une décision non justifiée était prise. La FNSEA serait évidemment solidaire. Nous pourrions attaquer la décision française devant la Cour de justice des Communautés européennes.
© DR

La France a-t-elle eu raison de déposer une clause de sauvegarde sur la culture du maïs OGM Mon 810 ?
Nous pensons que non car il n’y a pas de faits scientifiques nouveaux avérés. Cette décision va être attaquée soit par les semenciers, soit par les associations spécialisées dans les jours à venir, dès que la clause de sauvegarde sera déposée.

La FNSEA pense-t-elle attaquer cette clause de sauvegarde ?

Dans l’état actuel des choses, je pense que c’est davantage aux associations spécialisées de le faire. Mais, nous serons, bien entendu, solidaires si la décision est prise.

Placer la France « à l’avant garde du débat sur l’environnement » et respecter « toute la crédibilité du Grenelle de l’environnement », voilà comment le président de la République justifie sa décision. Comment réagissez-vous ?
C’est le bal des menteurs. Je ne dis pas que le président de la République est un menteur, je dis simplement que, dans ce bal des menteurs, il y a une énorme omission. Personne n’a trouvé surprenant que, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, on ne parle pas du nucléaire. Nous sommes intimement persuadés que c’est un débat qui a été tranché dès le départ entre les mouvements écologistes et le gouvernement. Tu me fous la paix sur le nucléaire et en échange je te donnerai la peau des OGM, en 2008.

Ce serait donc un marchandage convenu entre le gouvernement et les représentants des mouvements écologiques ?
À mon avis, oui ! Sinon, je ne vois pas au nom de quel principe les représentants des mouvements écologistes n’auraient pas claqué, dès le départ, la porte du Grenelle. Chez Greenpeace, le nucléaire est un vrai fonds de commerce.


C’est une accusation grave que vous portez et qui remet en question la démarche du Grenelle de l’environnement ?

Ce n’est pas une accusation, c’est un ressenti très fort aux yeux des conclusions et décisions que le président de la République a prises. Au cours du Grenelle de l’environnement, dont la démarche reste une vraie réussite, beaucoup de sujets ont été abordés. Il y avait deux ou trois sujets tabous, en particulier celui du nucléaire. Je regrette que ce début de l’année 2008 commence par un couac retentissant de choix politique. Nous aurions préféré que le président de la République prenne cette décision courant octobre ou novembre plutôt que de vouloir habiller cette Haute Autorité d’un si grand manteau. À l’unanimité, écologistes, syndicats, nous avions demandé sa création. Si le président de la République devait d’emblée opter pour la clause de sauvegarde, il ne devait pas s’appuyer sur des pseudos éléments scientifiques pour prendre une telle décision. Jamais le principe de précaution n’a été évoqué dans le cadre du Grenelle de l’environnement ou dans celui de la Haute Autorité. Alors qu’aujourd’hui, face à la légèreté des éléments scientifiques, le gouvernement ressort ce principe de précaution…

Cette décision n’était-elle pas avant tout aussi une victoire des écologistes ? Borloo et Kosciusko-Morizet semblent plus écouter José Bové que les représentants de la FNSEA ?
On ne peut pas dire cela. Jean-Louis Borloo, sans crier gare, avait quand même décidé purement et simplement de retirer le projet de loi sur la transposition définitive de la directive européenne sur les OGM en France. L’intervention de Jean-Michel Lemétayer, auprès du président de la République, a permis de réintroduire la discussion au Sénat, dès le 5 février.

On a observé une certaine cacophonie au sein même du comité de la Haute Autorité sur les OGM. Quatorze scientifiques appartenant à celle-ci ont dénoncé la manière dont le sénateur Legrand, président de ce Comité, avait présenté ses travaux ? Qu’en pensez-vous ?
Globalement, pendant trois semaines, il y a eu une grande cacophonie y compris au niveau gouvernemental, entre les services du premier ministre, le ministère de l’Agriculture et un ministre d’État en charge de l’Écologie et du Développement durable qui raconte tout et son contraire… Cela a perturbé sérieusement les membres de ce comité. Il y a quinze jours, lors des questions orales au Gouvernement, Jean-Louis Borloo a répondu à Noël Mamère qu’il souhaitait la mise en place de la clause de sauvegarde. Ce qui montre clairement que le choix politique était déjà fait, avant même que le comité se prononce.
Je ne pense pas que les scientifiques contestent la teneur du rapport de ce comité. Ce qu’ils contestent c’est la présentation faite par le président Legrand et, en particulier, l’emploi de l’expression : « des doutes sérieux ». Expression déjà employée par le président de la République lors de sa conférence de presse. Les points avancés par l’étude de ce comité sont connus et n’apportent rien de nouveau. C’est pourquoi, nous disons que dans l’état actuel des choses, nous ne pensons pas qu’il y ait des faits avérés scientifiques nouveaux suffisamment importants pour que la France demande la clause de sauvegarde. Le président de la République a fait ce choix, dont acte. Si cette décision est attaquée par un certain nombre de groupes de pression, en France, dont les associations spécialisées, et que la Commission européenne rend le même verdict qu’elle a rendu aux Autrichiens ou aux Hongrois, ce sera un coup difficile pour la France à quelques mois de sa présidence de l’Union européenne.

Cette décision ne risque-t-elle pas d’envenimer les futurs débats sur le projet de loi OGM ?
La violence des propos exprimés, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, sur les conclusions délivrées par la Haute Autorité, me laisse penser qu’il y aura des séquelles très fortes et très perturbantes dans le cadre des prochaines discussions. Il y a les vainqueurs et les vaincus et bon nombre de parlementaires font partie de ce dernier camp. C’est la troisième fois que le projet de loi arrive au Sénat. À la place des Sénateurs, je serais particulièrement agacé du peu de courage politique des gouvernements successifs.

Il est à peu près sûr qu’il n’y aura pas d’OGM dans les champs français au printemps prochain. Comment comptez-vous gérer cette situation ?
Considérant que les faucheurs anti-OGM n’ont jamais été véritablement sanctionnés par la justice, il est probable qu’un certain nombre de producteurs décident d’acheter des semences OGM en Espagne pour les semer en France. Au nom de quel droit, ces planteurs seraient-ils condamnables alors que ceux qui fauchent depuis trois ans n’ont subi aucune peine.
Si cette clause de sauvegarde est attaquée dès son dépôt, si elle tombe par manque de preuves scientifiques, et je pense que ce sera le cas, le calendrier peut laisser l’espoir d’entrevoir des semis au printemps… Nous ne sommes qu’à la mi-janvier.
La FNSEA ne se prononce pas pour ou contre les OGM. Elle souhaite que la communauté scientifique se prononce pour savoir si oui ou non, on peut semer des maïs transgéniques. Je regrette qu’en France, une fois de plus, on ridiculise les avis scientifiques pour habiller des éléments politiques.
Propos recueillis par M.-C. Lefebvre et H. Garnier

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