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Elevage
Se convertir progressivement à la bio, c’est possible

Du bio et du non bio sur une même exploitation, cette pratique nommée “mixité” est autorisée, sous conditions, par la réglementation européenne.

Pour les animaux, il doit s’agir d’espèces distinctes. Et pour les végétaux, il doit s'agir de variétés différentes pouvant facilement être distinguées à l’œil. Cette pratique peut permettre l’accès à l’agriculture biologique pour des exploitations qui s’en pensent trop éloignées, mais, elle peut jeter quelques doutes sur la légitimité des pratiques bio.
La mixité est la conduite simultanée sur une même exploitation de productions en agriculture biologique et en conventionnel.
Depuis le 1er janvier 2009 la mixité est tolérée de manière pérenne par la nouvelle réglementation. Elle implique une organisation de l’exploitation permettant de répondre aux exigences des contrôles et peut engendrer un surcoût de certification.

Sous quelles conditions la mixité est envisageable ?
Les textes précisent que “normalement, l'ensemble d'une exploitation agricole est géré en conformité avec les exigences applicables à la production biologique”.
Toutefois, une exploitation peut être scindée en unités clairement distinctes qui ne sont pas toutes gérées selon le mode de production biologique.
Dans ce cas-là, il y aura séparation des terres, des animaux et des intrants qui sont utilisés pour les unités biologiques ou qui sont produits par ces unités de ceux qui sont utilisés pour les unités conventionnelles ou qui sont produits par ces unités. L’exploitant tiendra un registre permettant d'attester cette séparation.

Pour les animaux, il doit s’agir d'espèces distinctes
Par exemple :
- conduire sur une exploitation des bovins viande en bio et des bovins lait en conventionnel : ce n’est pas possible ;
- conduire des bovins en bio et des ovins en conventionnel : c’est autorisé sous les conditions suivantes : soit les bâtiments et les parcelles sont clairement séparés, soit les bâtiments sont clairement séparés et les parcelles sont les mêmes, mais les animaux bio et non bio ne doivent pas être présents en même temps sur les pâturages.

Pour les végétaux, il doit s’agir de variétés différentes pouvant facilement être distinguées à l’œil par toute personne non experte
Par exemple :
- conduire un verger en bio et des cultures annuelles en conventionnel ;
- conduire des prairies en bio sur un bloc dédié à l’agriculture biologique et des betteraves sucrières sur un autre bloc conduit en conventionnel.
Lorsque les variétés sont différentes mais difficiles à distinguer après la récolte, le producteur s’engage à mettre en œuvre des moyens de traçabilité supplémentaires :
• faire une demande écrite de dérogation auprès de l’organisme certificateur ;
• prévenir l’organisme de contrôle des dates de récolte bio et non bio ;
• l’informer des volumes conventionnels et bio récoltés ;
• faire un suivi des volumes récoltés et des sorties et l’en informer ;
• accepter un plan de contrôle renforcé (qui coûte plus cher) : contrôle supplémentaire, prélèvement pour analyse variétale, certification de lots… ;
• ne stocker à la ferme qu’une qualité de ces variétés : soit bio, soit conventionnelle.
Les critères de distinction suivants ne sont pas suffisants et nécessitent de mettre en œuvre les moyens supplémentaires : longueur du grain de blé, diamètre de la graine de féverole, les critères morphologiques en végétation pour une même espèce (par exemple pour le blé : hauteur de paille, épi barbu). La gestion administrative de ces situations s’avère lourde.

Quels avantages de la mixité ?
- Elle permet d’envisager une conversion progressive en se familiarisant avec les techniques de l’AB sur une partie de l’exploitation (sur un atelier, sur un bloc rotationnel, sur un verger).
- La mixité permet de maintenir sur l'exploitation un atelier difficilement envisageable en bio, par exemple un atelier cultures avec des betteraves sucrières. Elle permet ainsi d’envisager une conversion bio même sur des structures qui se l’interdisaient auparavant.

Quelles limites ?
- La limite la plus évidente réside dans la baisse de confiance et la crédibilité que peuvent accorder les consommateurs, les clients et même les voisins aux produits bio issus de fermes où l’on cultive aussi des produits conventionnels.
- La culture une même année, sur des unités bio et non bio, d’une même variété ou de variétés difficiles à distinguer, sans avoir mis en œuvre les démarches supplémentaires de traçabilité, conduit au déclassement en conventionnel de toute la production. L’enjeu économique et psychologique est fort. Il faut donc être très vigilant sur le choix des variétés et de leurs critères de différenciation lorsque l’on veut cultiver la même espèce en bio et en conventionnel.
- Les contrôles et les enregistrements de traçabilité sont plus nombreux et plus stricts.

Un stockage approprié pour les produits bio
Les zones destinées au sto-ckage des produits biologiques sont gérées de façon à assurer l'identification des lots et à éviter tout mélange ou toute contamination par des produits et/ou substances non conformes aux règles de la production biologique. Les produits biologiques doivent pouvoir être clairement identifiés à tout moment.
Dans les unités consacrées à la production animale et végétale biologique, il est interdit d’y stocker des intrants conventionnels, on ne doit y trouver que ceux autorisés en bio. Toute mesure nécessaire est prise pour assurer l'identification des lots et éviter tout mélange ou échange avec des produits non biologiques. Un nettoyage approprié, dont l'efficacité a été contrôlée, doit être effectué avant le stockage des produits biologiques. L’agriculteur conservera alors une trace de ces opérations.

Quelques questions pratiques
- Quel impact sur les aides à la conversion ?
Quand on choisit de convertir une partie de son exploitation en agriculture biologique, les aides à la conversion s’appliquent sur les surfaces en conversion bio, sans engagement de conversion de l'ensemble des surfaces de l'exploitation par la suite.
- Les bovins conventionnels peuvent-ils pâturer dans un verger haute-tige bio ?
Oui, mais le chargement sur l’unité bio ne doit pas dépasser sur l’année les 2 UGB/ha et respecter le seuil des 170 unités d’azote organique / ha de surface épandable.
- Puis-je élever des chevaux de loisir alors que mon élevage est bio ?
Oui, la présence d’animaux “de loisir” comme des chevaux ou d’animaux pour auto-consommation personnelle (volailles, cochons) conduits en conventionnel est une pratique autorisée, tant que ces animaux ne font pas l’objet d’une commercialisation. Les chevaux peuvent pâturer sur les prairies bio à condition de respecter des limites de chargement.

Dans le cadre du Groupe Technique Mixte Bio de Normandie
Ces articles consacrés à l'agriculture biologique sont écrits dans le cadre du Conseil normand de l'agriculture biologique, instance qui regroupe des professionnels des Chambres d'agriculture et des Groupements bio de Normandie.
Pour plus de renseignements, n'hésitez pas à contacter le conseiller bio de votre Chambre d'agriculture ou de votre Groupement bio.

Une conversion progressive de l’atelier laitier aux grandes cultures : l’EARL Moinet à Dampierre en Bray (76)

Qu’est ce qui vous a fait choisir la conversion partielle ?
Dans les années 1990, le contexte était particulier. Il existait peu de références sur le lait bio et nous ne savions pas trop où nous mettions les pieds. La collecte démarrait à peine. De plus, je voulais mettre en place mon assolement progressivement. Après deux années de sècheresse avec une pousse de l’herbe lente, j’étais juste en stock. En pleine installation, je ne voulais pas cumuler trop de risques !
J’ai converti 33 ha la première année, puis 60 ha la deuxième et enfin 10 ha en troisième année. Les 10 derniers hectares étaient des terres à cailloux, difficiles à travailler.
Ma conversion s’est accélérée, car une modification règlementaire qui raccourcissait le délai de conversion à 18 mois a été mise en place. Cependant, cette opération était permise uniquement sous condition de convertir, à terme, la totalité des surfaces de la ferme. Parallèlement les plus values devenaient intéressantes, tirées par Lactalis qui commençait à chercher du lait bio. J’ai donc voulu saisir cette opportunité.

Comment cela se passait avec l’organisme certificateur ?
Je n’ai pas eu de difficultés au début car je ne valorisais pas ma production en bio. De plus, je n’avais pas de cultures mixtes sur l’exploitation. J’ai commencé sur des prairies, et les terres de culture que j’ai converties ont été de suite implantées en herbe.

En tant qu’agriculteur biologique engagé dans le réseau bio, que pensez vous de la mixité ?
Pour ceux qui s’engagent à long terme, la pratique de la mixité permet de se faire la main techniquement. Cela permet aussi de limiter les risques d’une déstabilisation importante du système en place, en particulier pour les systèmes de grandes cultures.
En effet, pour une ferme en grandes cultures, la conversion suppose qu’on adopte des rotations assez longues. Pour mettre en place cet assolement, il est impératif d’implanter une légumineuse en tête de rotation, qui apportera l’azote, la structuration du sol et la maîtrise des adventices. Cela ne peut pas se faire sur la totalité de la surface d’un coup et la mixité permet ainsi de mettre en place progressivement cette incontournable tête de rotation. Dans mon cas de figure, sur les parcelles qui n’avaient pas eu cette tête de rotation, j’ai traîné des rendements de l’ordre de 20-25 quintaux/ha sur céréales. Dès lors que j’ai pu mettre en place ma rotation bio sur l’ensemble de l’assolement, tout est rentré dans l’ordre. Aujourd’hui mes rendements sont plus proches de 40 quintaux/ha, ce qui est une moyenne normale en bio, compte-tenu du potentiel de mes sols (75 à 80 quintaux/ha en conventionnel).
En revanche, nous appelons à la plus grande vigilance des organismes certificateurs vis-à-vis des conversions partielles opportunistes. Je considère que la conversion partielle doit amener, à terme, à une conversion totale. Le maintien permanent de la mixité comme objectif me semble en complet désaccord avec la pratique et les valeurs de l’agriculture biologique.

Du lait en bio et des porcs en conventionnel : Gaec du Mont-Hardy (4 associés) à St-Hilaire de Briouze (61)

Qu’est-ce qui vous a fait choisir la mixité ?
Chez nous, l’atelier lait et toutes les terres (500 000 litres, 155 ha) sont conduits en agriculture biologique depuis 2000. Les surfaces de l’exploitation assurent l’alimentation des bovins (120 ha d'herbe, 30 ha de céréales et 5 ha de maïs ensilage). Avec nos surfaces, nous ne pouvions pas produire ne serait-ce qu’une partie de l’alimentation pour les porcs (40 truies naisseur-engraisseur), ce qui était en 2000 une obligation pour des porcs bio. De plus, le bâtiment pour l’engraissement des porcs n’offrait pas les surfaces suffisantes par animal. Et comme nous souhaitions maintenir cet atelier, la mixité s’est imposée.

Concrètement, la mixité a-t-elle engendré des pratiques spécifiques ?
Chez nous, nous fabriquions les aliments des vaches et des porcs : le stockage des céréales et le moulin ne pouvaient plus être communs aux vaches et aux porcs. Aujourd’hui, nous stockons nos céréales bio sous un hangar et un transformateur vient à la ferme les aplatir, elles sont destinées aux vaches. Pour les porcs, nous achetons des matières premières conventionnelles qui sont stockées près de la porcherie et notre moulin est dédié à cette transformation.

Voyez-vous des inconvénients à la mixité ?
Techniquement, peu de difficultés sont à mentionner car l’atelier porc est conduit indépendamment du lait. Par contre, nous pratiquons un peu de vente directe de porc, et nos clients nous interpellent et trouvent bizarre que nos porcs ne soient pas bio. En rajoutant cette considération à celle d’une obligation de conversion totale de l’exploitation dans les 8 ans à l’époque où nous avions converti l’atelier lait, nous nous préparons aujourd’hui à produire les porcs en bio. Nous adaptons petit à petit nos bâtiments pour l’engraissement (les truies étaient déjà sur aire paillée), et nous pourrions acheter dans la région les matières premières bio pour alimenter les porcs, comme le permet le nouveau cahier des charges européen.

Comment se passe le contrôle par l’organisme certificateur ?
L'OC n’a pas de préjugés de malfaisance sur nos pratiques, il fait certainement plus attention, vérifie les quantités d’aliments livrées pour les porcs et la cohérence avec le nombre de porcs produits, visite les parcelles. Il nous facture entre 900 et 1 000 €/an.

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